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Moyen-Orient - Éclairage

Pourquoi les EAU misent sur la conquête de l’espace

Alors que la sonde al-Amal a été placée en orbite autour de Mars avec succès, les Émirats espèrent devenir le centre régional de la recherche scientifique et des hautes technologies.

Pourquoi les EAU misent sur la conquête de l’espace

Un Émirati passe devant un écran montrant la sonde émiratie baptisée « al-Amal » au Centre spatial Mohammad ben Rachid à Dubaï, le 19 juillet 2020. Giuseppe Cacace/AFP via Getty Images

Mai 2015. Réunis dans l’un des majestueux palaces de Dubaï qui bordent les eaux du golfe Arabo-Persique, des invités triés sur le volet s’apprêtent à découvrir les détails d’un projet cher aux dirigeants émiratis : l’envoi d’une sonde sans pilote dans l’orbite de Mars en 2021, dans le cadre d’une mission baptisée « al-Amal » (« espoir » en arabe). Avec pour slogan « L’impossible est possible », le plan se veut alors à la hauteur des aspirations de la petite fédération du Golfe dont l’objectif est de tabler sur le développement de son secteur spatial et des hautes technologies pour diversifier son économie. Sa date de réalisation, quant à elle, est on ne peut plus symbolique, puisque coïncidant avec le 50e anniversaire de l’indépendance des Émirats arabes unis. « Cette sonde représente l’espoir pour des millions de jeunes Arabes en quête d’un avenir meilleur. Sans espoir, il n’y a pas d’avenir, pas de succès, pas de vie », avait déclaré à l’issue de la cérémonie l’émir de Dubaï, cheikh Mohammad ben Rachid al-Maktoum.

Si le projet a été applaudi par certains, moqué par d’autres, force est de constater que la première étape de la mission, dont le budget est estimé à quelque 200 millions de dollars, est devenue réalité près de six ans plus tard. Lancée depuis le centre spatial de Tanegashima au Japon en juillet 2020, la sonde al-Amal, dont l’objectif est d’étudier l’atmosphère et le climat de Mars, a été placée sur l’orbite de la planète rouge le 9 février. Célébrée en fanfare aux EAU et à travers le monde, cette première mission interplanétaire arabe est le fruit d’un partenariat entre le Centre spatial Mohammad ben Rached à Dubaï et le Laboratoire de physique atmosphérique et spatiale de l’Université du Colorado. « Il s’agit de l’un de ces mégaprojets dans lesquels l’élite politique a beaucoup investi et où les enjeux sont élevés : il y va de leur crédibilité et de leur prestige », remarque Jörg Matthias Determann, professeur adjoint à l’Université du Commonwealth de Virginie au Qatar et auteur de Science spatiale et monde arabe (I.B. Tauris, 2018). « C’est, au fond, (l’équivalent de) ce qu’était le programme spatial Apollo pour les États-Unis dans les années 1960 », indique-t-il, contacté par L’Orient-Le Jour.

Savoir-faire local

Les ambitions spatiales des EAU s’inscrivent dans le sillage de la volonté des pays du Golfe de préparer l’ère de l’après-pétrole, alors que leur budget dépend majoritairement des revenus de l’or noir. Devenu un lieu de plus en plus attractif au cours de cette dernière décennie, notamment pour la jeunesse et les entreprises étrangères souhaitant établir des branches au Moyen-Orient, l’émirat de Dubaï – et dans une certaine mesure celui d’Abou Dhabi – s’évertue à mettre en avant une image prospère et moderne, voire futuriste, où tout projet est réalisable. Une stratégie qui s’étale sur le moyen et long terme et en vertu de laquelle les EAU comptent devenir le centre régional de la recherche scientifique et des hautes technologies. En mettant l’accent sur la conquête de l’espace, l’objectif d’Abou Dhabi est également de voir émerger une génération de jeunes scientifiques et de développer un savoir-faire local, dans un pays qui s’appuie largement sur une main-d’œuvre étrangère et où la jeunesse se tourne traditionnellement vers la gestion ou l’ingénierie en ce qui concerne les études supérieures.

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Gage des capacités des EAU dans ce domaine, « la mission sur Mars va encourager les dirigeants émiratis à continuer dans cette voie, dont l’objectif est de construire une économie reposant sur les hautes technologies », estime Jörg Matthias Determann. « Ils peuvent par ailleurs s’appuyer sur le fait que les EAU ne sont pas une démocratie et qu’ils n’ont pas à s’inquiéter des cycles électoraux ou de l’approbation des budgets par un Parlement fort », remarque-t-il.

