Faux départ et confusion: le procès du policier blanc, accusé du meurtre de l'Afro-Américain George Floyd a été retardé lundi en raison d'incertitudes sur les charges pesant sur l'accusé. Pourtant, tout était prêt pour l'ouverture de ce procès historique, qui est autant celui d'un homme que des méthodes policières aux Etats-Unis.
Remis en liberté sous caution, Derek Chauvin, vêtu d'un costume sombre, s'est présenté au tribunal de Minneapolis, dans le nord du pays, où le 25 mai il était resté agenouillé pendant près de neuf minutes sur le cou du quadragénaire noir.
A l'extérieur du bâtiment, qui a pris des allures de camp retranché, des centaines de manifestants s'étaient rassemblés pour réclamer sa condamnation. Les jurés potentiels avaient également répondu à l'appel, prêts à passer sur le gril de l'accusation et de la défense. Mais, après des débats techniques, le juge Peter Cahill les a renvoyés chez eux. "Soyons réalistes, on ne va pas commencer la sélection avant au moins demain", a-t-il déclaré, prenant acte des réticences de l'accusation à aller de l'avant tant que demeure un doute sur les chefs d'inculpation retenus contre Derek Chauvin.
Pour l'instant, cet homme de 44 ans, dont 19 au service de la police de Minneapolis, est inculpé de meurtre et d'homicide involontaire.
Un troisième chef, proche de "violences volontaires ayant entraîné la mort", fait l'objet d'un ultime recours. L'Etat du Minnesota, qui porte l'accusation, craint qu'entamer le procès sans attendre l'issue de ce recours, fasse courir un risque sur toute la procédure.
"Le système"
Le 25 mai, Derek Chauvin était intervenu avec trois collègues afin d'arrêter George Floyd, soupçonné d'avoir utilisé un faux billet de vingt dollars pour s'acheter un paquet de cigarettes.
En pleine rue, et devant des passants effarés, il avait maintenu son genou sur le cou du quadragénaire noir, menotté et plaqué au sol, bien que celui-ci ait lancé à vingt reprises: "Je ne peux pas respirer". Ce furent ses derniers mots et ils sont devenus le cri de ralliement de millions de manifestants qui, alertés par une vidéo du drame, sont descendus dans les rues de Miami à Los Angeles, mais aussi Londres, Paris ou Sydney pour réclamer justice.
La mobilisation, qui a ouvert un débat de fond aux Etats-Unis sur les méthodes de la police et le passé raciste du pays, s'est tassée à l'automne. Mais, à l'approche du procès, elle a repris à Minneapolis, où plusieurs rassemblements ont eu lieu ce week-end.
Lundi, encore des centaines de personnes se sont massées dans le centre de Minneapolis. "Il y a un problème en Amérique", commentait un militant noir, Marcus Smith: "les flics sont acquittés par un système raciste". Comme lui, les proches de George Floyd abordent le procès avec appréhension.
"Je veux que justice soit rendue", a déclaré à l'AFP son oncle Selwyn Jones, tout en exprimant sa méfiance envers un "système" qui, dans le passé, a souvent disculpé les policiers. Selon lui, si Derek Chauvin échappe à la prison, "les gens vont se déchaîner".
Par anticipation, la ville de Minneapolis, secouée par de violentes émeutes à la fin mai, a déjà renforcé son dispositif de sécurité et mobilisé des milliers de policiers et de soldats de la Garde nationale. Des clôtures en béton et barbelés ont également été érigées autour du siège du gouvernement local qui abritera les audiences au sein d'un 18e étage inaccessible, sauf pour les protagonistes.
Plus de pouls
Compte tenu de l'énorme intérêt du public, le procès sera filmé et retransmis en direct dans tous les Etats-Unis. Ses trois premières semaines seront consacrées à la sélection des jurés, un exercice délicat tant l'affaire a été médiatisée. Les débats entreront ensuite dans le vif.
L'accusation, qui aura la parole en premier, tentera de démontrer que Derek Chauvin avait "l'intention" de causer des souffrances, et qu'il ne s'agit pas d'une simple négligence. Pour ce faire, elle s'appuiera sur la vidéo du drame: celle-ci montre que le policier a maintenu la pression sur le cou de George Floyd, même une fois celui-ci devenu inconscient et son pouls indétectable.
La défense soutiendra pour sa part que Derek Chauvin a agi conformément à sa formation et que le quadragénaire noir est mort d'une overdose au fentanyl. L'autopsie a montré qu'il avait consommé cet opiacé de synthèse, mais identifié la "compression de son cou" comme cause de la mort.
Les trois autres policiers impliqués dans le drame, Alexander Kueng, Thomas Lane, et Tou Thao, seront pour leur part jugés ensemble en août pour "complicité de meurtre".
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