Le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a lancé mardi une initiative politique pour accélérer la formation du nouveau gouvernement alors que les tractations sont au point mort depuis quasiment un mois en raison des tensions entre le chef de l'Etat, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri. Dans ce cadre, M. Diab a effectué une tournée auprès du leader du courant du Futur, du président de la Chambre, Nabih Berry, et du président Aoun, afin de trouver des manières "d'arrondir les angles" pour que soit rapidement mise sur pied l'équipe ministérielle de M. Hariri.
Le Liban est sans gouvernement depuis la démission de Hassane Diab en août, dans la foulée de la double explosion du port de Beyrouth. Saad Hariri avait été désigné le 22 octobre et a tenu depuis une série de réunions avec le chef de l'Etat. Leurs efforts se sont toutefois rapidement embourbés en raison de tensions concernant la distribution des portefeuilles et la nomination des ministrables, et les relations entre les deux hommes se sont envenimées après de nombreuses polémiques alimentées par leur formation politique. M. Diab a dès lors lancé "une initiative pour réunir M. Hariri et le président Aoun et faire en sorte qu'ils passent outre l'affaire de la vidéo fuitée", rapporte notre correspondant politique Mounir Rabih. Il fait référence aux extraits d'une vidéo diffusée la semaine dernière dans les médias et sur les réseaux sociaux et dans laquelle le chef de l'Etat confiait à M. Diab que Saad Hariri était "un menteur" et qu'il ne lui avait jamais remis de mouture gouvernementale. Avec son initiative, le Premier ministre démissionnaire souhaite donc accélérer la formation du cabinet et ce, selon notre correspondant, pour trois raisons : il souhaite premièrement montrer par là qu'il ne tient pas à rester à la tête d'un gouvernement chargé des affaires courantes jusqu'à la fin du mandat Aoun (en 2022), comme le rapportaient certains observateurs ces dernières semaines. Deuxièmement, M. Diab souhaite que le cabinet Hariri soit formé pour éviter d'avoir à assumer la totale responsabilité des crises économique et sociale qui secouent le pays depuis plus d'un an. Enfin, il a décidé de lancer cette initiative alors que des informations faisaient état d'une médiation qui serait lancée par le Hezbollah dans le courant de cette semaine, après l’entrée en fonction du nouveau président américain Joe Biden le 20 janvier. C'est dans ce cadre que le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, et le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, ont également pris des dispositions pour relancer leurs contacts dans le dossier gouvernemental, ajoute Mounir Rabih.
"Arrondir les angles"
Dans cette perspective, M. Diab a été reçu tour à tour à la Maison du Centre, à Aïn el-Tiné et à Baabda, pour une tournée qui marque également l'anniversaire de son cabinet. S'exprimant depuis la Maison du Centre, Hassane Diab a affirmé qu'au cours des douze mois depuis la formation de son gouvernement, le Liban a fait face à "plus de crises qu'il n'en avait connues pendant les douze dernières années". "Nous nous sommes mis d'accord avec Saad Hariri sur la nécessité de former un cabinet le plus rapidement possible, afin de résoudre les crises successives qui impactent négativement le pays", a-t-il ajouté, appelant toutes les parties concernées à "construire sur la base des points positifs" enregistrés. Après avoir été reçu par le président du Parlement, Nabih Berry, M. Diab a souligné que le chef du Législatif s'est dit "prêt à aider" le processus gouvernemental, "comme il l'a toujours fait", pour aplanir les "quelques obstacles restants". Il a souligné que la mise sur pied du cabinet était "une nécessité nationale, pour résoudre les nombreux problèmes dont souffrent les Libanais dans la vie de tous les jours, et qui sont devenus des priorités". Il a souligné qu'avec M. Berry, ils souhaitent aider à la formation du cabinet, appelant à "arrondir les angles". Depuis Baabda, Hassane Diab a dit avoir perçu que le chef de l'Etat est "prêt à relancer le processus de formation", une volonté qu'il a affirmé avoir également décelée chez ses deux interlocuteurs précédents. "Une réunion aura lieu entre MM. Aoun et Hariri je l'espère prochainement, au moment qu'ils jugeront opportun", a-t-il affirmé, soulignant qu'une telle entrevue devrait permettre d'"arriver à une solution adéquate".
