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Moyen-Orient - Analyse

Élections israéliennes : une règle d’or, trois leçons

Le scrutin confirme la domination du Likoud sur la vie politique nationale, souligne la difficulté des partis de l’opposition à s’imposer et consacre le succès grandissant de l’extrême droite.

Élections israéliennes : une règle d’or, trois leçons

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’adresse à ses soutiens au siège du Likoud à Jérusalem, le 24 mars 2021. Emmanuel Dunand/AFP

Incertain, quoique très prévisible. Au surlendemain des élections législatives israéliennes, deux mots peuvent qualifier ce scrutin. Incertain, d’abord, car à l’heure de mettre sous presse, son issue définitive est encore inconnue. Elle pourrait le rester jusqu’à demain, voire durant plusieurs semaines, le temps qu’une majorité gouvernementale émerge ou, qu’à défaut, le Parlement n’appelle à de nouvelles élections qui seraient les cinquièmes en deux ans et demi. Le Likoud du Premier ministre sortant a certes confirmé dans les urnes l’avance que les sondages lui prédisaient, obtenant 30 sièges sur un total de 120 à la Knesset. Mais l’incertitude persiste dans la mesure où ce score ne lui garantit pas la majorité, ses alliés confirmés (Shas, Judaïsme Unifié de la Torah ou UTJ, Sionisme Religieux) n’ayant pas obtenu un score suffisant pour atteindre ensemble les 61 sièges nécessaires à la formation d’un gouvernement. Même s’il parvenait à convaincre son rival de Yamina, Naftali Bennett, de le soutenir, ce chiffre clé ne serait pas atteint.

Pourtant, au-delà du brouillard persistant quant à l’issue finale des négociations, le bilan des élections est également extrêmement clair. Il confirme ce qui est devenu la règle d’or du jeu israélien, à savoir la domination du Likoud sur la vie politique nationale et la polarisation de cette dernière autour du clivage anti/pro Netanyahu.

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L’époque où le clivage des idées entre un sionisme de gauche et son corollaire de droite structurait le débat public est naturellement révolue. Ce scrutin, le quatrième en deux ans, confirme qu’il ne reviendra pas de si tôt. Bénéficiant d’une avance confortable de 13 sièges sur son principal concurrent, le parti centriste Yesh Atid de Yair Lapid, Benjamin Netanyahu reste le grand gagnant de ces élections. Mais, au-delà de la reconduite possible de l’« ère Netanyahu », le scrutin a également accouché de nouvelles tendances, en gestation depuis un certain temps, mais qui ont désormais véritablement éclos.

Leçon n°1 : l’opposition est en crise

C’est une banalité de le dire, mais comment comprendre l’exceptionnelle endurance de Benjamin Netanyahu, au pouvoir depuis 12 ans, sans revenir sur la crise idéologique, politique et stratégique que traverse l’opposition israélienne ? Cette dernière est composée d’un brassage hétéroclite comptant ce qu’il reste de la gauche sioniste (Meretz, travaillistes), des centristes ( « Il y a un futur » ou Yesh Atid, le parti Bleu-Blanc ou Kahol Lavan), d’une partie de la droite ( « Israël est notre maison » ou Yisrael Beiteinu), d’anciens proches de Netanyahu devenus dissidents ( « Nouvel espoir », Yamina), et de partis arabes israéliens (Liste unifiée, United Arab List). Certains d’entre eux ont fait campagne contre le Premier ministre actuel mais, comme Benny Gantz en 2020, il n’est pas exclu de les voir rejoindre une coalition gouvernementale menée par Netanyahu (Yamina de Naftali Bennett, United Arab List de Mansour Abbas). L’opposition inclut ainsi laïcs et religieux, progressistes et sionistes de droite, libéraux et conservateurs… sans qu’aucun ne parvienne à émerger. La crise est d’abord celle des idées : elle se manifeste dans l’incapacité des forces politiques à imposer une alternative au sionisme de Benjamin Netanyahu.

De ce point de vue, le scrutin de mardi n’as été qu’une traduction logique, en termes politique et électoral, de cet éclatement idéologique. Dans le meilleur des cas, les partis de l’opposition sont parvenus à assurer leur survie politique. C’est le cas de Meretz et du Parti travailliste, qui ont respectivement obtenu 5 et 7 sièges, soit 2 et 4 sièges de plus qu’il y a un an. Une bonne surprise pour ces partis dont on avait diagnostiqué la mort clinique il y a déjà longtemps.

