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Mettre Baudelaire en musique

Pianiste, professeur au Conservatoire de Cergy-Pontoise et compositeur de talent, Nicolas Chevereau a mis en musique cinq poèmes de Baudelaire. Il nous explique sa démarche. 

Mettre Baudelaire en musique

© Cyprien Leym

En tant que musicien, la poésie de Baudelaire m’a toujours attiré : sa musique de la langue française et le climat extraordinaire qu’il réussit à instaurer dans chacun de ses poèmes ne peuvent que provoquer un sentiment d’envoûtement. C’est ainsi qu’en 2015, je me suis attelé à mettre cinq de ses poèmes en musique, pour voix de baryton et orchestre (ou piano). Les possibilités des couleurs orchestrales et des alliages de timbres sont infinies et permettent de s’approcher des extraordinaires climats des textes. Par exemple, je me suis servi d’un mélange de harpe, glockenspiel et cordes divisées (non vibrato et molto vibrato) pour évoquer « ces beaux horizons qu’allument les soleils des brumeuses saisons », ou encore des violoncelles, contrebasses, trombones et tuba, accompagnés par un roulement de grosse caisse, pour évoquer « les caveaux d’insondable tristesse où le destin m’a déjà relégué ». Comme la poésie de Baudelaire est généralement très sombre, il m’a paru important de finir mon cycle par un texte plus clair. C’est ainsi que j’ai choisi le poème « Élévation », qui est pour moi l’un des plus beaux textes de toute la littérature française. Il m’a permis d’alléger, d’un point de vue de l’expression, la composition de mon œuvre, avec des harmonies plus claires, et un orchestre s’élevant du grave à l’aigu, irréel et évanescent. Évidemment, s’attaquer à un génie de la littérature et vouloir le mettre en musique est très intimidant, d’autant que j’avais derrière moi d’illustres prédécesseurs comme Gabriel Fauré, Henri Duparc, Emmanuel Chabrier, Déodat de Séverac, Vincent D’Indy, Ernest Chausson, Louis Vierne, Alban Berg, Alexander von Zemlinsky, Henri Dutilleux ou Claude Debussy, auteur de Cinq poèmes de Charles Baudelaire, un cycle de mélodies pour chant et piano composé entre 1887 et1889. Mais la capacité d’envoûtement de Baudelaire est si puissante qu’elle m’a naturellement poussé à écrire ces mélodies que je portais en moi depuis longtemps, et je crois que son universalité permet à chaque compositeur de tirer le meilleur de lui-même.

Cinq poèmes de Baudelaire pour baryton et piano de Nicolas Chevereau, éditions Delatour, 2015.

À noter également :

Les Fleurs du Mal, de Fauré à Ferré de Marc Boucher (baryton) et Olivier Godin (piano), XXI-21 Productions, 2009.

Baudelaire en chansons

Plusieurs chanteurs et groupes ont chanté des poèmes de Baudelaire. D'après « The Baudelaire Song Project », on compte 1 400 œuvres inspirées par l'œuvre du poète ! On en citera : Léo Ferré, qui lui a consacré trois albums (en 1957, 1967 et 1977) ; Serge Gainsbourg qui a adapté « Le serpent qui danse » ; Jean-Louis Murat qui, en 1996, a chanté « Réversibilité » sur son disque Dolorès et a consacré à Baudelaire un album entier, intitulé Charles et Léo, dans lequel il a repris une douzaine de poèmes mis en musique par Léo Ferré; Georges Chelon, qui a mis en musique l'intégrale du recueil Les Fleurs du Mal en 2004, 2006 et 2008, puis dans un coffret de 7 CD en 2009 ; ou encore Serge Reggiani qui a récité ou chanté plusieurs textes (dont « Enivrez-vous ») du poète auquel il a consacré une chanson composée par Didier Barbelivien et intitulée « Monsieur Baudelaire ». Quant à Mylène Farmer, elle a chanté « L'Horloge » sur l'album Ainsi soit je... (1988) et « Au Lecteur » sur l'album Désobéissance en 2018.

Chez les Anglo-saxons, la chanson de The Cure, « How beautiful you are », est une adaptation du poème « Les Yeux des pauvres » ; « Rock'n'roll Suicide » de David Bowie, considéré comme un dandy moderne, fait allusion à l'œuvre de Baudelaire ; et Les Rolling Stones dans « Sympathy for the Devil » rappellent le côté sombre du poète…


En tant que musicien, la poésie de Baudelaire m’a toujours attiré : sa musique de la langue française et le climat extraordinaire qu’il réussit à instaurer dans chacun de ses poèmes ne peuvent que provoquer un sentiment d’envoûtement. C’est ainsi qu’en 2015, je me suis attelé à mettre cinq de ses poèmes en musique, pour voix de baryton et orchestre (ou piano). Les...

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