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Environnement - Innovation

Face au vol des plaques de bouches d’égout, la solution écolo de Ziad Abichaker

Après les multiples vols d’infrastructures métalliques, l’ingénieur Ziad Abichaker a imaginé une solution pour décourager les convoitises et empêcher les accidents.

Face au vol des plaques de bouches d’égout, la solution écolo de Ziad Abichaker

Après la troisième étape de production, celle de l’extrusion, à travers laquelle le plastique est liquéfié puis passé dans un moule. Le résultat : une « poutre » fièrement exhibée par Ziad Abichaker.

L’usine de Cedar Environmental Research’s Center, nichée au cœur de la région reculée d’Abou Mizane au Metn, ressemble à une ruche. Non seulement en raison de l’activité incessante qui s’y déroule, mais parce qu’elle fourmille des idées innovantes de son fondateur, l’ingénieur Ziad Abichaker, un des spécialistes renommés du recyclage dans le pays. Cela fait des années que cet écologiste crie à qui veut l’entendre que la gestion des déchets est source de solutions, pas de problèmes. Et il le prouve une fois de plus en s’invitant dans une problématique née récemment des suites de l’effondrement économique : le vol de plaques d’assainissement en métal couvrant notamment les bouches d’égout (regards), particulièrement précieuses à la revente. Ces trous béants dans les routes et les trottoirs, difficilement remplaçables par un État en faillite, sont autant de pièges pour automobilistes et piétons. Pour Ziad Abichaker, le plastique, particulièrement celui réputé « non recyclable », offre une solution à ce nouveau casse-tête.

Pour saisir le processus qui a mené à la production de ces infrastructures en plastique et comprendre par quel prodige elles peuvent remplacer la solidité immuable du métal, rien de mieux que de faire la tournée de l’usine avec son fondateur. Première étape : de grands sacs en toile grossière qui contiennent du plastique haché menu. « Le plastique qu’on peut voir ici provient d’articles que tout le monde considère comme non recyclables, à l’instar des capsules de machine à café, ou d’emballages de médicaments ou encore de restes de produits médicaux utilisés dans les hôpitaux, explique Ziad Abichaker. Les produits plus facilement recyclables, comme les bouteilles en plastique, nous les revendons à d’autres recycleurs quand nous en collectons dans nos sites de tri. Nous avons le souci de ne pas faire la concurrence aux recycleurs locaux. »

Pour découvrir la seconde étape du processus, il faut se déplacer un peu plus loin, là où ces mêmes déchets plastiques hachés apparaissent plus condensés, en paquets compacts et non plus en électrons libres. « Ces matières que vous voyez là sont passées dans une machine qui a augmenté leur densité et en a retiré l’humidité, souligne l’ingénieur. Elles sont déjà plus compactes et plus lourdes, ce qui aura pour effet d’accélérer le processus de transformation qui va suivre. »

Un regard d’origine plastique destiné aux routes et pouvant supporter le poids des véhicules.


Suite à cette « densification », les déchets sont à nouveau hachés, avant d’être soumis à un autre processus appelé « extrusion ». Ce terme qui, en géologie, signifie « coulée de lave », désigne également un procédé qui consiste à fluidifier la matière plastique à travers une filière. Pour savoir en quoi cela s’applique au sujet des regards en plastique, il faut visiter un nouveau coin de l’usine, où un ouvrier introduit les matières préparées précédemment dans une machine qui les liquéfie, les transformant en une sorte de pâte qui sort fumante d’un long tuyau. Déjà, le produit ne ressemble plus en rien aux microplastiques du début de la chaîne.

« La pâte ainsi obtenue est introduite dans des moules de grandeur différente, jusqu’à donner des sortes de poutres », explique Ziad Abichaker, nous montrant un spécimen de ce produit fini, qui a une apparence de métal, ne s’apparentant en rien au plastique d’origine. C’est ce qui explique que les regards produits dans cette usine, et dont on peut découvrir des spécimens sur place, ressemblent presque à s’y méprendre à leurs équivalents en métal.

Des propriétés quasi équivalentes

Cette innovation a requis près d’une dizaine de jours de recherche, selon l’ingénieur. « Ça peut vous sembler rapide, mais nous avions déjà la technologie en place, et nous avons l’habitude de créer des produits à partir de ce plastique non recyclable » dit-il, indiquant un banc vert qui a drôlement l’air d’être en bois. Et pourtant, il est fait de plastique, tout comme les regards d’égout.

Mais ces regards ont-ils les mêmes propriétés que ceux en métal ? « Il est clair que rien ne peut égaler la solidité du métal, répond-il. Les tests ont cependant montré que ces regards supportent facilement les poids des piétons ou des véhicules. » Et, avantage non négligeable, ils sont infiniment moins chers. « Nous en avons fixé le prix à 25 dollars pour les regards destinés aux trottoirs pour piétons, et à 45 dollars pour ceux destinés aux routes », précise Ziad Abichaker. Par comparaison, un couvercle pesant entre 70 et 100 kilogrammes peut rapporter 100 dollars à la revente de fonte. Avant d’ajouter : « Outre le fait qu’ils sont donc accessibles aux municipalités qui le désirent, ils ont également l’intérêt de n’avoir aucune attractivité pour les voleurs, étant donné qu’ils n’ont absolument pas de valeur sur le marché du recyclage. »

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Actuellement, les produits de Cedar Environmental sont destinés aux municipalités, qui ont commencé à entrer en contact avec Ziad Abichaker, notamment certaines au Liban-Sud. « Pour ma part, j’ai pris à ma charge de doter l’avenue Pierre Gemayel à Beyrouth de quarante regards de notre production, précise-t-il. Je suis aussi en contact avec des expatriés qui sont prêts à financer certains de ces projets. Comme projet concret, le village de Kaoukaba, dans la Békaa-Ouest, devra bientôt acquérir douze de ces regards, actuellement produits chez nous. »

Un autre projet lui tient particulièrement à cœur : celui d’équiper un village du Akkar, avec lequel il est en pourparlers, en regards d’assainissement, là où un petit garçon a trouvé la mort en tombant dans un de ces trous béants du vol et de la corruption…

L’usine de Cedar Environmental Research’s Center, nichée au cœur de la région reculée d’Abou Mizane au Metn, ressemble à une ruche. Non seulement en raison de l’activité incessante qui s’y déroule, mais parce qu’elle fourmille des idées innovantes de son fondateur, l’ingénieur Ziad Abichaker, un des spécialistes renommés du recyclage dans le pays. Cela fait des...

commentaires (3)

Chapeau pour tant d'idées innovantes et efficaces!

NAUFAL SORAYA

09 h 32, le 06 juillet 2021

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Commentaires (3)

  • Chapeau pour tant d'idées innovantes et efficaces!

    NAUFAL SORAYA

    09 h 32, le 06 juillet 2021

  • On est loin de la noblesse de la fonte, mais s'il n'y a pas d'autre moyen....

    Christine KHALIL

    10 h 26, le 14 juin 2021

  • BRAVO,Ziad ! encore nous...a créer.

    Marie Claude

    07 h 41, le 14 juin 2021

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