Fouad Abou Nader : Pour un « mariage de raison » des communautés libanaises

Ancien commandant des Forces libanaises, neveu de Bachir Gemayel, Fouad Abou Nader signera demain à la Librairie Antoine (ABC Achrafieh, entre 17h et 19h), Les défis de la liberté (éditions de l’Observatoire), un ouvrage écrit avec l’assistance éditoriale de Nathalie Duplan et Valérie Raulin, grands reporters spécialistes du Liban, à qui l’on doit des ouvrages consacrés à Jocelyne Khoueyri et au camp palestinien de Dbayé. Médecin entré dans la résistance armée, Fouad Abou Nader, 65 ans, est aujourd’hui engagé sur le terrain à travers son ONG Nawraj, qui œuvre par les moyens du développement durable à sauvegarder le modèle libanais sur l’ensemble du territoire.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Eh bien, parce que je ne veux pas que nos enfants refassent la guerre comme nous l’avons faite. Mais attention, ce n’est pas une biographie, un livre sur la guerre. Si j’en relate certains épisodes, c’est pour les réflexions personnelles qu’ils m’ont poussé à faire, et grâce auxquelles je peux proposer mon propre plan pour sauver le pays et faire en sorte que nos enfants puissent y vivre en partenaires en toute liberté, égalité, sécurité et dignité.

Quel est ce projet ? Quel est le message que vous cherchez à faire parvenir à l’opinion ?

Après l’accord de Taëf (1989), le canon s’est tu, mais la paix a été rétablie sur des données trompeuses. On n’a rien dit des causes profondes de la guerre, à savoir la lutte pour le pouvoir entre les communautés, chacune cherchant à l’accaparer à elle toute seule, et s’appuyant pour le faire sur un allié régional ou international. C’est ce qui nous a fait perdre notre indépendance.

Lire aussi

« Liban : les défis de la liberté » de Fouad Abou Nader, un ouvrage tourné vers l’avenir

Après Taëf, c’est un pouvoir à trois têtes que l’on a instauré, et l’on a mis le Liban sous tutelle syrienne. L’alternative offerte était : soit la poursuite de la guerre civile, soit le règne du népotisme. Pour sortir de ce piège, je propose une troisième voie, un « mariage de raison » des communautés, après l’échec du « mariage d’amour » de 1920. À cette fin, je propose la mise en commun des intérêts socio-économiques des différentes régions à travers une décentralisation poussée – une sorte de régionalisme à l’italienne –, la déclaration de la neutralité positive du Liban et enfin l’unification de l’état civil afin de faire tomber les barrières communautaires qui séparent les Libanais.

Il y a aussi dans votre ouvrage d’éclairants récits inédits du temps de guerre, du climat qui a précédé le 13 avril, de la création des Forces libanaises, des incidents de terrain, etc. Lequel vous a marqué ?

C’était le 6 mars 1975, le jour où Maarouf Saad, hospitalisé, a succombé aux balles qui l’avaient atteint au cours de la manifestation de pêcheurs qui avait eu lieu à Saïda le 26 février précédent. Ignorant que l’incident avait mis certains quartiers en ébullition, nous nous rendons pour un snack à Basta avec Élie Zayeck et un autre ami, Farid. Au retour, nous sommes interceptés à Barbir par un barrage volant du groupe propalestinien de Issam el-Arab. Identifiés comme Kataëb, nous sommes roués de coups. Je suis blessé à la tête d’un coup de crosse. La voiture est criblée de balles. Ensuite, de responsable en responsable, nous finissons devant Yasser Arafat en personne qui, apprenant que Pierre Gemayel est mon grand-père, me lance : « Vous les chrétiens, un jour viendra où vous comprendrez ce que c’est que vivre sous les tentes ; un jour viendra où vous allez vous-mêmes vivre sous des tentes », et on nous remet en liberté. Je suis heureux de pouvoir dire que ce jour n’est pas venu.