Rechercher
Rechercher

Politique - Éclairage

Comment sonder l’opinion publique libanaise ?

Dans une période de grave crise politique et en préparation des prochaines élections, les partis traditionnels tentent d’évaluer la solidité de leur base électorale.


Comment sonder l’opinion publique libanaise ?

Des Libanais assistant à la projection d’un film sur les marches de l’escalier Saint-Nicolas à Gemmayzé, le 4 juin 2021. Mohammad Azakir/Reuters

En préparation des élections législatives et présidentielle qui devraient normalement se tenir en 2022, les partis traditionnels tentent d’évaluer l’impact de la révolution du 17 octobre et de la crise économique sur leur base électorale. Mais les faibles moyens à disposition pour sonder l’opinion libanaise compliquent cette tâche. Difficile en effet d’avoir des données scientifiques sur lesquelles devraient normalement s’appuyer à la fois les analystes et les professionnels de la politique.

Les sondages d’opinion au Liban sont des opérations délicates et les acteurs économiques qui se partagent le marché sont limités. Rabih el-Haber, fondateur et directeur de l’entreprise Statistics Lebanon Ltd, affirme qu’il n’y a que quatre entreprises qui sont en compétition pour les plus gros contrats. Le reste ne serait que des acteurs circonstanciels qui voient souvent le jour durant les élections avant de disparaître au lendemain du scrutin. Ipsos Lebanon est l’un des leaders mondiaux des sondages avec plus de 90 branches dans le monde. Info Pro, une entreprise libanaise qui publie le magazine économique Lebanon Opportunities, est davantage spécialisée en matière économique et s’occupe également de sondages d’opinion pour les partis politiques. La compagnie Information International, pilotée par Jawad Adra et son épouse Zeina Acar Adra (vice-Première ministre sortante, ministre de la Défense et ministre par intérim des Affaires étrangères), est pour sa part une entreprise de conseil en recherche active dans la région MENA depuis 1995.

L’exercice du sondage au Liban n’est pas une mince affaire compte tenu des nombreuses variables à prendre en compte. Il faut interroger au moins 1 000 personnes afin de présenter un résultat fiable, qui oscille autour de 95 %. Celles-ci doivent représenter la diversité professionnelle, sociale, générationnelle, géographique (les Libanais de la côte auraient des mentalités différentes de ceux de la montagne) et religieuse. « La science sur laquelle se reposent les études d’opinion est extrêmement complexe et demande une expérience solide et de nombreux employés, au minimum 35, en moyenne 50, afin d’arriver aux résultats escomptés », précise le statisticien Rabih el-Haber.

Les techniques de sondage sont également diverses, mais la plus adéquate au terrain local reste le porte-à-porte. Les sondages téléphoniques auraient de très mauvais résultats, les Libanais n’ayant aucune confiance dans le respect de l’anonymat des personnes questionnées. « Quand des instituts de sondage appellent les gens par téléphone, 70 % d’entre eux sont disposées à répondre mais le pourcentage d’erreur est énorme puisque les gens pensent automatiquement que le zaïm est celui qui tire les ficelles de l’enquête, les numéros de téléphone ne pouvant pas garantir l’anonymat », explique un statisticien sous couvert d’anonymat, qui travaille dans l’un des instituts de sondage précités. « L’opinion publique libanaise change rapidement, ajoute Mohammad Chamseddine, spécialiste en recherche et politique chez Information International. Elle est extrêmement volatile au Liban et dépend de la conjoncture du moment. Une semaine, les problèmes d’électricité prennent le dessus, celle d’après ce sera autre chose. »

« Nos demandes explosent pendant les élections »

