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Campus - RENCONTRE

Malgré la crise, l’ESA continue de s’investir au Liban

Il y a 25 ans, une grande École de management voyait le jour, rue Clemenceau, à Beyrouth. Gérée par la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris-Île-de-France (CCIR), l’ESA Business School est devenue, depuis, un important acteur de la société libanaise.

Malgré la crise, l’ESA continue de s’investir au Liban

Maxence Duault, directeur général de l’ESA Business School : « Nous ne lâcherons pas, nous sommes engagés sur le long terme et avons l’endurance pour tenir le temps qu’il faudra. » Photo Bernard Khalil

Partenaire d’Écoles prestigieuses internationales, titulaire de plusieurs accréditations dont l’AMBA (Associations of MBA), cette École de management franco-libanaise, qui a su adapter ses programmes internationaux au contexte du pays et créer de nouvelles formations pour mieux répondre aux besoins du marché du travail au XXIe siècle, doit relever de nouveaux défis du fait de la crise socio-économique que traverse le pays. Le point avec Maxence Duault, directeur général de l’ESA Business School.

Cette année, l’ESA marque son 25e anniversaire dans un contexte de grands défis. Comment l’École s’adapte-t-elle à la crise économique que traverse le pays ?

Nous subissons la crise de plein fouet, comme les autres établissements libanais, puisque notre modèle ne nous garantit pas de ressources en devises étrangères. La crise impacte par ailleurs notre communauté, nos étudiants, nos employés et nos anciens restés au Liban. Elle complique également les actions que nous menons traditionnellement au service de la société libanaise, nous obligeant à redoubler d’effort pour rester au service des entreprises, des dirigeants et plus largement du tissu socio-économique auquel nous appartenons. Dans ce contexte particulièrement difficile, nous sommes en train de réorganiser notre modèle économique, nous puisons dans nos ressources et celles de nos partenaires pour soutenir notre communauté et, enfin, nous continuons à lancer des actions concrètes au service des Libanais, à chaque fois que nous pensons pouvoir être utiles.

Je tiens d’ailleurs à souligner le rôle déterminant joué par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la région Paris-Île-de-France, ainsi que par nos Écoles partenaires et professeurs internationaux, qui comprennent la situation et acceptent de s’adapter à nos contraintes, par exemple en organisant l’étalement de certains de nos paiements internationaux, pour nous donner le temps de réguler notre trésorerie internationale. Au nom de nos étudiants boursiers, je remercie également la Région Île-de-France et le groupe Obegi, pour avoir soutenu notre fonds de bourse de solidarité, ou encore Saint-Gobain et l’Alumni d’ESCP Business School qui se sont mobilisés pour nous aider après l’explosion du 4 août.

De quelle manière l’ESA soutient-elle sa communauté face à la crise ?

Nous n’avons jamais attribué autant de bourses aux étudiants, et nous maintenons des frais de scolarité très raisonnables. En 2021, nous atteindrons près de 30 % d’étudiants boursiers, pour des bourses pouvant couvrir de 10 à 50 % des frais de scolarité, et qui sont majoritairement prises en charge par l’École elle-même, ainsi que les réserves que nous avons pu constituer grâce à l’appui de nos partenaires stratégiques.

Nous aidons également les étudiants au niveau des modes de paiement. Nous maintenons en effet pour nos frais de scolarité locaux le taux de conversion officiel, qui sera encore valide à la prochaine rentrée de septembre.

Par ailleurs, nous avons essayé de soutenir nos employés en distribuant des aides exceptionnelles, comme une partie de leurs salaires en dollar libanais (lollar, convertible au taux de 3 900 LL pour 1 dollar, NDLR). Malheureusement, leur pouvoir d’achat reste fortement diminué et je ne peux que rendre hommage à la culture d’entreprise de l’École et à la résilience de l’ensemble de l’équipe, qui se bat pour les étudiants et pour l’établissement. Enfin, en ce qui concerne les professeurs et intérimaires locaux, nous avons augmenté leur rémunération en livres libanaises afin qu’ils puissent vivre dignement.

