Le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, a dénoncé jeudi à l'occasion de la fête du Fitr l’impasse politique qu’entretiennent les hommes politiques libanais et les obstacles mis, selon lui, devant le Premier ministre désigné, Saad Hariri, pour l’empêcher de former un gouvernement, tandis que le pays est en proie à une crise économique et sociale inédite. Il a dit craindre une explosion sociale qui mènerait à une "révolte des affamés".
« Nous assistons à des crises, les unes après les autres – la dernière en date étant la menace de couper les quelques heures restantes d’alimentation électrique – et nous nous demandons : le silence prévaudra-t-il jusqu’à ce que le Liban soit dans l’obscurité totale et que le citoyen libanais meure de faim et de chômage ? », s’est interrogé le mufti depuis la mosquée Mohammad el-Amin à Beyrouth, dans un prêche prononcé à l'occasion de la fête du Fitr. Cette fête marque la fin du mois sacré de jeûne de ramadan pour les musulmans, qui avait commencé le 13 avril. Plusieurs responsables politiques, notamment le Premier ministre sortant, Hassane Diab, ont assisté à l'allocution du mufti. « C'est pourquoi nous craignons une explosion ou une violence sociale qui conduisent à la révolte des affamés. Les remords ne serviront à rien à ce moment-là », a ensuite prévenu le dignitaire réputé proche de Saad Hariri.
La corruption, "l'épidémie la plus terrible"
« Les hommes politiques qui ont abandonné les citoyens et se sont livrés à la corruption ont empêché la formation d’un gouvernement capable de mettre un terme à l’effondrement du pays, d’entamer la reconstruction et de récolter des aides auprès de la communauté internationale. Ces responsables politiques se sont livrés à la corruption – une épidémie bien plus terrible que le coronavirus », a encore lancé la plus haute instance sunnite du pays.
« Empêcher le travail des institutions constitutionnelles, violer la constitution, frapper la justice, recourir à des illusions confessionnelles et diviser les citoyens : toutes ces mauvaises actions ne seront pas oubliées par le peuple », a-t-il renchéri, dénonçant des « hommes politiques occupés depuis des années et jusqu’à présent par leurs intérêts, aux dépens du peuple et au détriment de la stabilité du Liban ».
Formation du gouvernement
« Les initiatives internes et externes visant à former un gouvernement de spécialistes non partisans n'ont pas encore porté leurs fruits », a encore rappelé le cheikh Deriane. Le pays est sans gouvernement depuis plus de neuf mois, après la démission de Hassane Diab, six jours après les explosions meurtrières du 4 août au port de Beyrouth. Désigné Premier ministre en octobre 2020, Saad Hariri n'a toujours pas formé de cabinet, en raison d'un conflit politique l'opposant au président de la République, Michel Aoun et à son gendre, le député Gebran Bassil. Chaque camp se rejette la responsabilité de cette impasse profonde.
« La faute en revient à l’égoïsme qui rend aveugle et aux entraves et aux obstacles placés devant le Premier ministre désigné pour l’empêcher de former un gouvernement. Et ces obstacles perdurent et semblent être systématiques », a estimé le mufti, dans une claire critique au camp du président Aoun. « Rien ne peut arrêter l’effondrement et la dévastation de notre pays si ce n’est la naissance d’un cabinet qui s’attaque à la corruption (...) et procède aux réformes nécessaires », a ensuite jugé le dignitaire. « L’amour de la patrie n’est pas qu’une rhétorique ou des slogans mais doit se traduire en acte. Il faut que les Libanais s’efforcent de prendre des positions courageuses et qu'ils s’opposent aux méthodes qui bloquent la formation du gouvernement », a insisté le mufti de la République.
« Que Dieu aide le Premier ministre désigné dans sa tâche ardue, comme il a été d’un grand secours auprès du Premier ministre sortant, qui a enduré ce que les autres ne pouvaient endurer dans des circonstances aussi difficiles », a imploré le cheikh sunnite.
Le dignitaire religieux a profité de son sermon pour exprimer sa solidarité avec le peuple palestinien qui « combat l’occupation et réclame le droit de prier dans ses sanctuaires et ses chapelles ». « Ils se sont battus pendant le ramadan, l’estomac vide et la foi ardente pour rester sur leurs terres, dans leurs maisons et leurs rues », a rappelé le cheikh Deriane. « Jérusalem restera un symbole de l'unité arabe et islamique, et la Palestine une question centrale. Ce qui se passe aujourd'hui dans les cours d'al-Aqsa est une violation des droits de l'Homme et porte atteinte aux habitants de Jérusalem, aux Palestiniens, aux Arabes, aux musulmans et aux chrétiens dans le monde. C’est un terrorisme organisé qui ne peut être toléré », a-t-il ajouté.
Des affrontements meurtriers sont en cours, pour le troisième jour consécutif, entre Israël et le Hamas. Les violences ont commencé ont débuté lundi après des semaines de tensions israélo-palestiniennes à Jérusalem-Est, qui ont culminé avec des heurts sur l'esplanade des mosquées, troisième lieu saint de l'islam et site le plus sacré du judaïsme dans cette portion de la ville sainte illégalement occupée et annexée par Israël, selon le droit international.
commentaires (6)
AVANT DE CONTINUER DE LIRE CE BAVARDAGE, J'ARRÊTE NET SUR CETTE PHRASE " LA RÉVOLTE DES AFFAMÉS". CE CHER MUFTI A PEUR DE CETTE RÉVOLTE, IL VOULAIT PROTÉGER SON POULIN HARIRI. IL EST À L'AISE AVEC LA SITUATION ACTUELLE. IL VEUT PAS QUE ÇA CHANGE. MAIS NOUS C'EST EXACTEMENT LE CONTRAIRE, ON RÊVE DE CETTE RÉVOLTE ET D'UN VRAI CHANGEMENT. ON L'ATTENDAIT DEPUIS UN SIÈCLE CETTE RÉVOLTE. ON LA SENT VENIR ET ON SE PRÉPARE ET LA BOUTEILLE DU CHAMPAGNE POUR LA FÊTER EST DANS LE FRIGO.
Gebran Eid
14 h 14, le 14 mai 2021