Selon un acteur du secteur ayant lui aussi requis l’anonymat, ces entreprises n’échappent pas au système clientéliste qui règne au pays du Cèdre et pourraient présenter des résultats à la carte, afin de satisfaire les besoins du client. « Si ces entreprises ne sont pas de facto des “succursales” de partis politiques, les liens d’amitié qui rapprochent souvent les directeurs de ces instituts de sondage et les politiciens sont inquiétants », poursuit-il. Une accusation que conteste complètement Rabih el-Haber. « Les entreprises de sondage au Liban font partie des meilleures au monde. Nous avons des techniques et un savoir-faire reconnus à l’international. Les leaders du marché sont intègres, sinon ils ne seraient jamais arrivés à cette position », dit-il. Dans un pays où les liens d’amitié et de vassalité surplombent assez rapidement le cadre légal, il ne serait pas surprenant que certains sondages soient biaisés afin de rassurer un électorat ou d’influencer le cours d’une élection, par exemple. Cependant, la confiance que les organisations internationales confèrent aux leaders de ce marché, comme les agences des Nations unies ou le FMI/Banque mondiale, pourrait rassurer quant au professionnalisme des recherches menées.

Les partis politiques ayant les moyens de recourir aux sondages n’hésitent pas à le faire, surtout en période électorale. « Nos demandes explosent pendant les élections, tous les partis politiques veulent connaître leur poids dans l’opinion publique et celui de leurs adversaires », explique un professionnel de l’opinion, sous couvert d’anonymat. Tous n’ont toutefois pas les moyens d’y recourir régulièrement, d’autant plus en période de crise. « Il faut compter près de 10 000 dollars au grand minimum afin d’avoir un résultat intéressant », explique un responsable au sein des Kataëb, qui assure que son parti ne sollicite que très rarement ce type d’entreprises. Selon un des spécialistes du secteur interrogés, les prix peuvent monter très rapidement aux alentours de 50 000 dollars pour des sondages à grande échelle avant des élections par exemple. En effet, le nombre de personnes mobilisées pour ces sondages est important et il s’agit le plus souvent de faire du porte-à-porte, de vérifier une seconde fois les réponses, d’ajuster le taux d’erreur puis de les analyser, ce qui constitue une quantité de travail considérable.

Réseaux sociaux

Par conséquent, certain partis politiques optent pour un département de statistiques « fait maison » afin de couper les coûts que représentent ces instituts. Un membre du PSP explique que son parti ne fait jamais appel à ces organismes, étant, selon lui, à l’écoute constante de sa base électorale.

« Le PSP, par le biais de ses multiples branches dans les régions, arrive à mesurer au contact avec les citoyens sa popularité et les questions qui sont d’intérêt pour notre électorat. Taymour Joumblatt accueille deux fois par semaine à Beyrouth et à Moukhtara les citoyens qui souhaiteraient bénéficier de ses conseils. Grâce à ce degré d’ouverture, nous n’avons pas besoin de sondage », explique-t-il. Les avancées technologiques n’ont que très peu altéré la substance du travail de ce secteur au pays du Cèdre. « Avant, nous avions des questionnaires papier, aujourd’hui nous avons des tablettes, c’est tout », confie un spécialiste du secteur précité. Les réseaux sociaux auraient zéro impact sur ces analyses. « En aucune façon, nous ne pouvons nous reposer sur les statistiques des réseaux sociaux afin d’établir un résultat quelconque », explique Rabih el-Haber. Les réseaux sociaux pourraient montrer des tendances ou des questions d’actualité du moment, cependant aucune compagnie de statistiques ne peut scientifiquement justifier l’utilisation de ces données dans un projet de sondage d’opinion. Toutefois, des programmes permettent aux analystes de dégager facilement l’importance que prend tel ou tel sujet sur la Toile. Ce qu’on dénomme les « social media listening tools » sont des engins de plus en plus perfectionnés capable d’analyser l’arabe libanais en lettres arabes comme en alphabet latin. Ces appareils modernes sont accessibles à moindre prix et feraient concurrence aux entreprises de sondage, surtout lorsqu’il s’agit de cibler la jeunesse. « Avec les réseaux sociaux, il vous est impossible de capturer une image holistique de la population ciblée, puisque selon les tranches d’âge et classes sociales, l’usage des réseaux sociaux peut passer de 80 % à près de 0 », tempère néanmoins un spécialiste.

