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Nos Lecteurs ont la Parole

Quelle vocation pour le nouveau port de Beyrouth ?

Selon une responsable à la Banque mondiale, la condition préalable indispensable pour la renaissance du port de Beyrouth consisterait à mettre en place un cadre institutionnel solide, moderne, transparent et efficace pour le secteur portuaire. Je doute toutefois que ce soit possible sous l’autorité des cinq ministères qui régissent le port existant, et en l’absence de toute gestion sérieuse et effective du secteur.

Il est vrai que notre objectif consiste à améliorer la performance du port et sa compétitivité ; cependant, sommes-nous prêts à le faire ? Je propose d’aller de l’avant et de privilégier la piste politique comme ligne de départ, étant donné que la politique de la région est en perpétuel changement. Cependant, la question posée reste : sous quelle égide politique concevoir le port ? Est-ce celle d’un port centralisé, ou décentralisé ? Le port serait-t-il sous la tutelle de l’État libanais uniquement ? Y a-t-il une intention cachée de transformer le port reconstruit en plateforme réelle et non virtuelle servant la contrebande, pour se soustraire au paiement des droits de douane et des impôts, et profiter ainsi à l’économie parallèle ? Serait-il une alternative à la contrebande, ou fera-t-il partie des réseaux portuaires de l’économie mondiale et de la mondialisation ?

Il est impératif que le processus de reconstruction se poursuive de façon moderne et efficace tout en respectant les normes internationales relatives aux aménagements portuaires, à l’instar des ports de Hambourg et de Barcelone ; qu’il soit efficace tout en préservant le caractère patrimonial, et durable en créant des emplois pour son peuple ; qu’il s’intègre à la ville de façon à contribuer vraiment au redressement économique libanais de l’État légitime.

Faudrait-il garder les silos de Beyrouth ébranlés par l’explosion du 4 août, ou les détruire ? Le projet de réaménagement du port de Beyrouth ne doit en aucun cas ressembler à celui du centre-ville de Beyrouth qui a gommé les traces des crimes de guerre. Ce qui s’est passé le 4 août à Beyrouth est une scène de crime dont le souvenir ne doit sous aucun prétexte être effacé; il faut toutefois préserver les indices criminels relatifs à ce crime, mener une enquête criminelle approfondie de la scène du crime et la conserver aux archives de la justice.

Les silos qui remontent à 50 ans pourraient s’écrouler à tout moment, selon un ministre, tout comme ils pourraient être démolis, mais cela déclencherait une polémique concernant la façon de garder le souvenir de ce drame. Les Libanais ont le sentiment que la justice ne sera jamais faite et que la polémique, quant à la suppression des silos, est teintée de soupçons. Le monument des silos sera-t-il préservé ?

Le gouvernement occupant actuel arnaque son peuple qui lutte pour obtenir les droits humains les plus fondamentaux ; l’image vécue est abominable, et les possibilités sont ouvertes, comme d’habitude, pour conclure des affaires avec de multiples multinationales qui recherchent un rôle, à tel point que les Libanais espèrent pouvoir y trouver un rôle ou une place.

Je pense que la décision de garder les silos ou pas devrait être une décision intransigeante du peuple libanais, et non du gouvernement occupant ou de toute autre entité internationale.

J’ai été convoquée à deux reprises, en tant qu’experte et activiste politique à la tête du mouvement réformiste « Liban, le nôtre », pour discuter avec des représentants des gouvernements français et libanais de cette question, et l’approche pouvait être qualifiée d’indifférente.

L’indifférence affichée par les conseillers locaux, les instances internationales et les gouvernements quant au fait de garder les silos comme symbole de la honte, comme mémorial éminent de la troisième plus grande explosion tragique de l’histoire contemporaine et pour rappeler la corruption et la négligence des politiciens, est rejetée. À mon sens, le projet devrait créer un mémorial dynamique, participatif, sensible et spirituel, mais surtout un monument unificateur représentatif de l’explosion, un symbole national et une place publique connue. Nous pouvons imaginer le Liban comme un pays réparti en plusieurs compartiments de silos, de partis politiques, ayant tous échoué, s’effondrant sous le regard de tous les Libanais, à l’instar des silos du port.

