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Lifestyle - La Mode

Krikor Jabotian en mode Renaissance, littéralement

Comme un obsédé, ou simplement comme un amoureux, Krikor Jabotian multiplie les incursions dans cette ère grand écart entre le classicisme gréco-romain et une nouvelle révolution intellectuelle qu’est le Rinascimento. Il y puise de quoi nourrir un romantisme qui n’appartient qu’à lui, tout de drapés vaporeux et de nuages ineffables.


Krikor Jabotian en mode Renaissance, littéralement

La nouvelle collection Krikor Jabotian, « Chapitre VII ». Photo DR

Encore un qui a vu détruit, ce tragique 4 août, l’ouvrage de sa vie. Mais chez les créateurs, tant que l’inspiration est intacte, rien n’est jamais perdu. À un mur du studio de Krikor Jabotian est encore appuyée une toile de fond commissionnée à l’artiste Shafa Ghaddar, un ciel vertical comme tombé d’une œuvre de Botticelli, destiné à envelopper les modèles de la nouvelle collection, à les aspirer dans sa saison onirique. La toile est scarifiée comme tout l’est depuis la double explosion au port de Beyrouth. Mais la collection est prête, et le ciel restera tel quel, avec le sombre éclair qui le déchire, parce qu’il faut accepter que les choses aient leurs blessures et leurs cicatrices, et que la vie continue. Ce ciel, à lui seul un voyage dans le temps, sert de décor et de fond romanesque au tournage et à la documentation photographique que le créateur appelle son « VIIe chapitre ».

La nouvelle collection Krikor Jabotian, « Chapitre VII ». Photo DR

Né dans une famille de joailliers, Krikor Jabotian, s’il a toujours été emporté par son imagination dans une réalité parallèle, n’est pas de ceux qu’une fascination précoce pour la mode a projetés corps et âme dans cette industrie. Son sens esthétique le poussait plutôt à s’intéresser aux détails, aux textures, aux palettes, aux silhouettes, et le dessin a été son premier exutoire quand il se sentait trop à l’étroit dans la marge où le coinçait son sentiment de différence. Et puis finalement, oui, habiller les femmes, c’était une façon de peupler à sa manière tous les paysages qui se superposaient en lui au réel.

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Une petite sœur à portée de main pour faire ses expériences et ses essayages, il se détourne de l’atelier paternel pour se lancer dans une formation à Esmod Beyrouth après laquelle tout s’enchaîne très vite. Il est engagé comme stagiaire chez Élie Saab où il découvre, émerveillé, la broderie comme un des beaux-arts. Découvert par l’incubateur Starch, il complète son initiation sous le regard des fondateurs de cette pépinière, les deux mentors avisés que sont Tala Hajjar et Rabih Kayrouz. Au bout de ce tremplin, il n’y a plus qu’à sauter, ce qu’il fait dix mois plus tard, fondant sa propre marque à seulement 23 ans et engageant toute sa famille dans l’aventure.

La nouvelle collection Krikor Jabotian, « Chapitre VII ». Photo DR

Des chapitres

Depuis lors, le nom de Krikor Jabotian se décline discrètement dans les coulisses non seulement de la nouvelle couture libanaise, mais aussi dans celles des salles de spectacle où il se plaît à habiller les artistes qu’il aime, notamment le danseur Alexandre Paulikevitch qui fait des grandes voiles ses partenaires et les anime comme personne. On l’aura compris, les vestiaires de Jabotian sont des récits déguisés en robes. C’est la raison pour laquelle il décline ses collections en chapitres. Dans cette histoire qu’il raconte depuis près de dix ans entre soies et brocards, volumes inédits et euphorie permanente, nous voilà cette saison au « Chapitre VII », somptueux épisode s’il en est, tout de pastels plissés, drapés Renaissance, mangés de fleurs sauvages et de volumes aussi surdimensionnés que légers, comme gonflés par un souffle et parfois enflammés d’un rouge inquiétant comme une vanité. La nouveauté dans cette collection dont les détails ont été affinés dans les meilleurs ateliers romains est l’introduction de bijoux couture, parures de tête, boucles d’oreilles ou colliers, tous déclinés sur le thème floral et apportant un contrepoint théâtral à l’ensemble.

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« Il me fallait répondre à la vague de changements radicaux soulevée par la pandémie », souligne le créateur qui vit au Liban et de ce fait vit la crise sur le mode le plus aigu. Son « Chapitre VII » était prévu pour le printemps-été 2021, mais il a renoncé aux saisons artificielles de la mode, ne se pliant plus qu’au rythme de son inspiration et au temps nécessaire de l’incubation et de la réalisation d’une œuvre. Se retirant des fashion weeks, le voilà libéré de toute contrainte. Lauréat 2019 du prix Fashion Trust Arabia dans la catégorie tenue de soirée, il célèbre sa propre renaissance à travers son hommage la Renaissance italienne en livrant une collection optimiste et n’aspire plus, avec le temps, comme il l’a toujours affirmé, qu’à « devenir une version améliorée de (lui)-même ».

Encore un qui a vu détruit, ce tragique 4 août, l’ouvrage de sa vie. Mais chez les créateurs, tant que l’inspiration est intacte, rien n’est jamais perdu. À un mur du studio de Krikor Jabotian est encore appuyée une toile de fond commissionnée à l’artiste Shafa Ghaddar, un ciel vertical comme tombé d’une œuvre de Botticelli, destiné à envelopper les modèles de la nouvelle...

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