En préparation des élections législatives et présidentielle qui devraient normalement se tenir en 2022, les partis traditionnels tentent d’évaluer l’impact de la révolution du 17 octobre et de la crise économique sur leur base électorale. Mais les faibles moyens à disposition pour sonder l’opinion libanaise compliquent cette tâche. Difficile en effet d’avoir des données...

commentaires (5)

Les réseaux sociaux pourraient jouer un rôle d’éveil politique pour certains citoyens dont le cerveau a été lavé par des professionnels dans le genre depuis des décennies mais en aucun cas être un indice de sondage puisque tout le monde sait que l’identité et les informations données par les sondés seront connues par le monde entier ce qui peut leur porter préjudice selon les pays où ils souhaitent se rendre et même dans leur pays natal. Sinon une émission populaire à grande audience avec un gain de prix a la clé aurait pu faire l’affaire. Un jeu où tous les libanais pourraient participer et gagner s’ils donnaient leur intention de vote. Ça suppose donc qu’on est le nom et les coordonnées des participants comme pour les réseaux sociaux. Un sondage doit rester anonyme , donc sans pression pour obtenir un résultat fiable.

Sissi zayyat

15 h 01, le 08 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Les réseaux sociaux pourraient jouer un rôle d’éveil politique pour certains citoyens dont le cerveau a été lavé par des professionnels dans le genre depuis des décennies mais en aucun cas être un indice de sondage puisque tout le monde sait que l’identité et les informations données par les sondés seront connues par le monde entier ce qui peut leur porter préjudice selon les pays où ils souhaitent se rendre et même dans leur pays natal. Sinon une émission populaire à grande audience avec un gain de prix a la clé aurait pu faire l’affaire. Un jeu où tous les libanais pourraient participer et gagner s’ils donnaient leur intention de vote. Ça suppose donc qu’on est le nom et les coordonnées des participants comme pour les réseaux sociaux. Un sondage doit rester anonyme , donc sans pression pour obtenir un résultat fiable.

    Sissi zayyat

    15 h 01, le 08 juin 2021

  • LES PANURGES PREPARENT LEURS CHIENS BERGERS POUR POUSSER EN MORDANT S,IL LE FAUT LEURS CHEPTELS DE BREBIS GALEUSES ET D,ANES ET DE MULETS MUTINES OU PAR DES PROMESSES, PAR FIBRE CONFESSIONNELLE OU COMMUNAUTAIRE, VOIRE PAR CASHS MIROITES DANS L,ENCEINTE CHACUN DE SON ETABLE. MOUTONS, ANES ET MULETS D,HIER PLUS MOUTONS, PLUS ANES ET PLUS MULETS SERONT QUI RETOURNERONT DANS LEURS ETABLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 01, le 08 juin 2021

  • Les réseaux sociaux sont comme un couteau a 2 coter tranchant … il ne faut pas mais surtout jamais faire confiance aux réseaux sociaux, en général mais en particulier concernant les politiques !! LES RÉSEAUX SOCIAUX ONT ÉTÉ UNE BELLE INVENTIONS SEULEMENT COMME L’HOMME PERVERTIE TOUT IL A RÉUSSIT À CORROMPRE !!

    Bery tus

    13 h 50, le 08 juin 2021

  • encore faut il leur faire confiance ! LE FAUT IL ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 42, le 08 juin 2021

  • Social media such as Facebook and Instagram are good barometers to gauge the mood of the Lebanese public. The data is there to extract if any organization can pay for the analyses. I expect that social media will play a big role in the 2022 elections.

    Mireille Kang

    00 h 43, le 08 juin 2021

Retour en haut