C'est un Nagib Mikati un peu moins optimiste que les premiers jours suivant sa désignation qui est sorti lundi de près d'une demi heure d'entretien avec le président de la République, Michel Aoun, au palais de Baabda. Après avoir confirmé que le gouvernement ne verra pas le jour avant la commémoration de l'explosion du port de Beyrouth le 4 août comme il le "souhaitait" -ce qu'il avait annoncé jeudi dernier-, les marchandages politiques obstruant une nouvelle fois sa tâche.
C'est sur un ton plus ferme que lors de ses précédents points de presse que le milliardaire de Tripoli a tenu à mettre les point sur les i : le délai (pour trouver une entente sur le dossier du gouvernement) n'est pas "indéfiniment ouvert" et la rotation au niveau des portefeuilles régaliens (les Finances, l'Intérieur, la Défense et les Affaires étrangères) ne sera pas sur la table.
"J'aurais souhaité que le rythme de formation de gouvernement soit plus rapide", a reconnu M. Mikati après la réunion avec le président Aoun, la quatrième depuis sa désignation. "Je voulais que nous formions un gouvernement rapidement pour l'annoncer aux Libanais avant le 4 août", qui coïncide avec le premier anniversaire de l'explosion dévastatrice au port de Beyrouth ayant fait 214 morts et plus de 6.500 blessés, a-t-il déclaré. Il a dans ce contexte insisté sur sa volonté de former ce nouveau gouvernement tant attendu dans un délai temporel limité, après un an de tergiversations et de tractations politiciennes."Le délai n'est pas indéfiniment ouvert. A bon entendeur, salut!", a-t-il lancé.
Pas de rotation
Le Liban est sans gouvernement depuis la démission de Hassane Diab et de son équipe le 10 août 2020. Le 26 juillet, le président Aoun a chargé Nagib Mikati, 65 ans, de former un nouveau cabinet après l'échec de ses deux prédécesseurs (Moustapha Adib et Saad Hariri qui s'est récusé après neuf mois de tractations) à mettre en place un cabinet censé mener des réformes indispensables pour sortir le Liban de la pire crise socio-économique de son histoire récente. L'aide internationale au Liban est conditionnée à la formation d'un gouvernement capable de lutter contre la corruption et de mener des réformes. Malgré les menaces de sanctions de l'Union européenne (UE), dont le cadre légal a été adopté vendredi dernier, ainsi que les avertissements et les accusations "d'obstruction organisée" ces derniers mois, les dirigeants libanais n'ont pas bougé d'un iota, poursuivant leurs marchandages. La France, qui chapeaute les efforts internationaux pour une sortie de crise, a annoncé une nouvelle conférence d'aide internationale au Liban le 4 août, pour "répondre aux besoins des Libanais". Ce sont justement les préparatifs de cette réunion que M. Aoun devrait suivre de près tout au long de la journée de mardi qui ont retardé la cinquième réunion Aoun-Mikati jusqu’à jeudi prochain, selon le Premier ministre désigné.
Lundi, les discussions entre les deux hommes étaient censées porter sur la rotation au niveau des portefeuilles régaliens et, par conséquent, la question des ministères de la Justice et de l’Intérieur, deux portefeuilles-clés au sein d'une équipe de 24, sur lesquels Baabda semble insister pour avoir son mot à dire, notamment à l’approche des législatives de mai 2022. Lors de son point de presse, Nagib Mikati a tranché le débat : "Pour éviter les problèmes, je propose le maintien de la répartition (des portefeuilles régaliens entre les différentes communautés) telle qu'elle est dans le gouvernement sortant", a-t-il déclaré.
Concrètement, cela signifie que le Premier ministre désigné refuse d'appliquer le principe de la rotation au niveau de ces ministères, alors que c'est ce que souhaite le camp du président. Les chiites pourraient donc conserver les Finances, alors que les sunnites garderaient l'Intérieur. Quant aux chrétiens, ils pourraient garder les Affaires étrangères (maronite) et la Défense (grec-orthodoxe). Le maintien des Finances aux mains des chiites, comme le souhaite le tandem Amal-Hezbollah, rendrait difficile pour le président Aoun de nommer un chrétien à l’Intérieur. Une situation que le président pourrait chercher à compenser en demandant le ministère de la Justice pour les chrétiens.
commentaires (13)
LA NOMINATION DE MIKATI NE FUT PAS UNE BONNE NOUVELLE/ PAR CONTRE LA VRAIE SEULE BONNE NOUVELLE EST SA DECLARATION D'HIER A BAABDA:
Gaby SIOUFI
10 h 02, le 03 août 2021