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Politique - Décryptage

L’effet Biden au Liban : réévaluation de la politique US de « sanctions extrêmes »

Il est certain que le président américain Joe Biden a d’autres priorités que le dossier libanais, en raison notamment des dégâts causés par la politique controversée de son prédécesseur sur le plan interne. Mais selon des sources diplomatiques occidentales, il est tout aussi certain que des prémices de changement dans l’approche des dossiers internationaux se profilent déjà à l’horizon.

D’abord, au sein même de l’administration américaine, les rapports de forces avaient été bouleversés au profit de certains responsables selon leur degré de proximité avec Donald Trump. Par exemple, selon les mêmes sources, le secrétaire d’État adjoint David Hale avait été plus ou moins doublé par son collègue pour le Proche-Orient, David Schenker. Or, entre les deux hommes, les divergences dans les approches étaient visibles notamment au sujet du dossier libanais. David Hale avait notamment déclaré que l’administration américaine a coopéré avec des gouvernements libanais dans lesquels le Hezbollah était représenté, alors que David Schenker, lui, était partisan d’une politique plus ferme à l’égard du parti chiite et du Liban en général. Les sources diplomatiques précitées sont catégoriques, l’objectif ultime est le même : affaiblir l’Iran et ses alliés (ou instruments) dans la région pour notamment protéger Israël. Mais la méthode adoptée pour l’atteindre pourrait probablement changer.

Selon les sources diplomatiques occidentales, les services concernés au sein du département d’État américain s’emploieraient actuellement à évaluer les résultats de la politique adoptée au cours des dernières années, selon les directives de ceux qu’on appelle « les faucons de la Maison-Blanche », comme David Schenker et d’autres. D’ailleurs, l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea serait déjà à Washington pour suivre les derniers développements à ce sujet.

Selon ces sources, il s’agirait principalement de mesurer l’efficacité de la politique de sanctions maximales imposée par la précédente administration américaine au Liban, dans le but de monter la population contre le Hezbollah, défaire l’alliance entre cette formation et le Courant patriotique libre et isoler ainsi le parti pro-iranien sur les plans politique et populaire, en vue de l’affaiblir et d’annuler l’influence qu’il exerce sur l’État libanais.

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À ce sujet, il faut préciser que des rapports contradictoires seraient en train de parvenir aux départements américains concernés par ce sujet. Selon un premier point de vue, la politique des sanctions extrêmes serait en passe d’atteindre ses objectifs. La population libanaise est de plus en plus remontée contre le Hezbollah et un nombre grandissant de parties font assumer à ce dernier la responsabilité de la crise actuelle et la détérioration sans précédent de la situation économique, sociale et financière du pays. Même la base du CPL serait de plus en plus hostile au Hezbollah et les divergences entre les deux formations deviennent plus aiguës et apparentes. Les deux parties ne prennent même plus la peine de les dissimuler. Le mandat du chef de l’État Michel Aoun, allié du Hezbollah, est en train de couler et il devient de plus en plus difficile de le sauver. La politique américaine serait donc sur le point d’atteindre ses objectifs et par conséquent, il serait dommage de la modifier alors qu’elle est si proche du but.

Face à cette évaluation, il y en a une autre totalement opposée. Selon cette dernière, la politique américaine de sanctions extrêmes est en train de détruire le Liban et d’y susciter un chaos sans précédent ne profitant qu’au Hezbollah, qui reste la formation la plus structurée et cohérente du pays. Les pressions économiques ont ainsi essentiellement nui au secteur bancaire, qui a largement coopéré avec le système de sanctions américaines et qui est traditionnellement proche des États-Unis. Elles ont aussi atteint les alliés traditionnels de Washington au Liban, beaucoup plus que leurs adversaires. Enfin, les sanctions contre le chef du CPL, Gebran Bassil, ont rapproché ce dernier du parti chiite au lieu de le pousser à défaire son alliance avec cette formation. De la même façon, les sanctions contre l’ancien ministre Ali Hassan Khalil ont poussé le président de la Chambre à durcir ses positions dans les dossiers internes et celui des négociations pour le tracé des frontières maritimes.

