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Moyen-Orient - Elections

En Iran, la présidentielle se joue aussi sur Clubhouse

L'application, un des rares réseaux sociaux étrangers accessibles en République islamique, a "donné une occasion de dialoguer à des gens qui ne se seraient jamais parlé", affirme Farid Modaressi, un analyste proche du président Hassan Rohani.


En Iran, la présidentielle se joue aussi sur Clubhouse

Inscription des candidats à la présidentielle iranienne du 18 juin au ministère de l'Intérieur, le 11 mai 2021 à Téhéran. Photo AFP/ATTA KENARE

La campagne pour l'élection présidentielle de juin n'a pas encore officiellement démarré en Iran, mais le débat est déjà bien entamé sur le réseau social Clubhouse, qui offre une rare possibilité de dialogue public dans le pays.

Personnel politique, candidats potentiels, analystes, journalistes... La jeune application attire en Iran des milliers d'auditeurs dans ses salons de discussion accessibles uniquement sur invitation. "La principale qualité de Clubhouse est d'avoir donné une occasion de dialoguer à des gens qui ne se seraient jamais parlé", affirme à l'AFP Farid Modaressi, un analyste proche du camp modéré du président Hassan Rohani.

Lancée en mars 2020, Clubhouse offre à ses utilisateurs un service d'audioconférences à travers des salons créés par ses membres. A l'approche du premier tour de la présidentielle iranienne, le 18 juin, l'application permet de poser des questions directement à des hommes ou femmes politiques auxquels le commun des mortels n'a généralement pas accès. Et ce alors même que la campagne ne s'ouvre que le 28 mai et que les noms des candidats autorisés à concourir ne sont pas encore connus.

Animateur de nombreuses discussions, M. Modaressi estime que le succès de Clubhouse dans le pays s'explique par les restrictions habituelles dans les médias, la pandémie qui pousse les gens à rester chez eux, et le désir de nombreux Iraniens de la diaspora de participer au débat. "Il y avait une demande et (Clubhouse) y répond", résume-t-il, notant la présence sur la plateforme de personnalités conservatrices comme réformatrices ou modérées.

"Dialogue multilatéral"

Avec Instagram, Clubhouse est l'un des rares grands réseaux sociaux étrangers accessibles en Iran sans recours à un logiciel anticensure. Candidat potentiel, Eshaq Jahanguiri, premier vice-président de M. Rohani, a été l'un des premiers hauts responsables à utiliser la plateforme, défendant bec et ongles le bilan du gouvernement.

Pour le journaliste réformateur Mostafa Faghihi, l'application fait revivre la possibilité d'un "dialogue multilatéral", habituellement hors de portée en Iran à cause des pratiques de "géants médiatiques financés par l'Etat, comme la télévision publique, transformés en tribunes partisanes ne reflétant qu'un seul son de cloche". Selon lui, Clubhouse peut jouer "un rôle très important" en matière de communication avec les électeurs. Il vante les "près de 110.000" auditeurs ayant suivi la discussion organisée par son site d'information, Entekhab, avec Faézeh Hachémi, fille de l'ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani (décédé en 2017) et très critique vis-à-vis des autorités.

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Le salon a rapidement atteint le nombre maximum de membres autorisés, raconte M. Faghihi. Des participants ont alors créé d'autres salons pour permettre à davantage d'utilisateurs d'entendre la conversation, finalement diffusée en direct via Twitter et Instagram. "Je n'irai pas voter, car tout ce que nous avons pu obtenir en dépit de nos efforts, c'est M. Rohani", a alors déclaré Mme Hachémi, faisant écho à la déception de nombre d'Iraniens, à la hauteur des espoirs de libéralisation politique qu'avait suscités le président à son arrivée au pouvoir en 2013. Si Clubhouse connaît un succès indéniable en Iran, certains déplorent que toutes les voix ne puissent pas s'exprimer.

"Problèmes sécuritaires"

Quand M. Modaressi organise une discussion sur la plateforme avec le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, le salon contient un nombre inhabituel de responsables iraniens et de journalistes travaillant pour des médias en persan basés à l'étranger, qualifiés d'"hostiles" par la République islamique. Or, selon lui, ces derniers n'ont pas pu poser de questions "en vertu des règles du ministère" que l'animateur avait dû lui-même accepter.

Abbas-Ali Kadkhodaï, porte-parole du Conseil des Gardiens, l'organe chargé de contrôler les élections, juge que "le cyberespace (peut) jouer un rôle positif en permettant un accès plus rapide et meilleur à l'information" dans le contexte électoral. A cet égard, ajoute-t-il à l'AFP, "Clubhouse ne fait pas exception".

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Mais l'application n'est pas du goût de tous, notamment parmi les ultraconservateurs, certains appelant à développer un ersatz iranien. En avril, l'agence Tasnim, proche des ultras, s'est inquiétée du fait que des "ennemis" de l'Iran puissent se servir de Clubhouse pour créer "des problèmes sécuritaires, sociaux et politiques", en permettant "d'identifier l'élite" du pays, "de pister" des gens ou de favoriser des "fuites d'informations à grande échelle". Peu après, Clubhouse s'est retrouvé temporairement inaccessible, suscitant des craintes selon lesquelles le service pourrait connaître le même sort que Facebook, Twitter ou Telegram, bloqués en Iran. L'accès à la plateforme a néanmoins été rétabli depuis lors.

La campagne pour l'élection présidentielle de juin n'a pas encore officiellement démarré en Iran, mais le débat est déjà bien entamé sur le réseau social Clubhouse, qui offre une rare possibilité de dialogue public dans le pays.
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