Quel rôle joue l’ESA aujourd’hui auprès de la société libanaise, lourdement affectée par la dévaluation massive de la livre ?

Au niveau de notre plan d’appui à la communauté, nous continuons d’accompagner les start-up et de contribuer à la création d’emplois à travers notre incubateur SmartESA. Nous créons aussi, en partenariat avec l’Institut français du Liban, une école de code à Nabatiyé (qui dispense des formations en langages informatiques, NDLR) et nous avons préparé la mise en place de deux clusters (réseaux de collaboration, NDLR) pour l’innovation dans le domaine de l’éducation et de la santé. Nous appuyons également les équipes du Plan national de santé mentale, en lien avec l’Agence française de développement (AFD), un projet qui a permis d’accompagner l’année dernière 2 000 Libanais. Nous sommes en effet convaincus que nous devons faire tout ce que nous pouvons pour soutenir l’éducation et la santé dans ce pays. Nous avons également participé à la reconstruction de Beyrouth, en appuyant la Fondation Aliph, l’Institut français du Proche-Orient, le Beirut Heritage Initiative et la Fondation nationale du patrimoine. Enfin, à travers le Meref, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) française au Liban, nous avons mis en place un plan de soutien pour les femmes actives et un plan d’appui aux petites et moyennes entreprises (PME), avec la mise à disposition gratuite d’experts à l’ESA et une réflexion en cours pour monter un programme d’appui à l’export.

Comment l’ESA a-t-elle évolué depuis sa création ?

Nous avons noué de nombreux partenariats avec des Écoles prestigieuses, et développé toute une gamme de certificats professionnels, de programmes sur mesure pour les entreprises et les dirigeants. En parallèle, notre mission s’est dédoublée. Nous restons avant tout un espace de formation de très haut niveau, mais nous assumons également le fait d’être un acteur de la société libanaise. Dans ce cadre, nous sommes de plus en plus soucieux de jouer un rôle positif, au service de l’écosystème socio-économique libanais. Nous avons ainsi créé l’incubateur SmartESA qui a accompagné ces trois dernières années près de 90 projets de start-up et qui est aujourd’hui l’un des incubateurs les plus dynamiques du Liban. Nous portons aussi des projets de coopération, particulièrement dans le domaine de la santé publique, et nous soutenons, enfin, l’art et la culture depuis des années, par le biais de nombreux événements. Nous avons même développé toute une gamme de formations professionnelles dédiées à ce secteur.

Quelles sont les particularités des diplômes proposés par l’ESA ?

Soulignons d’abord que l’ESA a été la première École de management au Liban, en 1996 et 1997, à proposer des Masters in business administration (MBA) et des Executive MBA s’adressant à des professionnels, à des cadres et dirigeants, et non pas à de jeunes étudiants.

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En plus de ses programmes de master, l’ESA Business School a lancé, en 2015, un bachelor (licence) en administration des affaires (BBA) à la demande d’entreprises qui avaient besoin de jeunes formés de manière plus concrète, pour faciliter leur insertion professionnelle. En parallèle, elle a lancé un doctorat en administration des affaires (DBA) pour cadres et dirigeants pour qu’ils puissent, en couronnement de leur carrière, rédiger une thèse professionnelle de haut niveau, leur permettant de partager leurs expériences avec la communauté libanaise et internationale.

Tous ces diplômes sont fondés sur un modèle de double diplôme, qui permet à nos étudiants de bénéficier de professeurs et d’expertises internationales, tout en restant à Beyrouth. C’est l’une des clés qui nous permet aujourd’hui de nous positionner comme une alternative crédible et d’une certaine manière unique à l’option des études à l’étranger. Nous sommes, du fait de notre identité et de notre modèle, un passeport académique pour l’international.

Comment l’ESA répond-elle aux besoins spécifiques du marché libanais ?

