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Nos Lecteurs ont la Parole

EDL : y a-t-il un espoir ? Une feuille de route

Le vote par le Parlement d’une rallonge de 200 millions de dollars pour financer les achats d’EDL relance la polémique autour d’un établissement malheureusement source de la plupart de nos malheurs.

En considérant que le déficit d’EDL avoisine à ce jour les 42 milliards de dollars, nous pouvons affirmer qu’au moins 32 milliards ont été distribués gratuitement aux Libanais riches et pauvres, le reste des 42 milliards provenant d’une gestion anarchique, caractéristique de l’État et de ses intuitions.

Cette distribution d’argent gratuit provient d’un fait que le kWh produit par EDL est vendu à un prix très inférieur à son prix de revient, en sus du vol de courant et des factures impayées. Il s’ensuit un déficit cumulé au cours des 30 dernières années, qui a largement contribué à la banqueroute de l’État, suite aux 32 milliards précités.

J’avais en 1995 attiré l’attention du ministère de l’Énergie de l’époque que le prix de revient du courant était très supérieur à son prix de vente et j’avais présenté une étude précise du prix réel du courant et à quel prix minimum EDL était supposé le vendre. Les oreilles attentives du ministère de l’Énergie avaient enregistré et classé ce détail dans les oubliettes.

En 1998, le ministre Élias Hobeika m’avait alors proposé, à l’issue d’une réunion de travail de cinq heures, le rachat d’EDL à un prix symbolique, ce qui avait entraîné une réponse stupéfiante de ma part comprenant une acceptation assortie toutefois d’une demande d’assistance de deux milliards de dollars, le tout heureusement sans suite. Ces montants auraient certainement été insuffisants.

Les 42 milliards de dollars perdus ne sont plus récupérables, mais quid de l’avenir ?

Le prix de revient du kWh aujourd’hui se situe, suivant les fluctuations des prix du pétrole, aux alentours de 1 500LL. Comparées au prix de vente, les pertes de l’EDL sont donc devenues phénoménales et le prix à demander à l’utilisateur dépasse les moyens de 88 % des Libanais.

On doit donc se mettre à la recherche de solutions permettant de limiter ce déficit. Le budget d’une remise à flot d’EDL se situerait aux alentours de 3 milliards de dollars répartis sur 4 ans, en sus d’un déficit annuel décroissant de 1,1 milliard, pour arriver vers 2025 à un déficit zéro. Pour renflouer EDL et diminuer le prix de revient du kWh, il faut envisager plusieurs solutions :

– La première solution est d’augmenter le prix de vente du kWh pour l’adapter aux nouvelles données. Une augmentation raisonnable et progressive des tarifs contribuerait à brider la consommation générale d’électricité. L’augmentation des tarifs répartis sur plusieurs tranches devrait protéger les petits consommateurs pour éviter la grogne populaire. Augmenter les tarifs mais aussi diminuer parallèlement les heures de coupure, si possible, limiterait une grogne éventuelle.

– La deuxième solution est de chercher à augmenter le rendement énergétique et financier des sources d’énergie existantes, Litani, Nahr Ibrahim, Nahr el-Bared, Zahrani, Beddaoui, Zouk…

– La troisième solution est d’installer sur des terrains appartenant à l’État des capteurs solaires et des éoliennes pour produire une énergie renouvelable à faible coût. Le problème de ces centrales est leur grande vulnérabilité aux vandales. Il existe la possibilité d’installer les éoliennes en mer pour les protéger.

– La quatrième solution est de construire trois nouvelles centrales thermiques de 500 MW chacune au gaz à cycle combiné, avec station de gazéification de gaz liquide pour desservir tant les stations existantes que les nouvelles stations à Zouk, Beddaoui et Zahrani.

– La cinquième et la plus importante des solutions est de demander l’aide des frères arabes producteurs de pétrole ou même de l’Iran, sans se mettre à mal avec la communauté arabe ou l’Amérique. Le prix du kWh est à 80 % fonction du carburant liquide ou gazeux. Il faut donc assurer des prix préférentiels et donc très bas pour l’achat de combustibles. À noter toutefois que le pétrole irakien, qualitativement impropre, ne peut être utilisé dans nos centrales et doit être remplacé par des combustibles de plus haute qualité, suivant une procédure sous étude actuellement par le ministère de l’Énergie.

– La sixième solution consisterait à intéresser le secteur privé à la production d’énergie. La situation actuelle risque de décourager les investisseurs, quoique cette solution ne puisse être écartée à l’avenir. À noter que dans beaucoup de pays, l’énergie électrique est source de profits. EDL avant 1975 en était un exemple.

– L’énergie géothermique ne peut pas encore été envisagée comme solution au Liban, quoique cette énergie non polluante, provenant du cœur de la terre, soit très bon marché et le financement de telles installations est facile à travers les plus prestigieuses instances internationales. Nous disposons au Akkar de sources géothermales, ce qui laisse présager des résultats intéressants. Cette énergie requiert des études et des forages de grande profondeur, nécessitant plusieurs années d’efforts. Cette solution doit cependant être retenue pour l’avenir.Où en sommes-nous de ce programme ?

Une gestion maladroite de ce problème risque de pousser le Liban vers un gouffre sans fond et de provoquer un endettement encore plus important de l’État. Il nous faut donc agir sans retard.

Nos partenaires européens, surtout la France et l’Allemagne, conscients de cette situation, ont donc placé le dossier de l’électricité en tête des priorités des réformes exigées de l’État libanais. Aucune instance internationale ne sera disposée à nous aider si elle constate que la faillite est la fin du tunnel.

Une page mensuelle d’EDL servirait certainement à éclairer le public (faute d’électricité) sur les progrès de chaque étape du processus de relance et à donner plus de transparence aux activités d’EDL, à encourager les futurs investisseurs étrangers dans tous les secteurs et à créer un espoir en l’avenir des Libanais.

Sami TEHINI

Ingénieur

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Le vote par le Parlement d’une rallonge de 200 millions de dollars pour financer les achats d’EDL relance la polémique autour d’un établissement malheureusement source de la plupart de nos malheurs.En considérant que le déficit d’EDL avoisine à ce jour les 42 milliards de dollars, nous pouvons affirmer qu’au moins 32 milliards ont été distribués gratuitement aux Libanais riches...

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