Compétition régionale

Les Émirats n’en sont toutefois pas à leur coup d’essai : leur activité dans le domaine spatial remonte à 2006 avec la création du Centre spatial Mohammad ben Rached et la construction du satellite d’observation de la Terre DubaiSat 1 en coopération avec la Corée du Sud. Il sera mis en orbite trois ans plus tard. La création de l’agence spatiale des EAU en 2014 favorise la multiplication des partenariats et collaborations avec différents pays pour l’envoi et le développement de satellites – à l’instar du satellite d’observation de la Terre KhalifaSat transporté par une fusée japonaise en octobre 2018 –, tandis que Hazza el-Mansouri est devenu le premier spationaute émirati à effectuer un voyage de dix jours vers la Station spatiale internationale en 2019. Si l’un des prochains objectifs des EAU est d’envoyer un rover sur la Lune en 2024, l’établissement d’une colonie humaine sur Mars d’ici à 2117 reste leur pari le plus audacieux.

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Ces investissements ont également pour but d’approfondir les capacités des Émirats en matière de sécurité et de défense. « La stratégie de défense des EAU porte notamment sur le développement de drones, de l’intelligence artificielle, le piratage ou encore l’espionnage », souligne Jörg Matthias Determann. Une approche similaire à celle d’Israël, avec qui les EAU pourraient collaborer davantage dans ces secteurs, à la faveur de la normalisation de leurs liens l’été dernier. Autant d’aspirations qui alimentent aussi la compétition régionale dans le domaine spatial, sur fond de rivalités géopolitiques. Alors que l’Iran a lancé avec succès son premier satellite militaire en avril dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan a quant à lui choisi de dévoiler le programme spatial turc, dont l’un des objectifs est d’atteindre la Lune en 2023, simultanément au placement de la sonde al-Amal dans l’orbite de Mars.

Mai 2015. Réunis dans l’un des majestueux palaces de Dubaï qui bordent les eaux du golfe Arabo-Persique, des invités triés sur le volet s’apprêtent à découvrir les détails d’un projet cher aux dirigeants émiratis : l’envoi d’une sonde sans pilote dans l’orbite de Mars en 2021, dans le cadre d’une mission baptisée « al-Amal » (« espoir » en...

commentaires (5)

Mabrouk aux Emirats et à leur peuple! Bonne continuation et inchallah d'un succès à l'autre. Les visionnaires de ce monde seront récompensés d'une façon ou d'une autre!

Wlek Sanferlou

14 h 23, le 15 février 2021

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Commentaires (5)

  • Mabrouk aux Emirats et à leur peuple! Bonne continuation et inchallah d'un succès à l'autre. Les visionnaires de ce monde seront récompensés d'une façon ou d'une autre!

    Wlek Sanferlou

    14 h 23, le 15 février 2021

  • Vous êtes quand même tous des ingrats envers le gouvernement libanais. Sachez que dans les années 60, alors que les émiratis en étaient encore à élever des chèvres dans le désert, l’agence spatiale libanaise avait déjà lancé le projet d’envoyer une sonde sur mars. Même les USA, sous l’impulsion de John Kennedy, avaient limité leurs ambitions à la lune. Or, toutes les pré-études ont été unanimes: il n’y avait encore rien à voler sur mars. Et le projet fut donc abandonné...

    Gros Gnon

    14 h 06, le 15 février 2021

  • Mais les Emirats sont un pays d'étranngers , la population autochtone est absente ! ou du mois exigue ! Ce sont les puissances occidentales qui en profitent

    Chucri Abboud

    12 h 46, le 15 février 2021

  • Bravo et mille bravos. D'un simple désert en 1980, ces responsables ont transformé leur désert en bijou mondial et aujourd'hui interplanétaire. Au liban, les nôtres qui ne valent pas une vieille semelle de chaussures, ils ont réussi à transformer le bijour qu'était le liban en désert, en faillite, corrompu, pourri et sans aucun avenir même pas de présent d'ailleurs. TFEH à tous ces responsables: Je ne sais pas comment ils se regardent dans la glace tous les matins. Même les pire mafieux ont eu des ampathies envers les membres de "leur famille mafieuse" que ce soit à l'époque d'Al capone ou ailleurs dans le monde. Au liban:Rien juste une indifférence totale. Une bombe semi atomique a explosé? Et comme si de rien n'était...Il ne faut s'attendre à rien de ces pourris. Merci pour la publication.

    LE FRANCOPHONE

    12 h 35, le 15 février 2021

  • Lorsqu'on compare les responsables emiriens aux notres on a de la peine et du degout. Alors qu'on avait tout pour developper notre pays nos ''responsables'' nous ont vole's et nous ont mene's a l'enfer. Qu'ils soient maudits !

    Goraieb Nada

    08 h 47, le 15 février 2021

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