Un terrible incendie dans l'unité Covid d'un hôpital en Irak a coûté la vie à plus de 60 personnes lundi soir et provoqué la colère de la population qui a de nouveau dénoncé la gabegie et la défaillance des pouvoirs publics. Il s'agit du deuxième drame du genre en moins de trois mois dans le pays, où le système de santé est délabré depuis des décennies, en raison de la crise économique, des conflits et de la corruption.
A Nassiriya, ville du Sud, l'unité Covid de l'hôpital al-Hussein, en réalité un hangar vétuste installé fin 2020 et jouxtant l'établissement principal, pouvait accueillir jusqu'à 70 patients. Lundi soir, elle a été ravagée par les flammes en quelques heures après l'explosion de bouteilles d'oxygène, selon une source sanitaire.
Toit en tôle effondré, murs cloqués et noircis, vitres soufflées, vêtements épars à terre: la dévastation est totale et de nombreux habitants venus constater le désastre errent dans les ruines encore fumantes mardi, après des scènes de chaos. Au moins 64 personnes ont péri dans les flammes et une centaine de personnes ont été blessées, selon un dernier bilan mardi de sources médicales.
Dans la nuit, des centaines de volontaires sont venus prêter main-forte aux pompiers pour tenter de secourir les patients. "Nous entendions les gens crier mais nous ne pouvions pas faire grand-chose", a raconté à l'AFP Hicham al-Sumeri, un jeune militant.
Sur place, les proches des victimes ont crié de rage et de douleur. "Ils sont venus ici pour se faire soigner et ils repartent dans des cercueils", a lancé Abou Nour al-Shawi, qui a perdu plusieurs membres de sa famille. "Ce hangar n'était même pas bon pour abriter des animaux!".
L'incendie de Nassiriya est la répétition quasi identique d'une tragédie survenue en avril dernier à Bagdad, où l'explosion de bouteilles d'oxygènes avait déclenché un feu dans un hôpital dédié au Covid, et fait plus de 80 morts.
Négligences, manquement à la sécurité, corruption... La litanie des maux pointés lors de l'incendie de l'hôpital à Bagdad revenait sur toutes les lèvres. "Ce n'est pas un gouvernement que nous avons! C'est une mafia, des criminels, qui gouvernent le pays", s'est emporté Oudaye al-Jaberi, dont quatre proches ont péri dans les flammes. Et lors des funérailles des premières victimes --toutes n'ont pas encore été identifiées, selon la morgue--, les familles ont dénoncé "les corrompus" responsables selon eux de la tragédie, a relaté auprès de l'AFP Abbas Agil, un retraité.
Les manifestations se sont ensuite étendues à plusieurs secteurs de la ville de Nassiriya, qui fut l'un des épicentres du soulèvement populaire fin 2019 contre la corruption et l'incurie gouvernementales.
Des dizaines d'habitants ont bloqué les entrées de plusieurs hôpitaux pour exiger le transfert de patients dans un établissement flambant neuf de plus de 400 lits, construit par la Turquie et inauguré en juin par le Premier ministre Moustafa al-Kazimi...Mais inexplicablement inutilisé jusque-là. Les manifestants ont obtenu gain de cause, les autorités ayant ordonné le transfert de tous les patients de l'hôpital Al-Hussein dans ce nouvel établissement afin de libérer de la place pour les malades du coronavirus.
M. Kazimi a décrété un deuil national de trois jours pour les "martyrs" de Nassiriya. Et il a suspendu le directeur de l'hôpital al-Hussein et le directeur des autorités sanitaires régionales. Mais ces sanctions ne devraient pas calmer la colère des Irakiens, épuisés par les conditions de vie difficiles, le chômage, les coupures de courant incessantes et la défaillance des pouvoirs publics.
A l'étranger, le pape François s'est dit "profondément attristé" et a fait part de sa solidarité avec les familles affectées par "le tragique incendie". Le grand voisin iranien a proposé son aide humanitaire et médicale.
Les incendies sont courants en Irak: rien qu'entre janvier et mars 2021, 7.000 feux ont été recensés par le ministère de l'Intérieur. La pandémie a aggravé la crise dans le pays, où plus de 1,4 million de personnes ont été infectées par le coronavirus, dont 17.000 sont décédées selon des chiffres officiels.
"C'est toujours la même situation, tous les jours, les mêmes martyrs, les mêmes tragédies. Dans ce pays, ce sont les hôpitaux pour les pauvres qui brûlent", a lancé Oudaye al-Jaberi.
Les plus commentés
Guerre au Liban : comment expliquer le silence de Samir Geagea
Bassil à « L’OLJ » : L’heure est à l’unité, non aux tiraillements internes
Les points à retenir du discours de l’ayatollah Khamenei à Téhéran