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Moyen-Orient - Éclairage

À Mossoul, les habitants retrouvent une partie du patrimoine détruit par l’EI

Plus de trois ans après sa libération des jihadistes, l’ancien bastion autoproclamé du groupe terroriste en Irak voit peu à peu renaître plusieurs de ses édifices endommagés par la guerre.

À Mossoul, les habitants retrouvent une partie du patrimoine détruit par l’EI

Le couvent dominicain Notre-Dame de l’Heure (al-Saa’a), symbole religieux de la ville dont l’horloge donnait l’heure aux habitants, photographié pendant les travaux de reconstruction le 20 décembre 2020. Crédit photo Unesco

10 juillet 2017. Le gouvernement irakien annonce fièrement la reprise de Mossoul, deuxième ville du pays, aux mains des jihadistes de l’État islamique depuis juin 2014. Durant près de trois ans, la vieille ville de Mossoul a été la cible d’intenses combats et de bombardements de l’EI et de la coalition internationale. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées, 35 000 autres ont été blessées et un million de personnes déplacées.

À sa libération par les forces antiterroristes irakiennes, la partie ouest de la ville, la plus durement touchée par les affrontements, ressemble à un champ de ruines. Quinze de ses 54 quartiers sont détruits ainsi que près de 30 000 maisons et immeubles. Si la vie a progressivement repris son cours dans la partie est de la ville, le manque de moyens pour déminer les explosifs de guerre restés sous les décombres et reconstruire les infrastructures vitales rendent toujours certaines rues de la partie occidentale impraticables. « Alors que Mossoul-Est, à la population diversifiée, revit, notamment économiquement, avec le retour de sa population, le centre de Mossoul, de l’autre côté du Tigre, est toujours une ville fantôme », explique Pierre-Jean Luizard, historien spécialiste de l’Irak et chercheur au CNRS.Lancé par l’Unesco en février 2018, dans l’objectif de « reconstruire et de guérir ce que Daech a réduit à l’état de ruines », le projet intitulé « Faire revivre l’esprit de Mossoul » semble avoir permis des avancées concrètes trois ans plus tard. Axé sur la restauration de l’architecture, de la vie culturelle et de l’éducation dans cette ville du Nord irakien, ce projet a permis de créer plus de 2 000 emplois. Près de 300 Mossouliotes de différentes communautés ont en outre été formés afin d’œuvrer à la reconstruction des édifices religieux. « Cette initiative est fondamentale pour renforcer l’inclusion sociale en Irak en cette période critique », a affirmé la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay.

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Ingénieries vaticanes

Ravagés par les combats, des monuments emblématiques de la cité meurtrie ont disparu, tels que son célèbre minaret penché surnommé la « hadba » – bossue en arabe – datant du XIIe siècle ou encore son couvent dominicain Notre-Dame de l’Heure (al-Saa’a), autre symbole religieux de la ville dont l’horloge donnait l’heure aux habitants. Près d’un mois avant la reprise de Mossoul par le gouvernement irakien, les jihadistes avaient fait exploser le minaret penché et la mosquée al-Nouri, la plus ancienne de la ville, où le leader du groupe EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait fait sa seule apparition publique en 2014. Tout comme l’église du couvent dominicain Notre-Dame de l’Heure, l’église syriaque-catholique al-Tahira a également été gravement endommagée par les combats. L’Unesco, qui estime que le groupe extrémiste a détruit près de 80 % du paysage urbain de Mossoul, s’apprête aujourd’hui à reconstruire ces quatre monuments ainsi que l’école chrétienne al-Ikhlass. Alors que la première phase de réhabilitation de la mosquée al-Nouri, qui comprend le déminage et la stabilisation des structures du site, est terminée, celle de l’église al-Tahira devrait s’achever à la mi-mars. Les travaux de reconstruction doivent commencer l’été prochain pour les deux églises, selon l’Unesco.

Ces reconstructions revêtent une importance particulière à la lumière de la tournée historique du pape François en Irak, qui a débuté hier et doit s’achever lundi prochain.

