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Moyen-Orient - Éclairage

Le bilan mitigé de la réconciliation des pays du Golfe

Six mois après le sommet historique d’al-Ula, les rapports entre Riyad et Doha se veulent plus pragmatiques, tandis que les divergences de fond persistent avec Abou Dhabi.

Le bilan mitigé de la réconciliation des pays du Golfe

Les drapeaux des États membres du Conseil de coopération du Golfe lors du sommet de l’organisation à Koweït, le 5 décembre 2017. Photo AFP

Sur le papier, la réunion devait ouvrir une nouvelle page dans l’histoire du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et renvoyer une image d’unité retrouvée après trois ans de désunion entre ses membres. Six mois après le sommet d’al-Ula, en Arabie saoudite, et alors que l’organisation a célébré son quarantième anniversaire le 25 mai dernier, force est de constater qu’en pratique, le bilan des efforts de réconciliation est plus nuancé. « La relation entre les membres du CCG reste ambiguë : la crise du Golfe a brisé la confiance tant dans l’organisation que dans leurs relations entre eux », observe Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres.

Une conséquence du blocus lancé en juin 2017 par l’axe saoudo-émirati contre le Qatar, déclenchant la crise la plus sévère depuis près de trois décennies dans le Golfe. Accusé de financer le « terrorisme » et d’entretenir des liens trop étroits avec l’Iran, le petit émirat a été mis au ban de la région pendant trois ans avant la levée de l’embargo – auquel Bahreïn et l’Égypte ont également participé – en janvier dernier. Ce dénouement a été encouragé par les efforts menés par le Koweït et les États-Unis et motivé, en partie, par l’investiture de Joe Biden à la Maison-Blanche peu après, annonçant un changement d’approche à l’égard des autocrates du Golfe et de l’Iran.

Pour mémoire

Vers une réconciliation des axes sunnites ?

Bien que la fin de cette séquence ait été accompagnée du rétablissement des liens diplomatiques et commerciaux et d’un renforcement des efforts de coordination au sein du CCG pour lutter contre la pandémie de Covid-19, cette réconciliation semble cantonnée au cadre des relations bilatérales sur le plan politique. Cités par Reuters dimanche, des diplomates et des sources régionales ont indiqué que Riyad progresse plus rapidement qu’Abou Dhabi et Manama pour reconstruire leurs relations avec Doha. Se rendant en Arabie saoudite pour la première fois depuis le sommet d’al-Ula, l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, a rencontré le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane au début du mois de mai afin d’aborder les relations entre leurs pays et les développements régionaux et internationaux.

Surmonter les différences

« Les rapports entre l’Arabie saoudite et le Qatar sont devenus pragmatiques, ce qui permet une relation de travail plus fonctionnelle », remarque Andreas Krieg. « La mentalité du jeu à somme nulle des Émirats arabes unis en ce qui concerne la sécurité régionale reste cependant un obstacle à la réconciliation avec le Qatar », estime-t-il. Malgré la réconciliation d’al-Ula, le différend entre les deux pays est avant tout idéologique : proche des Frères musulmans et de la Turquie, la vision de Doha est dans la ligne de mire d’Abou Dhabi, qui tient l’islam politique pour sa bête noire.

Le ministre qatari des Affaires étrangères, cheikh Mohammad ben Abderrahmane al-Thani, a toutefois indiqué lors d’un entretien diffusé vendredi sur la chaîne al-Arabiya qu’il était en contact avec des responsables émiratis et que le dernier round de pourparlers avait eu lieu au cours de ces dernières semaines. « Avec les Émirats arabes unis, les comités ont tenu plusieurs réunions… et nous avons senti que les équipes de travail avaient une vision positive en vue de surmonter les différences », a-t-il insisté, précisant que « cela pourrait prendre un certain temps pour surmonter cette période difficile ». « Il existe des différences fondamentales dans la façon dont les pays du Golfe se perçoivent les uns les autres et le rôle de chacun dans la région, ainsi que dans la perception des menaces », explique Andreas Krieg.

Si Téhéran constitue le principal ennemi régional aux yeux de Riyad et d’Abou Dhabi, leurs voisins du Golfe entretiennent une attitude plus nuancée à l’égard de la République islamique – sur fond de considérations historiques, énergétiques ou encore géopolitiques. Usant de ses qualités de médiateur, Mascate a notamment accueilli les pourparlers secrets entre Washington et Téhéran en vue de la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien en 2015 – et dont les États-Unis se sont unilatéralement retirés en 2018. Doha s’est également proposé à plusieurs reprises de jouer le rôle de médiateur entre l’administration Biden et la République islamique dans le cadre des pourparlers en vue de raviver l’accord. « Il y a également des différences majeures dans les moyens que les États du Golfe sont prêts à utiliser pour atteindre leurs objectifs : Oman, le Qatar et le Koweït se concentrent sur les moyens de puissance douce ; les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont très motivés par la puissance dure », souligne Andreas Krieg.

Nouvelle génération

Le ton est cependant à la désescalade face à l’avancée des pourparlers entre Washington et Téhéran. Une première série de discussions entre l’Arabie saoudite et l’Iran s’est notamment tenue à Bagdad en avril dernier, favorisée par la volonté affichée de Washington de continuer à se désengager de la région d’une part, et la nécessité de consolider un front uni dans le Golfe d’autre part.

Pour mémoire

Pourquoi les EAU restent sceptiques face au Qatar

Mais si la nature des régimes en place dans le Golfe et la flexibilité institutionnelle du CCG peuvent faciliter la prise de décisions collégiales, les différends entre les membres de l’organisation sont autant de contraintes avec lesquelles ils doivent composer. Au-delà de l’Iran, la normalisation avec Israël, la cause palestinienne, l’approche à adopter à l’égard du président syrien Bachar el-Assad ou encore le conflit libyen sont autant de dossiers sur lesquels les pays du CCG n’ont pas nécessairement de position commune.

Des dynamiques renforcées par la disparition de la génération de dirigeants, à l’origine de la création du CCG en 1981 dans le sillage de la révolution iranienne, et l’émergence de nouvelles tendances régionales depuis 2011. « Cette nouvelle génération de leaders est devenue plus nationaliste et confiante dans la capacité de leurs nations à atteindre leurs objectifs par elles-mêmes », indique Andreas Krieg. « Plus important encore, le Qatar et les EAU ne veulent plus exister dans l’ombre du leadership saoudien : ils se sont lancés dans des visions indépendantes et de grandes stratégies qui les distinguent comme des puissances à part entière à côté de l’Arabie saoudite », conclut-il.

Sur le papier, la réunion devait ouvrir une nouvelle page dans l’histoire du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et renvoyer une image d’unité retrouvée après trois ans de désunion entre ses membres. Six mois après le sommet d’al-Ula, en Arabie saoudite, et alors que l’organisation a célébré son quarantième anniversaire le 25 mai dernier, force est de constater qu’en...

commentaires (1)

puisque la fameuse DOCTRINE de barrak hussein obama continue a etre suivie, il semblerait que le rapprochement pays du golfe/israel soit la seule vraie defense contre les usa et leurs allies non encore declares, je cite khamenai le neo persan.

Gaby SIOUFI

15 h 10, le 01 juin 2021

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Commentaires (1)

  • puisque la fameuse DOCTRINE de barrak hussein obama continue a etre suivie, il semblerait que le rapprochement pays du golfe/israel soit la seule vraie defense contre les usa et leurs allies non encore declares, je cite khamenai le neo persan.

    Gaby SIOUFI

    15 h 10, le 01 juin 2021

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