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Moyen-Orient - Rapport

L’Iran confirme son statut de premier bourreau mondial per capita

Le rapport annuel sur la peine de mort en Iran en 2020, réalisé par Iran Human Rights avec l’ONG Ensemble contre la peine de mort, révèle une tendance abolitionniste au sein de l’opinion publique.

L’Iran confirme son statut de premier bourreau mondial per capita

Dans le village de Sangar, la tombe du jeune lutteur iranien, Navid Afkari est devenu un mausolée où se recueillent les abolitionnistes. Les autorités l’ont saccagée en décembre dernier. Couverture du rapport sur la PDM en Iran

Sur sa tombe, que les autorités iraniennes ont détruite en décembre dernier, des militants abolitionnistes venaient régulièrement se recueillir et déposer des bouquets de fleurs dans le village de Sangar. Navid Afkari, plâtrier de 27 ans et champion national de lutte, a été exécuté le 12 septembre 2020 par le régime iranien, dans la prison centrale de Chiraz. Le jeune homme avait été arrêté, avec ses frères, un mois et demi après avoir participé à des manifestations de protestation à Chiraz, en août 2018. Il était accusé du meurtre d’un agent sécuritaire qui, selon le dossier officiel, avait été attaqué par les manifestants. Depuis sa mise à mort, il est aujourd’hui considéré comme un symbole de la lutte contre la peine capitale en Iran.

Avec 267 personnes exécutées en 2020, au moins, parmi lesquelles quatre mineurs et neuf femmes, l’Iran figure parmi les nations qui appliquent le plus la peine de mort. La République islamique maintient même sa position de premier bourreau mondial per capita, devant la Chine, l’Irak, l’Arabie saoudite ou le Pakistan. Et ce en dépit d’une baisse sensible du nombre de mises à mort liées à la drogue, à partir de 2018, depuis l’amendement de la législation. Les trois premiers mois de l’année 2020 ont même vu un pic d’exécutions, malgré la pandémie de Covid-19, les pressions internationales et les mobilisations populaires. C’est ce que révèle le treizième rapport annuel sur la peine de mort en Iran, réalisé par l’association de défense des droits humains, Iran Human Rights (IHR) avec le soutien de l’ONG française de lutte pour l’abolition universelle de la peine capitale, Ensemble contre la peine de mort (ECPM). Un rapport publié hier conjointement par les deux organisations lors d’une conférence de presse virtuelle, et qui note toutefois la montée d’une tendance abolitionniste au sein de l’opinion publique de la République islamique. Une tendance qui se manifeste par « l’augmentation du nombre de pardons », accordés par les familles des victimes aux condamnés à mort accusés de meurtre, 662 au total, soit deux fois plus qu’en 2019. Parallèlement, 70 % des Iraniens souhaitent « l’abolition complète de la peine capitale ou sa limitation à des cas très particuliers ». Enfin, un hashtag en farsi « Ne les exécutez pas », en réaction à la condamnation à mort de trois jeunes manifestants, était devenu viral en juillet 2020. Sur Twitter, il s’était répandu comme une traînée de poudre, bien au-delà des sphères iraniennes, récoltant 4 millions de mentions en deux jours.

Torture et aveux forcés

« L’application fréquente de la peine capitale en Iran, par pendaison, peloton d’exécution ou lapidation, s’inscrit dans un contexte de durcissement du régime, depuis 2019, vis-à-vis des manifestations populaires, explique Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général d’ECPM. Des milliers d’arrestations ont ainsi eu lieu, suivies de condamnations et d’exécutions en 2020. » « Ces condamnations sont basées sur des aveux forcés, souvent faux, obtenus sous la torture, renchérit Mahmood Amiry-Moghaddam, opposant au régime installé en Suède et fondateur d’IHR. Sans oublier que les détenus n’ont pas accès à un avocat, au moins dans les stades préliminaires du procès. Et nul n’en assume la responsabilité. » L’activiste précise dans ce cadre que l’Iran prononce 79 % des peines capitales pour meurtre et 10 % pour des crimes et délits liés à la drogue. « Un citoyen a même été exécuté en 2020 pour consommation d’alcool, une première depuis 30 ans », gronde le militant.