Dans le cadre des contacts entrepris pour tenter de débloquer la crise, Anouar el-Khalil, député druze au sein du groupe parlementaire de Nabih Berry, a entrepris une visite à Bkerké. "Nous avons effectué un tour d'horizon complet et j'ai ressenti les efforts constants menés par le patriarche dans l'espoir de la mise sur pied d'un gouvernement capable de sauver le Liban", a-t-il déclaré, à l'issue de son entretien avec le prélat. "Nous partageons son opinion sur la nécessité de former un gouvernement de mission et de sauvetage afin que celui-ci assume ses responsabilités dans la situation dangereuse que connaît le Liban", a-t-il ajouté. Et le député de conclure : "Il incombe à tous les responsables de faire des efforts pour atteindre l'objectif souhaité, (...) quels qu'en soient les sacrifices".
Relancer le dialogue national ?
Selon Mounir Rabih, une reprise des contacts entre Michel Aoun et Saad Hariri ne signifierait toutefois pas que le cabinet serait rapidement formé. L'Arabie saoudite refuse notamment que le Hezbollah, allié de l'Iran, fasse partie du futur cabinet, mais des observateurs estimaient que les tractations devraient se débloquer avec l'investiture de Joe Biden mercredi et une éventuelle relance des négociations entre Washington et Téhéran. Notre correspondant cite dans ce cadre le tweet écrit plus tôt dans la journée par le coordinateur spécial des Nations unies pour le Liban, Jan Kubis. "La nouvelle administration à Washington va-t-elle enfin pousser les partis à créer un nouveau gouvernement dirigé par Saad Hariri ? Un nouveau gouvernement ne veut pas automatiquement dire la fin de la crise, mais son absence ne fait qu'aggraver l'effondrement et la souffrance du peuple", a écrit le diplomate. M. Rabih souligne que ces propos interviennent alors que des informations font état d'une possibilité de relancer le dialogue national pour remettre sur la table plusieurs questions, outre la crise du gouvernement : le plan économique et les perspectives financières du Liban, la stratégie de défense, la démarcation des frontières avec Israël, autant de dossiers susceptibles de créer de nouvelles tensions entre les différentes parties.
"La visite du Premier ministre (démissionnaire) Hassane Diab chez le Premier ministre désigné Saad Hariri est un pas fort, courageux et positif qui peut aider à surmonter l'impasse actuelle du processus de formation du gouvernement", a plus tard réagi Jan Kubis sur son compte Twitter. "J'espère que d'autres pas et gestes de sagesse suivront rapidement pour le salut du Liban et de son peuple", a-t-il ajouté.
En plus de la crise politique, le Liban s'enfonce depuis plus d'un an dans la pire crise économique et financière de son histoire, aggravée par la pandémie de coronavirus et les explosions du 4 août. Cette crise est marquée par une inflation galopante qui a poussé plus de la moitié des Libanais sous le seuil de pauvreté.
commentaires (5)
Diab a enfin compris que le poste de PM qu’on lui a offert n’était que pour se décharger de toutes responsabilités et lui coller sur le dos tous leurs forfaits et crimes pour lui faire payer le prix de son inexpérience en matière de roublardises. Après l’affaire du port viendrait le procès de la négligence et de la mauvaise gestion sanitaire qui aurait coûté des milliers de morts et c’est Bibi qui va trinquer. A sa place je renoncerait à ce poste illico et je les laisserait se dépatouiller tous seuls dans leur mouise sans gouvernement ni gouverneur.
Sissi zayyat
11 h 33, le 20 janvier 2021