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Monde - Éclairage

Les enjeux du retrait des troupes américaines d’Afghanistan

La décision, annoncée mercredi par le président Biden, de « mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique » d’ici au 11 septembre 2021 semble résulter de la volonté de l’administration démocrate de fixer ses priorités de politique étrangère.

Les enjeux du retrait des troupes américaines d’Afghanistan

Joe Biden visite le cimetière national d’Arlington, le 14 avril, en l’honneur des vétérans tombés en Afghanistan, le jour même de l’annonce de la date du retrait américain d’Afghanistan. Brendan Smialowski/AFP

C’était il y a bientôt 20 ans. Les États-Unis assistaient chez eux, le 11 septembre 2001, aux quatre attentats-suicides orchestrés par des membres de l’organisation terroriste el-Qaëda, provoquant la mort de près de 3 000 personnes et précipitant les soldats américains en Afghanistan dans ce qui allait devenir la guerre la plus longue de leur histoire. Alors que Joe Biden a déclaré, mercredi, que « l’heure était venue » de mettre fin à cette guerre et de ramener sans conditions « les troupes américaines à la maison », le président démocrate entend privilégier un retrait progressif en fixant la date symbolique du 11 septembre comme échéance la plus tardive. « Nous allons entamer un retrait ordonné des forces restantes avant le 1er mai et prévoyons d’avoir sorti toutes les troupes américaines du pays avant le vingtième anniversaire du 11-Septembre », a-t-il déclaré à la presse, précisant que ce retrait serait « coordonné » et concomitant avec celui des autres forces de l’OTAN.

Joe Biden repousse ainsi de quelques mois la promesse faite par Donald Trump aux talibans dans le cadre d’un accord historique signé en février 2020 à Doha prévoyant le retrait de toutes les forces américaines et de leurs alliés avant le 1er mai. « Il y a l’idée que partir trop tôt, c’est ne pas tenir compte des partenaires de l’OTAN sur place. Joe Biden veut justement montrer qu’il n’est pas Donald Trump », observe David Rigoulet-Roze, chercheur à l’IFAS (Institut français d’analyse stratégique) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques. Les alliés américains au sein du traité de l’Atlantique nord ont déployé près de 7 000 soldats en Afghanistan, contre 2 500 pour les États-Unis officiellement.

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Le gouvernement américain est également soucieux d’éviter « un retrait en apparence précipité susceptible d’amener le chaos, le fameux syndrome du Vietnam, afin de peser jusqu’au bout sur l’avenir des négociations qui traînent », poursuit le chercheur, sans oublier les questions logistiques auxquelles doit répondre l’administration démocrate.

Priorités

Cette décision semble s’expliquer par la volonté de Joe Biden de fixer ses priorités en matière de politique étrangère. Le président démocrate entend ainsi éviter le mieux possible l’intervention militaire pour se consacrer au défi stratégique majeur chinois. « Il s’agit de recentrer, et non de disperser, les forces américaines pour les concentrer sur les intérêts nationaux américains », indique David Rigoulet-Roze, pour qui cela passe par « l’abandon des guerres sans fin où il n’y a ni vainqueur ni vaincu ».

Alors que le président démocrate a déclaré publiquement à plusieurs reprises que Pékin avait enfreint de nombreuses fois les normes du commerce international, la Chine est également critiquée pour ses violations en matière de respect des droits de l’homme. Joe Biden pourrait également faire de sa relation avec la Russie une priorité, alors que Washington a annoncé jeudi l’adoption de sanctions financières contre Moscou et l’expulsion de dix diplomates russes en représailles à des cyberattaques et des soupçons d’ingérence dans l’élection présidentielle américaine de 2020.

Les responsables de l’administration Biden ont cependant déclaré que les États-Unis prévoyaient de participer étroitement aux efforts de pourparlers de paix en Afghanistan et continueraient d’apporter leur soutien humanitaire et leur assistance au gouvernement de Kaboul. La décision sonne malgré tout, pour de nombreux observateurs, comme un abandon du gouvernement afghan, lequel pourrait favoriser le retour au pouvoir des talibans. Jeudi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a effectué une visite-surprise à Kaboul afin de témoigner son soutien au gouvernement afghan.

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« Il est probable que cela marque le début de la fin pour le gouvernement de Kaboul », indique Marvin G. Weinbaum, directeur des études afghanes et pakistanaises au sein du Middle East Institute. « Si les États-Unis peuvent continuer, si la situation l’impose, à mener des frappes aériennes depuis le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, la portée de ces opérations sera nettement moins importante, alors qu’ils ne bénéficieront plus des mêmes techniques de renseignement une fois leurs troupes parties », poursuit le chercheur.

Alors que les talibans savent désormais que les États-Unis se préparent à retirer leurs forces, la probabilité qu’ils engagent une pression maximale sur le gouvernement afghan, fragilisé sans l’aide des soldats américains, paraît élevée. « Les talibans contrôlent une grande partie du pays, même s’ils n’ont jamais pu contrôler durablement les grandes villes grâce à la présence américaine », observe David Rigoulet-Roze. Une situation qui pourrait alors s’inverser. De plus, les nombreuses divisions au sein du gouvernement de Kaboul, dont les représentants appartiennent à des clans différents et affichent leurs désaccords sur de nombreux dossiers, risquent de faire le jeu des talibans.

Menaces

Pour l’heure, les pourparlers de paix semblent également compromis depuis l’annonce de Washington. Mardi, les insurgés ont indiqué qu’ils refuseraient, « tant que toutes les forces étrangères n’auront pas achevé leur retrait », de participer à la conférence sur la paix en Afghanistan que la Turquie, l’ONU et le Qatar doivent organiser du 24 avril au 4 mai à Istanbul dans le souci de relancer un processus de paix en suspens. Il n’est cependant pas certain que les talibans mettent leurs menaces à exécution. « Il s’agit de déclarations qui s’inscrivent dans leur logique de communication », nuance le chercheur, qui ajoute que « ce qui importait aux insurgés était d’avoir une date de retrait déterminée ».

Les négociations interafghanes, qui ont débuté le 12 septembre 2020 sous l’égide de Donald Trump en vertu de l’accord signé en février de la même année entre les États-Unis et les talibans, semblent au point mort, alors que près de 1 800 civils ont été tués ou blessés au cours des trois premiers mois de l’année, soit une augmentation de 29 % par rapport à la même période l’an dernier, selon un rapport publié par l’ONU mercredi. « Les négociations de paix formelles, à l’instar de celles de Doha, seront probablement terminées », estime de son côté Marvin G. Weinbaum, qui n’écarte pas, en revanche, « la possibilité que les talibans acceptent un gouvernement intérimaire ». Mais le prix à payer pourrait s’avérer extrêmement lourd pour la population et le gouvernement afghans. « Il s’agira, dans ce cas, d’éliminer toutes les institutions telles qu’elles existent aujourd’hui et d’amorcer un retour au régime islamiste d’avant 2001. »

C’était il y a bientôt 20 ans. Les États-Unis assistaient chez eux, le 11 septembre 2001, aux quatre attentats-suicides orchestrés par des membres de l’organisation terroriste el-Qaëda, provoquant la mort de près de 3 000 personnes et précipitant les soldats américains en Afghanistan dans ce qui allait devenir la guerre la plus longue de leur histoire. Alors que Joe Biden a...

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