Des centaines de femmes ont manifesté lundi à Alger, en réclamant l'abrogation du code de la famille, dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, mais aussi dans la continuité du mouvement pro-démocratie du Hirak en plein regain.
Derrière une banderole affirmant "8 mars 2021: nous sommes sortis pour le changement, pas pour faire la fête", le cortège est parti de la rue Didouche-Mourad, la principale artère du centre-ville, en direction de la place de la Grande Poste, lieu de rassemblement emblématique du Hirak.
"Les femmes s'engagent, "+le système dégage+", ont-elles scandé en dénonçant le code de la famille qui, selon les féministes, fait d'elles des "mineures à vie", ont constaté des journalistes de l'AFP. Elles ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: "Abrogation du code de l'infamie" et "Egalité hommes-femmes".
Adopté en 1984 sous le règne du parti unique et révisé en 2005, le code de la famille s'inspire en partie de la charia (loi islamique). De nombreuses associations de défense des droits des femmes le considère comme anticonstitutionnel au motif qu'il ne respecte pas l'égalité des citoyens énoncée dans la Constitution.
Dans le cortège, marchait Louisette Ighilhariz, combattante de la guerre d'indépendance, immensément respectée, aujourd'hui âgée de 84 ans et militante du Hirak. Les manifestantes ont condamné les violences faites aux femmes, avec des portraits de victimes de féminicides.
Algérie Féminicides a recensé plus d'une cinquantaine de cas de meurtre de femmes pour l'année 2020, et plus de soixante-dix en 2019, un chiffre bien en dessous de la réalité selon ce collectif.
Les militantes du "carré féministe", qui prennent part à chaque manifestation hebdomadaire du Hirak, et les mères de disparus de la guerre civile (1992-2002), également engagées dans le mouvement de contestation populaire, ont pris part à la mobilisation. "Nos droits c'est tout le temps et partout", pouvait-on lire sur une affiche du "carré féministe", où figuraient des photos d'anciennes combattantes de la guerre d'indépendance (1954-1962).
"Liberté"
Au delà des revendications égalitaires, les manifestantes ont également fustigé un récent avant-projet de loi controversé qui prévoit de déchoir de la nationalité algérienne tout ressortissant commettant à l'étranger "des actes préjudiciables aux intérêts de l'Etat". "Vous ne nous faites pas peur avec la déchéance de la nationalité, nous avons été élevés dans le patriotisme", ont-elle chanté. Cette initiative du ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, a déclenché une levée de boucliers parmi les opposants politiques et les militants du Hirak qui y voient un moyen de contrôler la vaste diaspora algérienne.
En outre, le défilé des femmes a aussi repris les slogans traditionnels du Hirak comme "Tebboune (ndlr: le président algérien) est arrivé (au pouvoir) par la fraude, il a été placé par les militaires" ou encore "Etat civil et non Etat militaire". De brèves bousculades ont eu lieu à la fin de la manifestation après que des policiers ont forcé les manifestantes à quitter le centre-ville, selon des témoins.
Des manifestations ont également eu lieu à Tizi Ouzou et Béjaïa en Kabylie (est). Les manifestantes, accompagnés de quelques hommes, portaient des drapeaux algériens et scandaient "On demande la liberté" ou encore "Code de la famille à la poubelle", selon des médias locaux et sociaux.
Des dizaines de milliers d'Algériens sont redescendus dans les rues d'Alger et d'autres villes du pays, confirmant la reprise de la mobilisation du Hirak depuis le 2e anniversaire du mouvement pro-démocratie le 22 février dernier.
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