Mais les autres partis de l’opposition ne sont pas parvenus à maintenir leurs scores ou à être à la hauteur de ce que les sondages prédisaient. Yesh Atid n’a obtenu que 17 sièges par rapport aux 20 qu’il espérait. Le parti centriste apparaît comme le grand perdant, alors même qu’il était considéré comme le concurrent le plus sérieux au Premier ministre sortant. La chute libre de Benny Gantz, qui était arrivé en seconde position lors des élections de 2020 avec 15 sièges, se confirme. Son parti Kahol Lavan n’obtient que 8 sièges. À droite, les sondages prévoyaient que Yisrael Beiteinu, New Hope et Yamina obtiendraient ensemble plus de sièges que le Likoud. Ils n’en ont obtenu que 21 à eux trois, confirmant le leadership de M. Netanyahu sur la droite israélienne.

Leçon n°2 : la représentation arabe est précaire et volatile

Le scrutin de mardi démontre également que le succès arabe d’il y a un an reposait sur des bases bien fragiles. En mars 2020, la Liste unifiée de Ayman Odeh, qui avait obtenu un nombre record de 15 sièges, espérait pouvoir se tailler la part du lion dans l’échiquier politique israélien. Mais le départ en janvier du parti United Arab List (UAL) de la liste a fragilisé l’alliance, la faisant chuter à 6 sièges. Cette fragmentation des forces n’arrange rien à la démobilisation déjà forte de l’électorat arabe, dont le taux d’abstention s’est envolé. « Les partis arabes sont de retour à leur ancien statut de petite formation sans conséquence, à la marge de la politique israélienne », écrivait hier Anshel Pfeffer dans les pages du quotidien Haaretz.

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C’était certes avant la résurrection inattendue du parti de Mansour Abbas, qui était donné perdant faute d’avoir atteint le seuil minimal des 3,25 % de vote. L’UAL, issu du Mouvement islamique, une organisation de défense des intérêts musulmans, a fait une entrée remarquée à la Knesset, avec 5 sièges, au fur et à mesure du décompte des votes durant la journée d’hier. Mais ces voix pourraient in fine être réintroduites dans la machine Netanyahu, étant donné que Mansour Abbas n’exclut pas de rejoindre les rangs de la droite israélienne dont il apprécie les valeurs conservatrices.

La représentation arabe est également soumise à la concurrence de la gauche et de la droite sioniste. À droite, des formations comme le Likoud ou New Hope ont tenté pour la première fois lors de cette campagne de conquérir des voix arabes et, à gauche, trois députés arabes feront leur entrée à la Knesset sous l’étiquette du Parti travailliste et Meretz.

Leçon n°3 : la droitisation se poursuit, jusqu’à l’extrême

Les partis arabes sont parvenus à prévenir un effondrement total ; la gauche sioniste a sobrement augmenté sa présence. De bien modestes victoires face à l’hégémonie confirmée de la droite, qui continue de dominer la Knesset avec 77 députés issus de ses rangs – si les estimations se confirment. Le gouvernement qui s’apprête à émerger devrait être composé de la droite et… de la droite.

Mais la véritable nouveauté réside ailleurs, dans l’entrée au Parlement d’un nouveau parti, Sionisme Religieux (Religious Sionism), issu de la frange la plus fondamentaliste de l’extrême-droite israélienne, qui est parvenue à rassembler une partie de l’électorat déçu par les partis ultra-orthodoxes traditionnels. Le parti mené par Bezalel Smotrich, qui pourtant n’en menait pas large dans les sondages, parvient non seulement à dépasser le seuil minimal mais obtient 6 sièges. Itamar Ben-Gvir, considéré comme l’un des héritiers de l’idéologie extrémiste juive de Meir Kahan, serait en position d’obtenir un poste ministériel au sein du gouvernement, s’il devait voir le jour. Entre autres positions controversées, le numéro trois de la liste soutient une politique d’émigration des citoyens arabes qui refuseraient de déclarer leur fidélité à un État hébreu incluant la Cisjordanie occupée. Le scrutin achève la normalisation de l’extrême droite, désormais représentée par un nombre record de députés : ensemble, les partis Shas, United Toras Judaism et Sionisme Religieux devraient obtenir 22 sièges.

Incertain, quoique très prévisible. Au surlendemain des élections législatives israéliennes, deux mots peuvent qualifier ce scrutin. Incertain, d’abord, car à l’heure de mettre sous presse, son issue définitive est encore inconnue. Elle pourrait le rester jusqu’à demain, voire durant plusieurs semaines, le temps qu’une majorité gouvernementale émerge ou, qu’à défaut, le...

commentaires (1)

Compétition entre les 2 Ns!! Netanyahuu en Israël et bien sûr notre N local Nabih... La compétition est sérieusement ouverte élection après élection...

Wlek Sanferlou

13 h 14, le 25 mars 2021

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Commentaires (1)

  • Compétition entre les 2 Ns!! Netanyahuu en Israël et bien sûr notre N local Nabih... La compétition est sérieusement ouverte élection après élection...

    Wlek Sanferlou

    13 h 14, le 25 mars 2021

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