L’ESA contextualise ses diplômes tout en bénéficiant du savoir-faire et des expertises de nos partenaires, tels que ESCP Business School, HEC Paris, ESSEC Business School et la SDA Bocconi, quatre Écoles qui figurent dans le top 10 des meilleures Écoles européennes et le top 20 des meilleures Écoles internationales. Par exemple, et en prenant en compte le fait qu’au Liban, 96 % des entreprises sont familiales, l’ESA a réorganisé le contenu de ses programmes pour qu’ils correspondent aussi aux besoins spécifiques à ce type d’environnement professionnel.

Les formations continues sur mesure sont par ailleurs construites pour les entreprises et en étroite relation avec elles. L’objectif n’est pas d’imposer un programme, mais d’échanger avec l’entreprise, de comprendre ses problèmes et de construire avec elle des solutions concrètes qui lui permettent d’aller de l’avant, de dépasser ses difficultés.

Enfin, nous avons à cœur de former des leaders capables de surmonter les défis du XXIe siècle. Et nos programmes insistent par conséquent sur deux points essentiels : la formation de managers créatifs, innovants, capables de s’adapter en permanence ; et la défense d’une vision managériale responsable et éthique. Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent obéir uniquement à une logique financière, elles doivent aussi avoir conscience de l’impact qu’elles ont sur les sociétés au sein desquelles elles évoluent. Cette prise de conscience doit pouvoir se décliner dans le management éthique, la transparence, les bonnes pratiques de gouvernance et d’organisation. C’est un rôle à prendre particulièrement à cœur au Liban. Bien entendu, l’ESA n’a pas attendu le déclenchement de la crise financière pour former des dirigeants avec ces valeurs. Elles sont importantes et trouvent souvent un écho favorable auprès des entreprises familiales, qui sont naturellement sensibles à la place qu’elles occupent au sein de la société et qui ont une forte capacité à se projeter sur le long terme.

Une dernière question. Comment envisagez-vous la prochaine rentrée ?

Malgré la crise, avec confiance : les indicateurs sont encourageants tant au niveau du nombre de candidatures qu’au niveau de la qualité des profils. En revanche, de nouveaux défis attendront l’École à la rentrée 2022, notamment sur la question des bourses. Les réserves de fonds de bourses que nous avons préparées et anticipées il y a plusieurs années commencent en effet à faiblir et l’ESA aura besoin d’aide extérieure pour que les étudiants de 2022-2023 puissent continuer à bénéficier de nos plans d’appui. L’un des grands échanges que nous allons organiser avec notre communauté et nos partenaires en 2021-2022 portera donc sur les différentes manières dont ils peuvent aider l’ESA à continuer de remplir ses missions.

Par ailleurs, et malgré la situation, nous continuerons d’investir sur la qualité de nos programmes et sur la relation unique que nous avons avec nos partenaires internationaux. Il s’agit également de faire reconnaître cette qualité à travers des accréditations internationales. Nous visons en 2022 la réaccréditation AMBA et nous sommes positionnés sur plusieurs autres organismes d’accréditation, que nous espérons valider d’ici à 2025. Enfin, nous sommes en train de nous construire une personnalité académique plus locale à travers notre centre de recherche, le CRED, dont les équipes et les projets de recherche continuent de se renforcer. Cette trajectoire, basée sur la qualité et les accréditations, nous permettra de continuer à être reconnue comme l’un des meilleurs établissements au Liban et de rayonner encore plus fortement dans la région et sur la scène internationale.

Même si c’est très difficile, l’ESA a tous les atouts pour rester un acteur-clé de l’enseignement supérieur du Liban de demain. Nous ne lâcherons pas, nous sommes engagés sur le long terme et avons l’endurance pour tenir le temps qu’il faudra.


Partenaire d’Écoles prestigieuses internationales, titulaire de plusieurs accréditations dont l’AMBA (Associations of MBA), cette École de management franco-libanaise, qui a su adapter ses programmes internationaux au contexte du pays et créer de nouvelles formations pour mieux répondre aux besoins du marché du travail au XXIe siècle, doit relever de nouveaux défis du fait de la crise...

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