Rechercher
Rechercher

Culture - Portrait

Kassem Istanbouli, une voix qui refuse de se taire

Sacré, en novembre dernier, meilleure personnalité théâtrale arabe au festival de Charm el-Cheikh (Égypte), le fils de Tyr se bat pour une seule cause : l’art et la culture.

Kassem Istanbouli, une voix qui refuse de se taire

Kassem Istanbouli se bat pour décentraliser l’art de la capitale libanaise. Photo DR

Ce n’est pas parce qu’il a organisé un festival, ni parce qu’il a mis en scène une pièce de théâtre, ni même parce qu’il a joué dans un film que Kassem Istanbouli a reçu, devant un large public à Charm el-Cheikh (Égypte) en novembre 2020, le prix prestigieux de la Meilleure personnalité théâtrale arabe, mais plus globalement pour son projet de vie auquel il est parvenu enfin à donner forme et pour sa démarche artistique unique en son genre, visionnaire et sociale.

Ce jeune homme à l’allure débonnaire, les cheveux et la barbe en bataille et qui semble ne rien craindre, a brisé tous les préjugés et les limites pour enfin réaliser son rêve avec une poignée de jeunes audacieux qui croient fermement à la fonction guérisseuse et rassembleuse de l’art, « seule valeur fondamentale dans ce pays pour laquelle cela vaut la peine d’engager un combat », dit-il. « J’ai réussi, ajoute Istanbouli, bien sûr en surmontant nombre de défis et difficultés, à décentraliser l’art de Beyrouth, à persuader les habitants de la région qu’on peut opérer un changement au Sud et que la culture et l’art ne sont pas uniquement l’apanage de la capitale libanaise, ni des régions riches. J’ai ainsi rapporté l’art de la bourgeoisie au peuple et l’ai rendu accessible à tout le monde étant donné que notre théâtre est gratuit. De plus, le point important dans notre projet, c’est que nous sommes libres puisque nous comptons simplement sur les donations et que nous ne permettons à aucun parti politique ou religieux d’avoir de l’emprise sur nous. » 

Kassem Istanbouli a été nommé Meilleure personnalité théâtrale arabe au festival de Charm el-Cheikh (Égypte) en novembre 2020. Photo DR

Un combat continu pour l’art

Le grand-père de Kassem Istanbouli était hakawati à Tyr. Quant à son père, il rêvait, alors que son fils poursuivait des études scéniques à l’Université libanaise, d’avoir une salle de cinéma à Tyr. Kassem Istanbouli, libanais d’origine palestinienne, n’a qu’une idée en tête, suivre les pas de ses parents et partager l’art, langue universelle d’amour, avec tout le monde. « C’est l’art qui nous rapproche, nous réunit et donne de la douceur à la vie. » En 2008, il a fondé la troupe de théâtre Istanbouli et monté des spectacles de rue « qui ont voyagé par la suite à Genève, en Espagne ainsi que dans le reste de l’Europe et qui ont été mondialement reconnus ». En 2014, il ouvre un petit théâtre de 40 sièges à Tyr. « J’ai commencé à faire des représentations à caractère social et toujours tirées de la réalité libanaise et rassemblé autour de moi des jeunes issus de tout le tissu social, sans exception. Nous avions parallèlement fondé l’association Tiro pour les arts et nous nous sommes mis à restaurer des cinémas. Le cinéma Hamra est devenu un écrin culturel pour les pièces de théâtre, les ateliers de travail ou les projections de films. » Mais deux ans après la restauration de la salle, le propriétaire refuse de renouveler le contrat et la troupe se retrouve à la rue. Qu’à cela ne tienne. Déterminé et volontaire, Istanbouli et son équipe, qui s’est agrandie, se remettent au travail et restaurent une autre salle, Stars, à Nabatiyé. « Les manifestations artistiques sont devenues des événements sociaux, artistiques qui faisaient venir, en outre, les touristes. Mais à mon grand regret, cette salle subira le même sort que la première, le propriétaire refusant de prolonger le contrat ou même de la vendre », confie l’artiste.

Rien ne l’arrête

Étrangement, Kassem Istanbouli apprend par la suite que la salle de Nabatiyé a été vendue à un tiers. « Jusqu’à présent, les deux salles sont fermées et inutilisées. Pourquoi ? Comment et par qui ? Je n’ai jamais jugé personne... Si les gens n’ont pas de “maison” accueillant les activités artistiques, comment peuvent-ils avoir accès à la culture ? Ce sont plutôt les partis qui veulent garder leur public dans l’ignorance et qui sont responsables de leur inculture. Or notre association Tiro, fondée en 2014, est devenue comme une maison, une grande famille. Et si notre voix ne comptait pas ou ne les inquiétait pas, ils n’auraient pas cherché à nous faire taire. »

Actuellement, et après sa restauration, le cinéma Rivoli à Tyr accueille ce théâtre populaire et gratuit. « Notre projet est un projet de combat pour la culture. Nous avons comme objectif d’ouvrir à Tripoli un théâtre populaire pour construire une passerelle entre le nord et le sud du pays. » Et de poursuivre : « En pleine pandémie du coronavirus, on continue, on persévère tout en prenant des précautions bien sûr. C’est la victoire du rêve et de l’espoir. Nous savons que notre public n’a pas d’autre endroit pour aller au théâtre et qu’il est assoiffé de connaissances. »

D’ailleurs, le Rivoli de Tyr a projeté récemment, en collaboration avec l’association Metropolis, des films libanais, notamment 1982, de Oualid Mouaness. Il a également offert des formations théâtrales à des jeunes qui sont maintenant aptes à suivre leurs études scéniques dans les universités. « Notre théâtre est devenu une grande famille à laquelle ont adhéré des volontaires d’ici mais aussi d’Espagne, d’Irak et d’autres pays encore. » C’est ce qui a fait dire à Kassem Istanbouli lors de son allocution à Charm el-Cheikh : « Nous sommes condamnés à l’espoir et accrochés à l’amour, pour donner de la joie aux autres. »

Ce n’est pas parce qu’il a organisé un festival, ni parce qu’il a mis en scène une pièce de théâtre, ni même parce qu’il a joué dans un film que Kassem Istanbouli a reçu, devant un large public à Charm el-Cheikh (Égypte) en novembre 2020, le prix prestigieux de la Meilleure personnalité théâtrale arabe, mais plus globalement pour son projet de vie auquel il est parvenu enfin...

commentaires (1)

I have missed this story when it was first published. Kudos to Mr. Istambouli, an avant-garde man, for his pioneering initiative.

Mireille Kang

00 h 29, le 21 août 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • I have missed this story when it was first published. Kudos to Mr. Istambouli, an avant-garde man, for his pioneering initiative.

    Mireille Kang

    00 h 29, le 21 août 2022

Retour en haut