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Politique - Communautés

« Église maronite, où vas-tu ? » l’interrogation existentielle au cœur du synode annuel à Bkerké

« Nous nous rendrons au Vatican comme Églises du Liban et comme Liban. Il n’y a pas de lignes de démarcation entre Libanais », déclare Aram Ier.

« Église maronite, où vas-tu ? » l’interrogation existentielle au cœur du synode annuel à Bkerké

Le patriarche Raï avec, à ses côtés, le prédicateur de la retraite spirituelle du synode, le P. Fady Tabet. Photo Bkerké

« Église maronite, où vas-tu ? » Cette interrogation existentielle sur son parcours contemporain et son avenir sera au cœur de la réflexion inaugurale du synode annuel de cette Église qui s’est ouvert hier à Bkerké en présence d’une trentaine d’évêques maronites du Liban et de la diaspora (Moyen-Orient, Europe, Amérique du Nord, Amérique latine, Australie et Afrique). Comme il est de tradition, le synode a commencé par des journées de retraite spirituelle sur le thème évoqué qui seront suivies, la semaine prochaine, par des travaux synodaux à huis clos. Ceux-ci porteront sur divers sujets internes et externes touchant à la vie de l’Église maronite au Liban et dans la diaspora, à sa place au Liban, sa terre nourricière, dans le grand corps de l’Église universelle, et à sa communion avec le pape François et le Saint-Siège, à ses structures, ses séminaires, sa liturgie. Un communiqué final conclura ces réflexions.

Le prédicateur des sermons de la retraite spirituelle sera le P. Fady Tabet, recteur du sanctuaire de Harissa, moine de l’ordre missionnaire libanais (OLM), a annoncé le patriarche Raï dans son discours d’ouverture du synode. Ses prêches, regroupés sous le thème évoqué plus haut, porteront « sur l’état spirituel de l’Église maronite, ainsi que sur sa pastorale humaine et sociale et sur sa place dans la vie nationale », a expliqué le patriarche. Il va de soi que cette réflexion tiendra compte de la profonde crise que traverse le Liban institutionnel depuis des mois. Et le patriarche d’ajouter que les sept prêches que prononcera le P. Fady Tabet exposeront « la situation de misère, de pauvreté et d’inquiétude, et la volonté d’émigrer qui ont saisi l’Église maronite au Liban, du fait des guerres, des déplacements forcés, de l’instabilité politique, et des crises économiques et financières qui se reflètent sur le quotidien des maronites et de tous les Libanais ». Une situation qui, selon le chef de l’Église maronite, engage l’Église « à réfléchir à une stratégie de résistance et à l’organisation de la pastorale de la charité, à la solidarité sociale, à l’entraide et à la complémentarité », à l’heure où la monnaie nationale a perdu 87 % de sa valeur.


Sous un portrait du pape François, le chef de l’Église maronite inaugurant la retraite annuelle marquant le début des travaux du synode annuel de l’Église maronite. Photo Bkerké


L’amère réalité

Le patriarche a insisté sur le fait que « cette amère réalité » interpelle l’Église maronite et la pousse à vouloir « compenser les carences de l’État par le biais de ses institutions, ses biens-fonds, et ses structures d’entraide sociale et de développement ».

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Et de rappeler que le pape Jean-Paul II a affirmé dans sa première encyclique « Rédempteur de l’homme » (1979) que « l’homme est la route de l’Église ». Partant, le patriarche Raï a jugé que l’Église maronite « ne restera pas les bras croisés devant les injustices de toute nature que subit (le peuple libanais) privé de nourriture et de médicaments, privé des plus élémentaires de ses droits, en particulier du droit à l’emploi dans sa propre patrie, privé de son droit à une vie digne, réduit par la classe politique à être un peuple mendiant (…) dont la moitié vit en dessous du seuil de la pauvreté ».

Enfin, citant l’encyclique « Evangelium vitae » de Jean-Paul II (1995), le patriarche a invité l’Église maronite à « s’armer de courage et à donner une voix à celui qui n’a pas de voix, reprenant toujours le cri évangélique de la défense des pauvres du monde, de ceux qui sont menacés, méprisés et à qui l’on dénie les droits humains ». Ce cri avait été lancé par Jean-Paul II au secours « d’une multitude d’êtres humains faibles et sans défense qui sont bafoués dans leur droit fondamental à la vie, comme le sont, en particulier, les enfants encore à naître ». Par ce biais, le P. Tabet aborderait le délicat sujet du déclin démographique de la communauté chrétienne au Liban et la multiplication inquiétante des demandeurs de visa, surtout parmi les jeunes diplômés.

