Le Parlement libanais, réuni vendredi au palais de l'Unesco, a adopté une loi autorisant l'importation des vaccins anti-Covid-19, que le Liban, en proie à une recrudescence de la pandémie et une saturation des hôpitaux, attend encore alors que plusieurs pays de la région ont déjà entamé des campagnes de vaccination massive.
Les sociétés qui produisent ces vaccins attendaient qu'une telle loi, qui les dédouane de toute responsabilité en cas d'effets secondaires, soit adoptée avant d’exporter les vaccins au pays du Cèdre, lequel a déjà payé un acompte à Pfizer-BioNTech et a promis aux citoyens l'arrivée du vaccin avant la mi-février. Pendant cette utilisation d'urgence des vaccins, la responsabilité de tout dommage éventuel devra être assumée par l'Etat.
Dans ce contexte, le président de la commission parlementaire de la Santé, le Dr Assem Araji, a présenté les différents volets de cette proposition de loi, avec les amendements apportés en commission. "Ce texte protège les industries pharmaceutiques pour une période de deux ans, en attendant le brevet définitif", a expliqué le député, ajoutant qu'il dédouane aussi de leur responsabilité les importateurs du vaccin et le personnel soignant qui l'administre. La loi vise aussi à créer un comité d'évaluation des effets secondaires et de leur potentiel dédommagement. Enfin, "la proposition préconise la création au sein du ministère des Finances d’une caisse d’indemnisation des personnes vaccinées ayant subi des dommages importants", a affirmé M. Araji. Dans une déclaration après la séance, M. Araji a affirmé que le secteur privé pourra importer les vaccins et que le vaccin AstraZeneca arrivera en mars au Liban.
"Le ministère de la Santé a formé un comité spécialisé pour gérer ce dossier sous la direction du Dr Abdel-Rahman el-Bizri, chargé d'élaborer une stratégie globale de vaccination", a-t-il a indiqué vendredi dans un entretien avec le site d'information el-Nachra. Il a nié que "la priorité soit la vaccination des politiciens", suite à des rumeurs de favoritisme qui circulaient, et assuré vouloir "fixer des priorités selon les normes internationales". Dans ce contexte, le député Georges Adwane, affilié aux Forces libanaises, a essayé d’atténuer les appréhensions quant à une distribution non équitable du vaccin. "Le vaccin sera distribué via une plateforme électronique. Chacun devra y indiquer son âge, son état de santé et sa profession. La distribution se fera en toute transparence", a-t-il affirmé à l'issue de la séance. "L'arrivée du vaccin ne signifie pas la fin de la pandémie", a toutefois averti le chef de la Commission parlementaire de la santé dans un entretien avec le site el-Nachra. "Nous pourrions attendre la fin de l'année 2021 pour atteindre l'immunité de groupe", a-t-il estimé.
Lumière au bout du tunnel
Des propos auxquels ont fait écho les tweets du directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, le docteur Firas Abiad, qui s'est montré prudent. "Avec les vaccins, il y a une lumière au bout du tunnel. L'atteindre ne sera pas chose facile", a estimé le médecin sur Twitter. "La vaccination sera un défi. Elle doit être bien effectuée. La présentation par la commission nationale était prometteuse mais la clé est l'exécution (de ce plan)", a-t-il nuancé.
Pour sa part, le député Ibrahim Kanaan, chef de la Commission parlementaire des finances, a souligné dans un tweet vendredi matin que "dans la loi, il n'y a pas de monopole pour Pfizer ou d'autres sociétés productrices des vaccins contre la pandémie de coronavirus. Le gouvernement est tenu de prendre les mesures nécessaires pour fournir les vaccins approuvés internationalement au citoyen libanais". Au cours de la séance, M. Kanaan a à nouveau interrogé le gouvernement sur les raisons pour lesquelles des négociations n'avaient pas encore été entamées avec toutes les entreprises produisant des vaccins.
L'adoption de cette loi a été saluée par le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, qui s'est fendu d'un tweet, le premier depuis son hospitalisation pour coronavirus mercredi : "je remercie le président du Parlement, les membres de la commission parlementaire de la Santé et la Chambre d'avoir approuvé cette loi qui sécurise les progrès scientifiques pour les Libanais, malgré les circonstances complexes". Le ministre est traité à l'hôpital Saint-Georges à Hadath dans la banlieue de Beyrouth. Son fils, atteint du Covid-19, y est aussi hospitalisé.
Par ailleurs, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, et le chef de l'Etat, Michel Aoun, ont signé un décret transférant 26.432.000 livres libanaises au budget du ministère de la Santé pour payer le deuxième versement du contrat avec la plateforme Covax, un mécanisme mis en place par l'Organisation mondiale de la santé pour distribuer des vaccins aux pays défavorisés.
La Chambre a en outre adopté une loi qui accorde un délai supplémentaire aux responsables du secteur public, jusqu'à la fin du mois de mars, pour déclarer leur patrimoine. Ces déclarations de patrimoine doivent être effectuées dans le cadre de la loi sur la lutte contre la corruption, elle-même entérinée en octobre dernier.
commentaires (6)
"... Le ministre est traité à l'hôpital Saint-Georges à Hadath dans la banlieue de Beyrouth. Son fils, atteint du Covid-19, y est aussi hospitalisé. ..." - je croyais qu’il n’y avait plus de places dans le hôpitaux? S’il avait la moindre décence il laisserait sa place à un citoyen lambda plus atteint que lui. Après tout, il est responsable du relâchement de fin d’année qui a conduit au pic actuel...
Gros Gnon
20 h 29, le 15 janvier 2021