Plusieurs dizaines de proches des victimes de la double explosion du 4 août se sont réunis hier devant le port de Beyrouth, au dixième mois passé depuis le drame, afin de rendre hommage aux victimes et d’appeler à ce que justice soit rendue. Micro en main, Ibrahim Hoteit, porte-parole du comité des familles des victimes, avait perdu son frère ce jour-là. Devant une assemblée affligée, il déplore l’absence de réponses de la part de l’État libanais qui « n’a même pas pris la peine de nous présenter des excuses par peur d’assumer ses responsabilités ». Il exprime une nouvelle fois des doutes quant à une avancée de l’enquête menée par le juge Tarek Bitar : « Si ce qu’il s’est passé avec le juge Sawan se reproduit avec le juge Bitar, nous envahirons le Parlement », s’insurge-t-il.Les portraits des victimes entre les mains, les manifestants se laissent aller à l’émotion. Un drapeau libanais flotte doucement. Marqueur à la main, les personnes présentes écrivent des messages à la mémoire des victimes sur les blocs de béton longeant la route et sur lesquels a été peinte une fresque. Un peu plus loin, des portraits des victimes sont accrochés sur un câble, face aux silos éventrés par la déflagration. Juste derrière, des haut-parleurs diffusent des chants à l’image du rassemblement, entre rage et désespoir. Quand personne ne tient le micro, le silence s’installe et les larmes coulent.
Assis dos au port sur le muret de l’autoroute, Abdo Matta, la soixantaine, père de Charbel Matta, un jeune agent de Sécurité de l’État tué dans l’explosion, tire sur une cigarette d’une main, et tient le portrait de son fils de l’autre. Le regard dans le vide, il soutient calmement : « Si d’ici au 4 août prochain je n’apprends pas la vérité sur ce qu’il s’est passé, je vais provoquer une explosion plus grande que celle du port. Je n’ai plus rien à perdre. » Quelques mètres derrière, sous le drapeau, Maria, 28 ans, se recueille seule. Le 4 août, elle avait perdu sa meilleure amie, Gaïa : « Je ne réalise toujours pas ce qui est arrivé. Aujourd’hui, comme tous les 4 du mois, je suis là. Je ne peux rien faire de plus que d’être là. »
Dix mois après la double explosion, des proches des victimes réclament toujours justice. pic.twitter.com/vlrX8UPYUF
— Mohammed Yassin (@Moe_Yassn) June 4, 2021
Kayan, qui avait aussi perdu son frère Mohammad ce jour-là, parvient à peine à balbutier quelques mots, les yeux emplis de larmes : « Aujourd’hui, je me sens dévasté. Tout le monde l’est ici. Nous attendons que justice soit faite, pour que mon frère et toutes les victimes soient enfin reconnues. » Plus loin dans la foule, les parents endeuillés de la petite Alexandra Najjar, 3 ans, sont présents, fidèles au rendez-vous depuis 10 mois : « Nous demandons que les responsables soient jugés. En attendant, ils occupent les plus hauts postes », déplorent-ils.
Soudain, Marwan Abboud, le mohafez de Beyrouth, fait une apparition dans la foule. Furtif, il repart quelques minutes après, sans un mot, pas même pour les familles des victimes.
Najat Rochdi : « Les familles méritent de connaître la vérité »
Commentant hier dans un tweet le manque d’avancée de l’enquête, la coordinatrice spéciale adjointe des Nations unies pour le Liban, Najat Rochdi, a estimé que les proches des victimes « méritent de connaître la vérité ». « 10... 10... 10... C’est le nombre de mois qui se sont écoulés depuis l’explosion de Beyrouth. Des milliers de familles attendent, depuis, des réponses. Des centaines de personnes doivent faire le deuil d’êtres qui leur étaient chers. Elles méritent de connaître la vérité, elles méritent des réponses », a-t-elle écrit.
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