Le président Michel Aoun a affirmé vendredi qu'il était prêt à être entendu par le juge Tarek Bitar chargé de l'enquête sur l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, tandis que le chef du courant du Futur et ex-Premier ministre Saad Hariri mène un forcing pour réclamer la suspension des immunités de tous les responsables, chef de l'Etat inclus.
M. Aoun a tenu ces propos en recevant au palais de Baabda le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, qui s'était récusé de l'enquête pour cause de parenté avec le député Ghazi Zeaïter, l'un des députés et ex-ministres mis en cause par le juge Bitar.
La déflagration a fait plus de 200 morts et des milliers de blessés. Près d'un an après, la population libanaise dénonce la lenteur des investigations. Aucun haut responsable libanais n'a pour l'heure été entendu. Le président du Parlement, Nabih Berry, a déclaré jeudi qu'il était prêt à lever l'immunité de ses membres aux fins de l'enquête.
"Personne n'est au-dessus de la loi"
Selon un communiqué du palais de Baabda, le président Aoun a "insisté sur la nécessité que la justice suive son cours sur le crime du port de Beyrouth, à quelques jours du premier anniversaire du drame (...)". Le chef de l'Etat "tient au secret de l'enquête, à sa bonne marche, et s'est dit entièrement disposé à témoigner si le juge le décide en vertu de l'article 85 du Code de procédure pénale (…) Personne n'est au-dessus de la loi, quel que soit son poste. La justice se fait auprès des instances judiciaires compétentes", ajoute le texte sans plus de précisions.
L'article 85 du chapitre III du Code de procédure pénale libanais ("De l'audition des témoins") prévoit que "si l’affaire exige l’audition du président de la République, du président de la Chambre des députés ou du président du Conseil des ministres, le juge d’instruction se déplace, accompagné de son greffier, au cabinet de l’intéressé pour recueillir sa déposition".
La déflagration du 4 août a détruit une grande partie de la ville. Près d'un an après, la population continue à dénoncer la lenteur des investigations et aucun haut responsable n'a pour l'heure été entendu, même si le juge Bitar a inculpé plusieurs responsables politiques et sécuritaires, en poste ou à la retraite. L'enquête trébuche, entre autres, sur le refus du Parlement de lever l'immunité de députés.
Autorisation pour poursuivre le général Saliba
De leur côté, les dirigeants politiques tentent de faire preuve de coopération avec la justice mais en se livrant à des surenchères. M. Hariri a ainsi réclamé la levée de l’immunité de tous les responsables et appelé à la suspension de toutes les dispositions constitutionnelles et légales qui leur confèrent cette protection. Le Parlement s'est dit prêt jeudi, par la voix de son président, Nabih Berry, à lever l'immunité de ses membres afin de permettre leur audition, mais il n'a pas précisé quand cette immunité serait levée ni de quelle manière elle le serait.
Selon plusieurs médias locaux, le juge Bitar a demandé vendredi au Conseil supérieur de défense l'autorisation de poursuivre le directeur de la Sécurité de l'Etat, le général de division Tony Saliba. L'Orient-Le Jour a tenté à plusieurs reprises vendredi de joindre le juge mais sans succès. Jeudi, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, également inculpé dans l'enquête, avait affirmé qu'une autorisation pour poursuivre l’officier supérieur n'était pas de son ressort mais relevait plutôt du Conseil supérieur de défense.
"Conformément à ce qu'a annoncé le président de la République, nous confirmons, comme nous l'avons dit depuis le premier jour, notre disponibilité à comparaître devant le juge d'instruction près la Cour de justice", a écrit pour sa part le député Ali Hassan Khalil sur Twitter vendredi. Il a dit accepter d'"être entendu" et de se "soumettre à l'enquête devant l'autorité compétente". "Il n'est plus justifié de ne pas accepter la levée des immunités pour tous sans exception", a-t-il ajouté dans son tweet.
Le juge Bitar a requis la levée de l'immunité de M. Hassan Khalil pour le mettre en examen et des poursuites pour "éventuelle intention d'homicide" et "négligence et manquements". Le barreau de Beyrouth a levé mercredi l'immunité de l'avocat. Celui-ci reste encore protégé par son immunité parlementaire, la Chambre rechignant à accepter la requête du juge Bitar.
"Les immunités de tous les responsables, du sommet jusqu'au pied de la pyramide, doivent être levées", a estimé pour sa part vendredi le vice-président du Parlement, Elie Ferzli, lors d'un entretien avec la chaîne locale LBCI. A propos de l'amendement de la Constitution pour la suspension des immunités, un texte qui doit être approuvé aussi par le gouvernement, M. Ferzli a affirmé que le Premier ministre sortant "s'est dit prêt à convoquer un conseil des ministres pour préparer un projet de loi à ce sujet dans le cas où un nouveau gouvernement n'aurait pas encore été formé". Le cabinet Diab a démissionné dans la foulée du drame du 4 août et ne peut pas se réunir en conseil des ministres. M. Najib Mikati a été chargé lundi de former un nouveau gouvernement.
commentaires (7)
AH LES SCELERATS ! AH LES FOURBES ! AH LES ANGES GARDIENS !
Gaby SIOUFI
09 h 45, le 01 août 2021