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Nos Lecteurs ont la Parole

Tragique et libérateur

Il y a quelque chose de tragique et de libérateur à la fois dans les débattements de la classe politique libanaise qui s’efforce depuis sept mois de former un gouvernement sans succès.

D’aucuns le regrettent en voyant l’économie du pays s’effondrer encore davantage, la livre ayant perdu près de 90 % de sa valeur depuis 2019. D’autres tombent encore dans le piège habituel des partis communautaires qui se rejettent tous la faute sans jamais prendre la moindre responsabilité. La réalité est tout autre : cet échec est une libération, douloureuse et terrifiante. Ce système dit de Taëf ne fonctionne plus du tout, il est totalement à l’arrêt, sclérosé, incapable de réaliser la moindre avancée pour aider le Liban.

Le « maronitisme politique » du Liban d’avant 1975 était décrié parce qu’il favorisait une communauté sur les autres. Il a cédé la place à un ballet de bouffons, au berrysme, au haririsme, au lahoudisme ou aounisme, des microsystèmes et des caïds tous plus incapables les uns que les autres de diriger un pays. Ce partage du gâteau confessionnel est désormais bel et bien caduc et il faut réinventer urgemment un nouveau Liban.

Le système ne protège plus les chrétiens. Le président et son beau-fils qui prétendent les représenter sont la risée des nations, incompétents et méprisés de tous, et par conséquent incapables de sauver le pays. Leurs autres chefs de guerre ne sont pas plus convaincants, incapables de se renouveler. Les élites chrétiennes et musulmanes se délitent de plus en plus et ne songent qu’à partir trouver le bonheur sous d’autres cieux.

Le système ne protège pas non plus les musulmans défavorisés contre la misère ou l’humiliation. On leur avait fait croire qu’on leur donnerait une part plus importante du pouvoir et des richesses, mais le gâteau entier a fondu, dépecé par la corruption tentaculaire. Les inégalités se sont creusées encore plus qu’avant 75, l’économie a sombré avec la faiblesse consternante du fils Hariri, les agendas belliqueux du Hezbollah et la faillite morale généralisée. Ces Libanais de toutes confessions se retrouvent donc ensemble dans l’abîme, seuls dans un Orient qui s’effondre. Ils sont victimes de leurs éternelles divisions sectaires et d’un Levant pris en tenailles entre la ploutocratie des princes du Golfe, l’obscurantisme de Téhéran ou d’Ankara et l’impérialisme israélien et occidental.

Alors, que faire pour sauver ce qui reste de notre pauvre pays ? Je ne vois rien d’autre qu’un rêve. Deux ou trois généraux de l’armée décident de mettre fin à cette mascarade, ils se mettent à table avec le Hezbollah qui contrôle le terrain pour faire un deal sur ce que le Liban pourrait être. Une démocratie civile et laïque, une neutralité mais qui soit acceptable pour les forces dominantes ? Un maintien des armes mais un pacte de non-agression avec Israël pour briser notre isolement ? Je ne sais pas. Puis bien sûr l’arrestation ou l’exil pour tous les apparatchiks au pouvoir et leurs mafias. Une poignée d’hommes ou de femmes providentiels peut parfois tout changer. Saurons-nous enfin les trouver ?


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Il y a quelque chose de tragique et de libérateur à la fois dans les débattements de la classe politique libanaise qui s’efforce depuis sept mois de former un gouvernement sans succès.D’aucuns le regrettent en voyant l’économie du pays s’effondrer encore davantage, la livre ayant perdu près de 90 % de sa valeur depuis 2019. D’autres tombent encore dans le piège habituel des...

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