Pour mémoire

L'exécution du journaliste Rouhollah Zam est légale, affirme Rohani

« Le cas du jeune lutteur, Navid Afkari, est l’illustration même du recours du régime aux aveux soutirés sous la torture, dans le cadre du raidissement officiel contre toute voix discordante », note M. Chenuil-Hazan. « Avant son exécution, il a été battu, torturé, forcé aux aveux, par le biais de menaces envers sa famille. Ce jeune homme était pourtant non politisé. » Ce même 12 septembre, un journaliste dissident, Ruhollah Zam, est lui aussi exécuté. Ce directeur d’une chaîne d’informations antirégime avait pourtant obtenu l’asile politique en France. Mais il a été kidnappé à l’occasion d’un voyage en Irak en octobre 2019 et extradé vers l’Iran. « Chose fréquente en Iran, son interrogatoire a été conduit par un journaliste prorégime et diffusé par la télévision », dénonce M. Amiry-Moghaddam.

« L’UE ne doit pas fermer les yeux sur la torture »

La liste est longue. Selon IHR, 22 % des exécutions concernent des détenus issus de populations considérées comme des minorités ethniques, kurdes, baloutches, azéris, arabes. Et dans les régions ethniques, elles sont en hausse de 20 % par rapport à 2018 et 2019. « De nombreuses personnes innocentes, faussement accusées, attendent toujours dans le couloir de la mort », affirme M. Amiry-Moghaddam.

Des cas documentés par l’association qu’il dirige à partir de « recoupements de sources ». « Car les autorités iraniennes n’annoncent pas toutes les exécutions. Seulement 66 % d’entre elles sont annoncées », révèle l’activiste.

C’est dans ce cadre qu’intervient le témoignage de Vida Mehrannia, épouse du scientifique irano-suédois Ahmadreza Djalali, 49 ans, condamné à mort pour espionnage au profit d’Israël. Il a été arrêté en 2016 lors d’un voyage en Iran, où il était l’invité officiel de l’Université de Téhéran. « Ces accusations sont fausses. Mon mari n’a jamais collaboré avec Israël », martèle-t-elle, relatant les mauvais traitements qu’il a subis, « l’isolement durant 100 jours, l’accès limité à son avocat et à sa famille, sa santé mentale en détérioration ». M. Djalali court le risque d’être exécuté à n’importe quel moment. « L’UE ne doit pas fermer les yeux sur la torture. Ahmedreza est citoyen suédois. Il est surtout innocent », lance son épouse. D’où l’appel conjoint d’ECPM, IHR et Vida Mehrannia à la communauté internationale et à l’Union européenne, afin qu’elles « placent les droits de l’homme au cœur de leurs actions et fassent pression sur le régime iranien ». Car c’est sous la pression internationale et populaire que la République islamique a restreint le recours à la peine capitale dans les crimes liés aux stupéfiants. « Cette même pression est aujourd’hui nécessaire pour faire un pas de plus, en faisant cesser par exemple les mises à mort publiques et par lapidation, ou en abolissant la peine de mort pour les mineurs... »

Sur sa tombe, que les autorités iraniennes ont détruite en décembre dernier, des militants abolitionnistes venaient régulièrement se recueillir et déposer des bouquets de fleurs dans le village de Sangar. Navid Afkari, plâtrier de 27 ans et champion national de lutte, a été exécuté le 12 septembre 2020 par le régime iranien, dans la prison centrale de Chiraz. Le jeune homme avait...

commentaires (2)

Ouvrez les yeux les libanais ne tombez pas sous le joug des Ayattollahs une guerre civile c'est mieux que ce regime

Eleni Caridopoulou

18 h 11, le 31 mars 2021

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Commentaires (2)

  • Ouvrez les yeux les libanais ne tombez pas sous le joug des Ayattollahs une guerre civile c'est mieux que ce regime

    Eleni Caridopoulou

    18 h 11, le 31 mars 2021

  • Qu’attendez-vous vraiment d’un régime totalitaire, théocratique, aux mœurs moyenâgeuses et avec lequel il est vraiment impossible de dialoguer sur les notions de droits de l’homme et de liberté d’expression, notions chères aux sociétés Occidentales? Le pire dans ce constat, c’est que le Liban est actuellement sous la botte d’une milice identique avec laquelle il n’y a aucun dialogue constructif, qui élimine toute voix opposante et qui iranise le pays d’une manière sournoise et subtile, avec l’aide de ses stupides alliés chrétiens qui n’ont rien compris encore à qui ils ont affaire: pauvre Liban!

    Saliba Nouhad

    15 h 20, le 31 mars 2021

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