Ils s’appellent Roberto, Ahmad, Yasser ou Dany. Ces skateurs, qui viennent des quatre coins du Liban et sont souvent contraints de pratiquer leur sport dans la rue, auront bientôt un skatepark digne de ce nom en plein cœur de Beyrouth, une première au Liban où les espaces publics sont peu nombreux et où les jeunes ne disposent pas des endroits appropriés pour leurs loisirs. L’inauguration du Skatepark, dont l’entrée sera gratuite, est prévue pour la fin juillet, quelques semaines après le début de sa construction au Bois des Pins (Horch Beyrouth) grâce à un partenariat entre l’ONG Make Life Skate Life et la municipalité de Beyrouth.
Professeure de yoga américaine installée au Liban, Esther Chang est à l’origine du projet. Très proche des jeunes skateurs et sportifs de Beyrouth, elle est entrée en contact avec l’ONG qui a déjà construit des skateparks en Jordanie, en Inde, en Irak, au Myanmar, en Éthiopie, au Népal, au Maroc et au Brésil. Ces espaces sont principalement dédiés à des jeunes issus de milieux vulnérables ou des réfugiés.
Roberto, 24 ans, tatoueur et skateur depuis huit ans, accueille le projet comme une bouffée d’oxygène, tout comme les autres jeunes qui l’accompagnent au Bois des Pins pour s’enquérir de l’avancée des travaux. « Je n’arrive pas à croire que nous allons enfin avoir un skatepark au Liban. D’habitude, nous nous retrouvons dans la rue, place Riad el-Solh à Beyrouth, par exemple, étant donné que le secteur était fermé dernièrement à la circulation », explique-t-il en indiquant qu’il y aurait environ 150 skateurs au Liban, dont 30 professionnels âgés de 20 à 37 ans. Dany, la vingtaine, est venu, lui, spécialement de Nabatiyé, au Liban-Sud, pour rencontrer les autres skateurs. « Il y a très peu d’endroits pour nous retrouver entre skateurs, surtout dans le Sud. Je m’introduisais dans une cour d’école pendant les week-ends pour faire du skate car il n’y a aucun autre endroit pour le faire », confie-t-il.
Pourchassés par les agents de sécurité
« J’ai commencé à connaître des skateurs libanais en 2019. Ils rêvaient déjà d’avoir un skatepark, puis les explosions du port de Beyrouth se sont produites et le projet a été abandonné pendant un an, raconte Esther Chang à L’Orient-Le Jour. Nous avons aidé les skateurs à remplacer portes et fenêtres chez eux, puis avons de nouveau abordé le projet. Ils nous disaient qu’il y a trop de stress dans le pays et qu’ils avaient besoin de souffler un peu, c’est alors que nous avons commencé à y travailler sérieusement. » Make Life Skate Life, dont la devise est “Rendre le monde meilleur grâce au skateboard”, a réussi à lever des fonds pour le projet grâce à un appel aux dons lancé en ligne. La Fondation Decathlon a également offert une aide financière pour ce projet mené en partenariat avec les ONG arcenciel et Just.Childhood. La compagnie aérienne française AirFrance a pour sa part sponsorisé les billets de skateurs venus prendre part à la construction en tant que volontaires. « Une fois la construction terminée, nous aurons dépensé 50 000 euros pour la construction et la formation de coachs locaux qui apprendront le skate gratuitement aux enfants », indique Esther.
Ahmad, un Palestinien de 19 ans et étudiant en psychologie qui pratique le skate depuis six ans, habite dans le camp de réfugiés de Chatila, à quelques pas de Horch Beyrouth. « Les mentalités ne sont pas favorables à ce genre de sport et j’ai hâte que le skatepark soit inauguré », lance-t-il. « Un enfant est heureux quand on lui donne un skateboard », constate pour sa part Yasser, 17 ans, qui a laissé tomber l’école pour travailler. « Je m’exerce dans la rue avec mes amis, mais les agents de sécurité nous pourchassent et les gens nous regardent souvent de travers. On nous traite de tous les noms. »
Un point de rencontre pour les jeunes
Le chantier du skatepark est opéré par une quinzaine de skateurs professionnels venus de France, d’Allemagne, de Belgique, du Costa Rica, du Luxembourg et des États-Unis, qui travaillent à la construction en tant que bénévoles, aux côtés d’un ingénieur libanais, lui aussi volontaire. Parmi eux, Lisa, une Française qui pratique le skate depuis 20 ans, et Marc, un skateur professionnel allemand d’une trentaine d’années. « Nous avons déjà pris part à des projets similaires en Irak, au Brésil, en Jamaïque, au Bangladesh et en Afghanistan », confie-t-il alors qu’il se repose sous un arbre entre deux coulées de béton.
René, la trentaine, est assistant social en Allemagne et skateur professionnel depuis 16 ans. « J’ai déjà participé à la construction d’un skatepark en Irak. Je suis content de faire quelque chose que j’aime et de construire dans un pays où il n’y a pas d’accès aux sports en plein air », confie-t-il. Samer Nouaihed, ingénieur employé en Arabie saoudite et en vacances au Liban, s’est également porté volontaire dans le cadre de ce projet. « Certains passants nous critiquent quand ils apprennent ce que nous faisons et nous disent : “Les gens meurent de faim et vous construisez un skatepark.” Mais ils comprennent mieux lorsqu’ils discutent avec les jeunes skateurs. Ce sera un point de rencontre pour des jeunes qui partagent la même passion, c’est important d’avoir un tel espace », estime-t-il.
Bravoooo super projet. Merci à toutes ces ONG de s’occuper des misères du Liban et des besoins des libanais à tous les niveaux. Si seulement nos politiciens étaient concernés par le peuple qu’ils sont censés représenter ce serait merveilleux
13 h 54, le 26 juillet 2021