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Moyen-Orient - Éclairage

« Al-Ikhtiyar », ou comment une série télévisée égyptienne réécrit l’histoire du régime Sissi

L’émission, qui bat des records d’audience depuis le début du ramadan, revient sur les grands événements qui ont façonné le pays depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel chef de l’État, notamment sur l’épisode du massacre de la place Rabia al-Adawyia.

« Al-Ikhtiyar », ou comment une série télévisée égyptienne réécrit l’histoire du régime Sissi

La saison 2 de la série «  al-Ikhtyiar  », diffusée en 2021 durant la période de ramadan sur la chaîne égyptienne «  On  ». À gauche : image tirée de l’épisode 1 représentant des officiers de la sûreté d’État. À droite : image tirée de l’épisode 1 représentant des partisans des Frères musulmans de l’ancien président Mohammad Morsi, qui sera renversé par un coup d’État mené par l’armée égyptienne en juillet 2013. En arrière-plan sur les murs : «  Nous donnerons notre vie pour défendre la charia.  »

En annonçant aux téléspectateurs qu’elle est « basée sur des faits réels, malgré des changements de noms pour des raisons de sécurité », la nouvelle série égyptienne al-Ikhtiyar (Le Choix) donne le ton dès le générique. Prises de vue réalistes, scènes de rues populaires, photos d’archives, coupures de presse… et musique grandiose : tout est fait pour donner à ce thriller célébrant les succès du régime de Abdel Fattah el-Sissi la crédibilité dont il a besoin afin d’imposer une certaine version de l’histoire.

Car si la série relate des événements qui font partie de la mémoire collective et de l’histoire récente du pays, elle traite également et surtout des actes fondateurs du régime Sissi. « Pour ne pas oublier », le premier épisode de cette saison 2 diffusée à l’occasion du mois de ramadan, conte les jours ayant mené à la destitution du président Mohammad Morsi à l’été 2013. Moment fort de la série, l’épisode 5 revient sur les événements sanglants de la journée du 14 août 2013, lorsque les forces de sécurité ont attaqué les manifestants, dont une majorité étaient présents sur la place Rabia al-Adawyia et al-Nahda au Caire dans le cadre d’un rassemblement des Frères musulmans. Certains feront référence à ce raid sécuritaire comme au « massacre de la place Rabia ». Il coûtera la vie à près de 1 000 manifestants en douze heures, selon l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch qui, dans un rapport publié l’année suivante, dénonce un crime contre l’humanité.

Une “sissification” des médias

La série n’est pas un cas isolé, mais s’inscrit plutôt dans le cadre d’une stratégie médiatique plus générale orchestrée par les autorités. « On », la compagnie responsable de la production, « plus grosse société de production de séries égyptiennes », est « contrôlée par les services de renseignements », rappelle Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient à Reporters sans frontières. Cela « montre à quel point le pouvoir égyptien, depuis l’arrivée de Abdel Fattah el-Sissi, a réussi à transformer le paysage médiatique », poursuit cette dernière qui évoque « une reconfiguration totale de la presse, pour servir la communication du président et de son gouvernement ». Cette “sissification” des médias s’incarne par le fait que « près de la moitié des médias les plus populaires du pays sont désormais contrôlés par l’État, via ses agences officielles ou ses organes de renseignements. Et lorsqu’ils ne sont pas détenus par l’État, ils le sont par des hommes d’affaires proches du pouvoir », poursuit cette dernière.

Pour mémoire

Prisonniers politiques : une inflexion dans la politique répressive de Sissi ?

L’enjeu économique des émissions de ramadan, diffusées après la rupture du jeûne, est déjà important en règle générale. Et ce n’est pas la première fois que des séries télévisées empruntent ce registre politique et sécuritaire : Kalabsh ou encore Hajma Murtadda avaient déjà traité des services de renseignements et de la police. « En occupant l’espace médiatique, ces émissions qui font l’éloge de la stabilité et de la sécurité contribuent à occulter les critiques », explique Sabrina Bennoui.