Alors que ce dernier s’apprête à rencontrer aujourd’hui le grand ayatollah Ali al-Sistani, à Najaf, le souverain pontife semble avoir placé sa visite sous le signe du dialogue interreligieux. Attendu à Ur, dans le Sud irakien, ville natale du patriarche Abraham, le pape François a indiqué qu’il y prierait avec des musulmans, des chrétiens, des yazidis et des sabéens. « La visite du pape permettra d’attirer l’attention internationale sur le vaste projet de reconstruction de Mossoul, gravement endommagée pendant la guerre, ce qui sera bénéfique à la ville », note Omar Mohammad, historien et journaliste irakien, qui ajoute que « la confiance entre les différentes communautés religieuses est l’un des challenges auxquels la population est confrontée ». Chassés par l’EI lors du siège de Mossoul, les chrétiens étaient soumis à un ultimatum les sommant de se convertir à l’islam ou de payer une lourde somme en échange de la protection du calife Abou Bakr al-Baghdadi. Plus d’une dizaine de milliers de chrétiens ont ainsi fui la ville, certains d’entre eux ayant trouvé refuge au Kurdistan voisin.

Confiance

« L’autre défi qui se pose aux habitants de Mossoul est celui de la confiance dans le gouvernement », avance Omar Mohammad. « Si vous voyez un projet de reconstruction de Mossoul lancé par le gouvernement, faites-moi signe », ironise-t-il. Depuis la chute de la ville aux mains de l’EI, beaucoup de ses habitants se sentent abandonnés par Bagdad. Le sentiment de défiance vis-à-vis des autorités est alimenté par la détérioration des conditions de vie. Le gouvernement, qui n’a pas été en mesure de payer le salaire de ses fonctionnaires au cours des semaines passées, voit en outre sa monnaie nationale dévaluée face au dollar.

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Dans ce contexte, la politique de reconstruction de l’ancien fief de l’EI par les autorités est motivée par deux enjeux, selon Pierre-Jean Luizard : « Ne pas donner prise aux accusations d’hostilité envers les Arabes sunnites tout en maintenant Mossoul dans un statut de ville vaincue. » « Bagdad a privilégié pour cela les monuments historiques et de culte, notamment les mosquées, tout en maintenant la population des quartiers centraux dans des camps hors de la ville. Cette politique permet à Bagdad de se revendiquer comme un acteur de paix confessionnelle sur la scène internationale et auprès de l’Unesco, et de profiter de l’aide financière de la communauté internationale, mais aussi de renouer des liens avec les pétromonarchies du Golfe qui cherchent à redorer leur blason sunnite », observe le spécialiste. Abou Dhabi s’est ainsi engagé à allouer près de 50 millions de dollars pour rénover la mosquée al-Nouri. Des fonds émiratis doivent également être utilisés pour la reconstruction de l’église du couvent des dominicains ainsi que l’église al-Tahira. « On voit aujourd’hui une concurrence entre l’Arabie saoudite et les Émirats pour financer la reconstruction de telle ou telle mosquée », conclut Pierre-Jean Luizard.

10 juillet 2017. Le gouvernement irakien annonce fièrement la reprise de Mossoul, deuxième ville du pays, aux mains des jihadistes de l’État islamique depuis juin 2014. Durant près de trois ans, la vieille ville de Mossoul a été la cible d’intenses combats et de bombardements de l’EI et de la coalition internationale. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées, 35 000...

commentaires (1)

Al Tahira ainsi que d’autres églises ont été construites par mes ancêtres. A l’époque,ils s’étaient battus contre le perse Nadir khan qui cherchait à assiéger Mossoul et ont bravement résisté et repoussé l’envahisseur. Ils ont vécus fièrement pendant des siècles bravant des multiples agressions jusqu’au moment où ils ont pliés leur bagages suite à une centième attaque cette fois par les ottomans pour venir vivre sereinement et librement à Beyrouth. Voilà pourquoi, nous ne devons plus faire de concessions. Nous assistons à un fin de cycle très tristement alors que nous étions une si grande civilisation !

Wow

15 h 22, le 06 mars 2021

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Commentaires (1)

  • Al Tahira ainsi que d’autres églises ont été construites par mes ancêtres. A l’époque,ils s’étaient battus contre le perse Nadir khan qui cherchait à assiéger Mossoul et ont bravement résisté et repoussé l’envahisseur. Ils ont vécus fièrement pendant des siècles bravant des multiples agressions jusqu’au moment où ils ont pliés leur bagages suite à une centième attaque cette fois par les ottomans pour venir vivre sereinement et librement à Beyrouth. Voilà pourquoi, nous ne devons plus faire de concessions. Nous assistons à un fin de cycle très tristement alors que nous étions une si grande civilisation !

    Wow

    15 h 22, le 06 mars 2021

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