La rencontre du 1er juillet au Vatican

Il va sans dire, confie à L’OLJ Mgr César Essayan, vicaire apostolique des latins au Liban, que le synode maronite réfléchira aussi aux thèmes que se propose de soulever le pape François devant les chefs d’Église catholiques, orthodoxes et protestants du Liban qu’il compte réunir au Vatican le 1er juillet prochain. Les thèmes de réflexion de cette rencontre proposés par le pape François sont attendus incessamment par les chefs des communautés chrétiennes invitées, précise l’évêque, qui vient de participer à une réunion préparatoire à cette rencontre. Celle-ci s’est tenue au siège patriarcal maronite de Bkerké en présence notamment d’Aram Ier, catholicos de la Maison de Cilicie, et du patriarche grec-orthodoxe Youhanna X Yazigi ainsi que des patriarches des Églises orientales catholiques. Les dignitaires religieux présents ont tenté de dégager quelques pistes de réflexion communes qui seraient utiles à ces assises, qui comprendront trois sessions de réflexion ainsi qu’une réunion de prière œcuménique dans la grande basilique Saint-Pierre.

Interrogé sur la rencontre du 1er juillet, le catholicos Aram Ier, l’un de ses initiateurs, confie à L’OLJ: « Nous nous y rendons comme Églises du Liban et comme Liban, et non pas pour créer un front chrétien. En tant que libanais, nous sommes fiers de notre coexistence. Les problèmes des chrétiens sont les problèmes de tous. Il n’y a pas de lignes de démarcation entre les Libanais. » « Bien sûr, enchaîne le catholicos des arméniens-orthodoxes, le Liban est marqué du sceau de la diversité qui est à la base de notre coexistence. Mais la diversité est la richesse du Liban. Elle est aussi notre vulnérabilité quand elle est exploitée pour nous diviser. Mais en réalité, il n’y a qu’un seul Liban, un Liban-message, comme l’a dit le pape Jean-Paul II, auquel il faut donner une expression authentique. »Le catholicos se réjouit en outre de « la visibilité » que la rencontre du 1er juillet donnera à la crise libanaise aux yeux de la communauté internationale, rappelant l’appel en faveur du Liban lancé par le pape François en février dernier.

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« De même, je souhaite un engagement politique national et international renouvelé pour favoriser la stabilité du Liban traversé par une crise interne, et qui risque de perdre son identité et de se trouver encore plus impliqué dans les tensions régionales. Il est plus que jamais nécessaire que le pays garde son identité unique, également pour assurer l’existence d’un Moyen-Orient pluriel, tolérant et divers où la présence chrétienne puisse offrir sa contribution et ne soit pas réduite à une minorité qu’il faut protéger », avait affirmé François en recevant les vœux du corps diplomatique accrédité au Vatican.

Mgr César Essayan : Revenir à l’Exhortation apostolique

De son côté, le vicaire apostolique des latins, César Essayan, souligne l’importance de revenir à l’esprit de l’Exhortation apostolique « Une espérance pour le Liban » du pape Jean-Paul II (1997), qui invitait chrétiens et musulmans du Liban à édifier ensemble le Liban et insistait sur le rôle « rassembleur » que l’Église est toujours invitée à jouer dans le respect des libertés fondamentales et le courage de la vérité.

C’est au nom de cette même Exhortation que Mohammad Sammak, le coprésident de la Commission nationale pour le dialogue islamo-chrétien, a demandé dans un billet paru en ligne que les musulmans du Liban soient également associés à la rencontre du 1er juillet, tout comme ils l’ont été lors des deux synodes sur le Liban (1997) et sur le Moyen-Orient (2010). Pour M. Sammak, le Premier ministre assassiné Rafic Hariri considérait l’Exhortation apostolique comme le pendant spirituel de l’accord de Taëf qui avait consacré le principe de la parité islamo-chrétienne au Liban, dont la modification, réclamée par certains, est une « ligne rouge » pour le patriarcat maronite et de nombreuses formations politiques.

« Église maronite, où vas-tu ? » Cette interrogation existentielle sur son parcours contemporain et son avenir sera au cœur de la réflexion inaugurale du synode annuel de cette Église qui s’est ouvert hier à Bkerké en présence d’une trentaine d’évêques maronites du Liban et de la diaspora (Moyen-Orient, Europe, Amérique du Nord, Amérique latine, Australie et...

commentaires (3)

Censurée

Sissi zayyat

21 h 14, le 10 juin 2021

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Commentaires (3)

  • Censurée

    Sissi zayyat

    21 h 14, le 10 juin 2021

  • Tous les chrétiens doivent s'unir et laissont les confessions

    Eleni Caridopoulou

    20 h 14, le 10 juin 2021

  • LA QUESTION AURAIT DU ETRE : OU TE MENENT LES DEUX BREBIS GALEUSES DE TA BERGERIE ? ET POURQUOI NE LES EXCOMMUNIES-TU PAS ENCORE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 38, le 10 juin 2021

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