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Société - Liban

Grève et coupures de routes sporadiques pour réclamer un "gouvernement de sauvetage"

Le chef de la CGTL appelle les responsables politiques à faire des "concessions". 

Une route de Beyrouth coupée avec des pneus enflammés, le 17 juin 2021. Photo AFP / JOSEPH EID

L'appel à la grève et à des manifestations lancé par les syndicats et certains partis politiques, afin de réclamer la formation d'un gouvernement de sauvetage et protester contre la crise, semblait inégalement suivi jeudi. Seules des coupures sporadiques de routes ont été relevées en matinée et de nombreux établissements ont malgré tout ouvert leurs portes.

Ce mouvement de grève avait été lancé initialement par la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) puis rejoint par de nombreux syndicats et certaines formations politiques alors que le pays est embourbé depuis presque deux ans dans une profonde crise. Celle-ci est marquée par la dépréciation rapide de la monnaie nationale sur le marché parallèle (autour de 15.000 L.L. pour un dollar ces derniers jours, contre un taux officiel de 1.507,5), ce qui a provoqué une chute vertigineuse du pouvoir d'achat des Libanais majoritairement payés en livres, assortie d'une hyperinflation et de pénuries de nombreux produits, comme le carburant et les médicaments. Cet effondrement a plongé plus de la moitié des Libanais sous le seuil de pauvreté.

"Nous n'avons qu'une seule grande revendication : la formation d'un gouvernement de sauvetage", a déclaré le chef de la CGTL, Béchara el-Asmar, présent au siège de la centrale syndicale, à notre journaliste sur place, Mohammad Yassine. "Si cela est réalisé, cela permettra de faciliter le reste de nos revendications, à savoir : des alternatives aux subventions, via la distribution d'une carte de financement ou d'autres projets, la restructuration du secteur bancaire et la redynamisation du secteur de production et de l'industrie libanaise", a-t-il ajouté.

Lors d'un discours prononcé peu avant, M. Asmar a exhorté les responsables politiques à "arrêter de se lancer des accusations concernant le blocage et vouloir se partager le gâteau". "Ce qui se passe actuellement est contraire à la raison", a-t-il souligné, réclamant des "concessions" aux dirigeants. "Les infrastructures éducatives, sanitaires, environnementales et économiques s'effondrent", a-t-il déploré, dénonçant le fait que la crise "pousse les Libanais à émigrer" et s'apparente à une "tentative d'homicide". Le syndicaliste a en outre insisté sur l'importance d'établir un "nouveau contrat social" dans le pays. Il a encore salué le fait que la mobilisation n'avait pas été marquée par de trop nombreuses coupures de routes par des manifestants ni par des tensions avec les contestataires. Et de souligner que la centrale syndicale qu'il dirige n'est guidée par aucun parti politique, une réponse indirecte à ses détracteurs qui l'accusent d'être proche du président de la Chambre, Nabih Berry.

Coupures de route sporadiques
Sur le terrain, et afin d'exprimer leur colère et leurs revendications, des contestataires ont fermé, dès le matin, plusieurs grands axes routiers du pays, tandis que l'appel à la grève était respecté inégalement en fonction des secteurs. Si les banques commerciales ont bien fermé leurs portes, tout comme les administrations publiques et offices indépendants, peu de commerçants semblent s'être mobilisés.

Comme ils l'avaient annoncé, les employés et ouvriers de la Middle East Airlines et de l'Aéroport international de Beyrouth ont de leur côté observé un arrêt de travail et un sit-in d'une heure devant l'aéroport. .

Dans la capitale, la route de Corniche Mazraa a été fermée jeudi matin par des manifestants, dans les deux sens de la circulation, au niveau du rond-point de la mosquée Abdel-Nasser et la circulation a été détournée par les forces de sécurité. Les contestataires ont fermé les voies au moyen de véhicules et de bennes à ordure, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). Dans ce quartier, les commerces et différentes institutions respectaient l'appel à la grève et ont fermé leurs portes.
"Je suis descendue manifester parce que le dollar a dépassé les 15.000 livres libanaises et qu'il n'y a plus de lait infantile dans les pharmacies", a déclaré Salwa, une manifestante présente sur la route de la corniche Mazraa à notre journaliste Mohammad Yassine, avant de réclamer que le Premier ministre désigné Saad Hariri "préside le futur cabinet parce que lui seul peut arranger la situation dans le pays". "Seul lui peut assurer que des aides financières arrivent de l'étranger et que le taux de la livre libanaise remonte", a-t-elle estimé.