Nous devons recueillir les histoires des victimes, les noms de tous ceux tués par l’explosion sous les silos, à leur proximité ou loin, et les archiver pour l’histoire ou peut-être comme musée de guerre.

Saisissons l’occasion pour passer de notre centre-ville ancien désert, construit par le passé en gommant notre histoire, vers un projet représentant :

1- Le souvenir en hommage aux victimes.

2- La reproduction du retour de solidarité entre les Libanais.

3- L’expression d’un nouveau projet, constitutif de l’image du Liban nouveau, pour sauvegarder notre histoire commune, qui ne devrait pas faire l’objet d’un débat au XXIe siècle avec des États tels que la France et l’Allemagne. La décision devrait revenir au peuple libanais, et non au gouvernement corrompu actuel.

Ainsi, je perçois la région portuaire se décliner sur deux volets, l’un consacré au port économique avec une surface vaste et vide au centre, comportant le mémorial des silos, tout en préservant le trou large de 160 mètres et profond de 4 mètres, de façon à le remodeler avec une piste, pouvant comporter les noms des victimes, et éclairée de façon moderne. Elle deviendra un nouveau centre-ville de Beyrouth, avec un grand espace ouvert, connecté au cœur de la ville, à la ligne maritime, aux quartiers historiques de Gemmayzé-Mar Mikhaël, avec l’absence de tours.

Par conséquent, j’aimerais représenter la voix des Libanais patriotiques, et jouer un rôle déterminant dans la préservation de l’histoire du pays, de son patrimoine, du changement immédiat du rôle du gouvernement subodoré, et de penser au développement du port, comme une occasion à saisir par nos architectes compétents, ingénieurs civils et urbanistes, afin de prendre une part importante dans son développement, auprès des conseillers internationaux que nous considérons nécessaires.

L’idée est de faire pression et d’être un lien entre les architectes et conseillers internationaux, surtout les Allemands, probablement les Français, et les activistes et acteurs politiques, entre ce qui doit être fait, et ce que le gouvernement fera pour sauvegarder les intérêts de ses politiciens. Nous avons besoin de créer des emplois pour nos architectes et de relancer l’économie, et quoi de mieux que de transformer cette catastrophe en un projet qui redressera l’économie de notre Liban, au nom de nos victimes. Un projet qui nous épargnera la fuite des cerveaux, et nous permettra même de récupérer quelques-uns.

Nous voudrions certainement le faire en collaboration avec nos conseillers internationaux parce que nous ne pouvons avoir une reconstruction bien organisée, soigneusement étudiée et exécutée, que sous un nouveau gouvernement sérieux, souverain et indépendant.

C’est pourquoi nous exhortons la communauté internationale et lui disons que nous ne sommes plus dupes de vos intentions quant à un Liban debout et fort. Ce qui nous importe, c’est la reconstruction du port ; cependant, notre grand souci serait que le port retourne sous la tutelle légitime de l’État, qu’il prennne toute sa dimension comme port économique, vital au Liban, connecté à un réseau ferroviaire avec les États voisins, allant jusqu’en Irak et les pays du monde, comme faisant partie du réseau portuaire international pour les échanges commerciaux, et non pour être utilisé pour la contrebande, le blanchiment d’argent et comme refuge pour les hors-la-loi dans le monde maritime.

C’est une vision futuriste d’une capitale centrée sur le peuple, d’un modèle de reconstruction durable, de développement d’un port maritime ne tournant pas le dos à une ville résonant émotionnellement avec l’horreur indescriptible de l’explosion.


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Selon une responsable à la Banque mondiale, la condition préalable indispensable pour la renaissance du port de Beyrouth consisterait à mettre en place un cadre institutionnel solide, moderne, transparent et efficace pour le secteur portuaire. Je doute toutefois que ce soit possible sous l’autorité des cinq ministères qui régissent le port existant, et en l’absence de toute gestion...

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