La victoire écrasante de la liste de l’opposition antisystème aux élections de l’ordre des ingénieurs, dimanche, pose d’ores et déjà une foule de questions sur la capacité de cette opposition à renouveler l’exploit lors des prochaines législatives, en mai 2022. Le chercheur Jamil Mouawad pense qu’il faut faire une lecture prudente des résultats de ce scrutin, aussi significatifs soient-ils, afin d’éviter les écueils lors des prochaines échéances électorales.
Quels enseignements l’opposition devrait-elle tirer de cette victoire ?
Cette victoire a été remportée grâce à un vote-sanction d’une classe moyenne dégoûtée par la classe politique actuelle, et à une très bonne organisation qui s’est mise en place depuis deux ans, ainsi qu’à un discours émergent et efficace, focalisé sur la reprise de contrôle des syndicats. Mais l’intérêt, pour cette opposition, est surtout de comprendre pourquoi les partis au pouvoir ont perdu, pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas utilisé toutes leurs armes, et pourquoi ils n’ont pas fait plus d’efforts en vue de resserrer leurs rangs. Est-ce parce qu’ils sont réellement en état de déliquescence ou parce qu’ils ont choisi de se retirer tactiquement d’une course qu’ils savent perdue d’avance, ayant déjà rompu tout contact avec cette classe moyenne depuis octobre 2019 ?
Quel impact cette victoire syndicale peut-elle avoir sur les législatives de 2022 ?
Suivant ma lecture des faits, malgré cette victoire significative à l’ordre des ingénieurs, il est très risqué de penser que les défaites successives des partis traditionnels dans les universités et les syndicats signifient la fin de cette classe politique. Elle pourrait se retirer tactiquement de ces batailles-là pour mieux se concentrer sur celle des législatives, où son discours pourrait reprendre des thèmes existentiels à connotation communautaire et à dimension régionale, visant à mobiliser une classe populaire à laquelle les groupes de la contestation ne savent pas nécessairement s’adresser. Les échéances institutionnelles obéissent à une logique très différente des élections syndicales.
Quels pièges devrait par conséquent éviter l’opposition dans sa bataille pour les législatives ?
Il faudrait tout d’abord adopter un véritable projet politique, et dépasser les slogans en vue de repenser le système économique et politique. Aujourd’hui, cette contestation se retrouve autour d’un dénominateur commun qui consiste à s’opposer à la classe politique, mais les groupes qui la composent seront-ils d’accord sur tout ? Même la classe politique saisit actuellement l’occasion en reprenant à son compte ce discours de changement de la caste politique, et pourrait opter pour un simple remplacement de certains visages par d’autres lors des prochaines législatives afin de simuler sa participation au changement. Voilà pourquoi il serait utile pour l’opposition de faire évoluer ce dénominateur commun vers une véritable proposition pour régler la crise. Le pays passe par une phase très critique et ces victoires dans les élections syndicales et universitaires sont beaucoup plus lentes que l’effondrement sociétal en cours. L’opposition devrait aujourd’hui être porteuse d’un véritable projet de société, pas seulement de gouvernance, et, surtout, établir le contact avec la classe populaire (public privilégié des partis traditionnels).
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QUELLES OPPOSITIONS ET QUELS PROJETS ? IL Y A UNE MILTITUDE DE BLA... BLA... BLA... DES POCHES D,AIR...
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 34, le 20 juillet 2021