Toujours selon cette même évaluation, des questions sont posées sur l’efficacité de la politique de sanctions extrêmes qui touche finalement tous ceux qui vivent sur le territoire libanais, notamment les réfugiés syriens, dont un nombre grandissant songe désormais à rentrer en Syrie ou à se rendre en Europe, privant ainsi les adversaires du régime de Damas et du Hezbollah d’une carte importante, tout en créant un nouveau problème pour les Européens. Selon cette évaluation des effets des sanctions américaines, le Hezbollah est le moins atteint de toutes les composantes libanaises et des institutions officielles.

Cette approche semble corroborée par des informations précises sur la situation au sein même du Hezbollah, selon lesquelles ce dernier continue à payer près de 60 000 salaires mensuels qui varient entre 400 et 2 000 dollars, ou leur équivalent en monnaie locale, en espèces. Il a ouvert des coopératives pour la vente à bas prix de produits alimentaires dans les régions à majorité populaire chiite (Békaa, Sud et banlieue sud). Il dispose de dispensaires offrant des médicaments génériques à tous ceux qui le désirent, au cas où l’État supprimerait les subventions sur les médicaments, et il est paré en matière de mazout et d’essence, si les prix de ces produits devaient s’envoler.

Au sein des services concernés du département d’État américain, les discussions devraient donc se poursuivre et être approfondies. Mais déjà, il est question de relancer un projet de loi présenté par la sénatrice démocrate Jane Shaheen pour que le Liban soit exclu des effets du Caesar Act sur la Syrie. Ce projet avait été gelé par l’administration Trump, mais maintenant que les démocrates ont la majorité au Sénat, il devrait être soumis au vote dans les plus brefs délais…

Il est certain que le président américain Joe Biden a d’autres priorités que le dossier libanais, en raison notamment des dégâts causés par la politique controversée de son prédécesseur sur le plan interne. Mais selon des sources diplomatiques occidentales, il est tout aussi certain que des prémices de changement dans l’approche des dossiers internationaux se profilent déjà à...

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Ou il trouve l'agent Hassouna? La drogue ?

Eleni Caridopoulou

20 h 25, le 22 janvier 2021

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Commentaires (5)

  • Ou il trouve l'agent Hassouna? La drogue ?

    Eleni Caridopoulou

    20 h 25, le 22 janvier 2021

  • Selon une opinion citée par Mme Haddad: " Enfin, les sanctions contre le chef du CPL, Gebran Bassil, ont rapproché ce dernier du parti chiite au lieu de le pousser à défaire son alliance avec cette formation." C'est une analyse qui ne se tient pas parceque les sanctions contre bassil ont peut-être sauvé le Liban de sa possible élection à la présidence, voulue par lui et son mentor. Son alliance avec le hezb est, était et restera solide. les fondements de son alliance avec le hezb. est basée sur "l'équation" suivante; les aounistes couvrent la milice et ses armes, en contrepartie de son soutien à leur accession au pouvoir, ,sanctions ou pas sanctions...

    DJACK

    17 h 13, le 22 janvier 2021

  • Les sanctions libanaises sont une grande reussite .....tous les arguments a son encontre sont faux.....le HEZB n a jamais ete aussi affaibli......il faut esperer que BIDEN continue la meme politique de pression maximale.......

    HABIBI FRANCAIS

    11 h 03, le 22 janvier 2021

  • Cette analyse qui ne fait que relater les faits vus des deux bord idéologiquement opposés. Cependant ceux qui prétendent que les sanctions n'ont pas porté leur fruits se trompent puisque'ils ne prennent pas en considération le fait que les Arabes ne considèrent plus Israël comme un ennemi mais un allié, tout comme ils ferment les yeux sur le fait que la Syrie cherche a les rejoindre dans la nouvelle équation qui s'est créée même si elle le dément ou le nie. Pour finir, tout le monde sait que le CPL n'est plus que l'ombre de lui même et que si Aoun et GB font la gaffe de se jeter complètement dans les bras du Hezbollah, ils seront littéralement finis politiquement et de toute manière leur parti ne représente plus grand chose ...

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 12, le 22 janvier 2021

  • Ce ne sont pas les sanctions americaines qui ont fait le malheur des Libanais, mais bien le système politico-mafieux local, et a sa tete la milice armee qui le protege. Ce sont tous les ‘dirigeants’ de tout bord, qui ont pille nos ressources. A tel point que toute sanction, d’où qu’elle vienne est justifiee.

    Goraieb Nada

    08 h 33, le 22 janvier 2021

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