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Nos Lecteurs ont la Parole

Ce qui menace les chrétiens et le Liban : toutes les violations de la Constitution !

Il est trop facile au Liban, pour des politiciens plus habiles en démagogie que pour l’exercice de la chose publique et aussi pour des intellectuels déconnectés de la vie, de se dérober du vrai désastre qui ravage le Liban. Les dérobades sont cependant sursaturées : contexte régional, formule libanaise, émergence d’un islamisme qui n’a rien à voir avec la religion, confessionnalisme, lacunes constitutionnelles, accord d’entente nationale de Taëf, classe politique, corruption !… Tout un ensemble d’autojustifications, surtout depuis 2016, pour se déresponsabiliser, sous couvert de défense des chrétiens et contre un islam national ou régional ! Or la cause de tous les malheurs du Liban, depuis surtout 2016, réside dans les violations cumulées de la Constitution, toutes enrobées de problèmes secondaires et dérivés.

1. Souveraineté bafouée : La genèse des malheurs remonte à 1969 avec l’accord du Caire à l’origine des guerres multinationales au Liban de 1975 à 1990 et leurs séquelles sur la souveraineté du Liban. La genèse aussi dans l’alliance de Mar Mikhaël, le 6 février 2006, entre un parti politique et une résistance armée devenue ensuite une armée parallèle liée par son armement et sa diplomatie à un axe régional non arabe et en infraction à l’exigence de souveraineté et de « l’identité et appartenance arabes du Liban ».

2. Instrumentalisation de la Constitution : comme l’autorité occupante, directement ou par procuration, ne peut gouverner le Liban exclusivement par la force, la Constitution et ses amendements en 1990 sont instrumentalisés, surtout dans deux domaines : 1) confessionnalisation à outrance de la norme de discrimination positive qui, en vertu même de l’article 95 de la Constitution, interdit qu’une quelconque fonction soit affectée à une communauté déterminée, avec aussi l’exigence de spécialisation et de compétence ; 2) instrumentalisation de l’exigence de majorité qualifiée pour 14 décisions en Conseil des ministres en vertu de l’article 65, évitant ainsi à la fois l’abus de majorité et l’abus de minorité. Le but de la violation ? Instaurer une dictature minoritaire (minority control) et rendre tout le système libanais ingouvernable sans le recours à la Sublime Porte occupante ! Pour tous les progressistes et partisans du changement, c’est la Constitution libanaise qui détermine l’itinéraire de tout changement dans l’article 95.

3) « Le président de la République est le chef de l’État » : les palabres, cogitations de légalistes et autojustifications de sociopathes à propos des salâhiyyât (attributions) du chef de l’État au Liban sont incompatibles avec la qualification fort explicite de l’article 49 de la Constitution : « Le président de la République est le chef de l’État… ». Des débats débridés sont en violation de toute la genèse historique de cet article, fruit d’une pensée de la plus haute sagesse pour une gouvernance rationalisée du pluralisme.

La médiation allemande-européenne-vaticane, à l’initiative du gouverneur de la Bavière, Franz Josef Strauss (24 septembre au 3 octobre 1986) après l’accord tripartite de Damas du 28 décembre 1985, montre toute la prééminence du chef de l’État, maronite, en tant que gardien du principe de légalité. C’est l’expérience même du président Fouad Chéhab qui exhibait en permanence le Kitâb (la Constitution) qui a été fortement institutionnalisée.

Pas de gouvernabilité au Liban dans une balance multiple de 18 communautés, pas de garantie, ni pour les chrétiens, ni pour tout le Liban, et pas de Liban message… à défaut d’une remise en question radicale d’une psyché maronite figée dans un petit Liban du passé et qui n’a pas inculturé la proclamation de « l’État (sic) du Grand Liban » du 1er septembre 1920. Nous ne disons pas les maronites, ni les chrétiens, et surtout pas de patriarcat de Bkerké.

Les surenchères ambulantes dans diverses régions du Liban pour la défense de « droits des chrétiens », l’excitation d’instincts grégaires refoulés, la démagogie, les palabres qui camouflent les atteintes à la souveraineté, l’impéritie au sommet menace tout le Liban et toutes ses composantes.

À un moment où la grille d’analyse communautaire d’autrefois ne marche plus du fait que des Libanais musulmans sont, politiquement, plus maronites que des maronites ! À un moment aussi où des Libanais chrétiens, dupes ou dupés, concluent des alliances contre nature, c’est la Constitution libanaise, aujourd’hui pratiquement suspendue ou bafouée, qui constitue le repère et la boussole. Le navire en pleine tempête coule à défaut d’un capitaine respectueux des normes de gouvernabilité, c’est-à-dire un chef d’État, libanais et de la communauté maronite, garant de la pérennité de l’État et de la souveraineté.

4) L’Exhortation apostolique pour le Liban : ce document fondamental, proclamé par le pape Jean-Paul II suite au synode pour le Liban en 1995, ne constitue pas moins une référence, nationale et morale, pour le Liban message. Il faut reconnaître que l’Exhortation a fait l’objet de campagnes d’explication et de généralisation, mais sans programmes opérationnels, concrets, institutionnels et d’envergure nationale d’actions et de suivi dans tout le pays. Un plan opérationnel qui traduit les principes et recommandations en actions concrètes devrait être élaboré et mis en application en tant que feuille de route.

Antoine MESSARRA

Ancien membre du Conseil

constitutionnel (2009-2019)

Titulaire de la chaire Unesco d’étude comparée des religions, de

la médiation et du dialogue, USJ

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Il est trop facile au Liban, pour des politiciens plus habiles en démagogie que pour l’exercice de la chose publique et aussi pour des intellectuels déconnectés de la vie, de se dérober du vrai désastre qui ravage le Liban. Les dérobades sont cependant sursaturées : contexte régional, formule libanaise, émergence d’un islamisme qui n’a rien à voir avec la religion,...

commentaires (1)

LA VRAI MENACE contre les Chretiens au Liban ce sont eux memes qui l'ont exacerbée afin d'arriver a sieger a baabda.

Gaby SIOUFI

11 h 11, le 30 juin 2021

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Commentaires (1)

  • LA VRAI MENACE contre les Chretiens au Liban ce sont eux memes qui l'ont exacerbée afin d'arriver a sieger a baabda.

    Gaby SIOUFI

    11 h 11, le 30 juin 2021

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