La route de la Cité sportive et le rond-point de Dora, à la sortie nord de la capitale, ont également été fermés. Lors d'un sit-in à Dora, le président de la Fédération des syndicats des conducteurs et employés du secteur des transports, Marwan Fayad, a mis en garde contre une escalade du mouvement de contestation si les revendications des syndicats ne sont pas entendues. "Nous voulons que le taux de la livre se stabilise et que les subventions ne soient pas levées sur les denrées alimentaires", a-t-il lancé, dénonçant "l'humiliation" du peuple devant les stations-service, les pharmacies et les banques.

Dans la Békaa, des protestataires se sont réunis sur la place de Chtaura et à l'entrée de Baalbeck, selon notre correspondante Sarah Abdallah. 

Des manifestants ont par ailleurs fermé pendant plusieurs heures, au moyen d'un barrage de pneus enflammés, l'autoroute reliant Beyrouth au Liban-Sud, dans les deux sens de la circulation, au niveau de Khaldé. Des incidents ponctuels ont éclaté entre les contestataires et des automobilistes coincés dans le trafic, selon l'Ani. 

Dans le Sud, à Saïda, la grève n'était en revanche respectée que partiellement dans les rues commerçantes, selon notre correspondant local, Mountasser Abdallah. Si les banques et les différents offices publics indépendants ont bien fermé leurs portes, les magasins et industries ont ouvert et accueillaient des clients dans la matinée. Vers midi, un sit-in a été organisé sur la place du marché aux poissons, dans le port de cette grande ville du Sud. Quelques dizaines de participants, des ouvriers et syndicalistes selon notre correspondant, ont déploré la situation "qui continue de se détériorer" aux niveaux économique et politique. Prenant la parole, des responsables syndicaux ont appelé à la formation rapide d'un gouvernement de technocrates et condamné "l'humiliation" que subissent les Libanais.

Au Nord, des manifestants ont brièvement fermé le rond-point Azmi, à Tripoli, tandis que d'autres ont tenu un sit-in devant le siège de la municipalité. La route principale reliant Halba à Abdé, dans le Akkar, était aussi fermée à la circulation. 

"La classe politique en grève contre elle-même"
Par ailleurs, le fait que plusieurs partis au pouvoir aient appelé leurs partisans à se mobiliser lors de cette journée de grève n'est pas passé inaperçu et a fait l'objet de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Même si cette présence partisane sur le terrain s'est finalement avérée relativement faible.

"La classe politique fait grève contre elle-même aujourd'hui, alors que ses principaux piliers se disputent sur leurs prérogatives afin de voir qui contribue plus à la faillite du pays", a ainsi ironisé jeudi dans un tweet le président du parti Kataëb, Samy Gemayel. "Les trois présidents (de la République, de la Chambre et du Conseil, ndlr) vivent-ils sur la même planète que nous ?", a-t-il ajouté.

Sur Twitter, de nombreux internautes ont popularisé le hashtag (mot-dièse) "Le pouvoir se révolte", détournement du "le Liban se révolte" largement partagé lors du soulèvement du 17 octobre 2019 et publié des montages photo montrant des responsables en train de manifester. Le dramaturge Ziad Itani a de son côté écrit une série de tweets parodiques, imitant les réactions habituellement diffusées lors de mobilisations populaires. "Des députés ont été blessés par des balles en caoutchouc sur la place Riad el-Solh", s'est-il notamment moqué, avant d'appeler à un sit-in "devant le commissariat de Gemmayzé où a été arrêté Elie Ferzli", le vice-président de la Chambre.

Le courant du Futur, dirigé par le Premier ministre désigné, Saad Hariri, le Courant patriotique libre (CPL), fondé par le chef de l'Etat, Michel Aoun, et le mouvement Amal, du président de la Chambre, Nabih Berry, ont tous encouragé leurs partisans à rejoindre le mouvement de grève, alors même que leurs partis représentent une majorité de sièges au Parlement. Dans leur appel à la grève et à manifester, le CPL et le Futur, à couteaux tirés depuis des mois sur fond de tensions entourant la formation du cabinet, se sont à nouveau mutuellement accusés de l'impasse politique. 

L'appel à la grève et à des manifestations lancé par les syndicats et certains partis politiques, afin de réclamer la formation d'un gouvernement de sauvetage et protester contre la crise, semblait inégalement suivi jeudi. Seules des coupures sporadiques de routes ont été relevées en matinée et de nombreux établissements ont malgré tout ouvert leurs portes.Ce mouvement de grève avait...

commentaires (1)

Le sud n'a pas besoin de faire la grève ils ont l'argent de la drogue....

Eleni Caridopoulou

20 h 00, le 18 juin 2021

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Commentaires (1)

  • Le sud n'a pas besoin de faire la grève ils ont l'argent de la drogue....

    Eleni Caridopoulou

    20 h 00, le 18 juin 2021

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