Si ces feuilletons sont « monnaie courante », poursuit cette dernière, aucune n’avait jusque-là atteint les succès d’audience d’al-Ikhtiyar, qui figure parmi les programmes les plus regardés du mois du jeûne : en plus d’être diffusée à une heure de grande écoute et d’être extrêmement populaire, la série a su faire parler d’elle, jusqu’à s’attirer les éloges sur Twitter de Alaa Mubarak, fils de l’ancien président.

« Au service de la cause nationale »

Le contenu politique du programme en fait une extension à l’écran du récit officiel présentant l’État et l’armée comme les garants de la stabilité et de la paix civile. La série serait produite « au service de la cause nationale égyptienne », estime le quotidien égyptien Akhbar el-Yom, tandis que l’acteur égyptien Mohammad Younis parle dans le quotidien al-Yom al-Sabee’ de sa participation au feuilleton comme d’un « devoir national ». « Sécurité d’État », « groupes terroristes » : un lexique ciblé est mobilisé, le même qui sert d’ordinaire à justifier les restrictions de libertés publiques sous le couvert d’une lutte « antiterroriste », à l’instar de la loi antiterroriste de 2015, renforcée en avril 2020, qui élargit au nom de la sécurité le cadre légal des arrestations arbitraires. Dans l’épisode 12, « les groupes terroristes ont poursuivi leurs plans d’explosions en assassinant à travers toute la République, en réponse à la chute du président des Frères musulmans, Mohammad Morsi », relate ainsi le journal al-Moustakbal. L’exemple le plus marquant de cette réécriture de l’histoire, et le plus controversé, est la chronique qui est faite de la journée du 14 août 2013 : la série montre à l’écran des manifestants armés et des forces de l’ordre qui protègent le pays en prévenant d’une « tentative des Frères musulmans de déclencher la guerre civile », estime al-Masri al-Yom.Une distorsion de l’histoire inacceptable, estiment certains. Critique face au succès de la série, l’écrivain et journaliste égyptien Waël Kandil, résidant aujourd’hui à Londres, estime ainsi dans les colonnes d’al-Araby qu’il ne s’agit pas « d’une œuvre d’art, mais plutôt d’un crime contre l’humanité : si un groupe de néo-nazis décidait de produire une série qui glorifierait l’Holocauste, est-ce qu’on aurait autorisé cela ? ». Malgré l’émergence de certaines critiques, la plupart sont « exprimées uniquement sur les réseaux sociaux, le seul espace qui laisse encore un peu de liberté aux Égyptiens, bien qu’afficher une telle opinion en ligne n’est pas sans risque », rappelle Sabrina Bennoui.

En annonçant aux téléspectateurs qu’elle est « basée sur des faits réels, malgré des changements de noms pour des raisons de sécurité », la nouvelle série égyptienne al-Ikhtiyar (Le Choix) donne le ton dès le générique. Prises de vue réalistes, scènes de rues populaires, photos d’archives, coupures de presse… et musique grandiose : tout est fait pour donner...

commentaires (1)

NOUS les arabes resteront les peuple les plus inénarrables qu'ont jamais existe ! une serie televisee louant l'ere sanglante d'un chef d'etat.... PS. ceci dit moi et d'autres avions ete POUR que le Gen.Sissi se debarrasse des freres musulmans et de leur chef elu president, et tant pis pour la democratie.

Gaby SIOUFI

10 h 09, le 28 avril 2021

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Commentaires (1)

  • NOUS les arabes resteront les peuple les plus inénarrables qu'ont jamais existe ! une serie televisee louant l'ere sanglante d'un chef d'etat.... PS. ceci dit moi et d'autres avions ete POUR que le Gen.Sissi se debarrasse des freres musulmans et de leur chef elu president, et tant pis pour la democratie.

    Gaby SIOUFI

    10 h 09, le 28 avril 2021

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