Alors que le nombre de contaminations quotidiennes au coronavirus ne cesse d'augmenter de manière dangereuse en atteignant de nouveaux records après les fêtes de fin d'année et que les unités de soins intensifs sont presque saturées, le Liban s'apprête à entamer un troisième confinement, plus long que les précédents. Le pays a enregistré 2.520 nouveaux cas positifs au Covid-19 et 10 décès au cours des dernières 24 heures, selon le bilan publié samedi par le ministère de la Santé.
Le Comité national de lutte contre le Covid-19 s'est réuni dans la journée, recommandant aux autorités un nouveau confinement du pays pendant au moins trois semaines, a indiqué à l'AFP Petra Khoury, présidente de cette commission et conseillère du Premier ministre sortant, Hassane Diab, pour les affaires de santé. La commission parlementaire de la Santé a également exhorté les autorités à prendre la même mesure. La commission ministérielle pour le coronavirus, présidée par le Premier ministre sortant, Hassane Diab, doit pour sa part se réunir lundi à 10h afin de prendre les décisions relatives au reconfinement. Selon les informations de notre correspondante Hoda Chedid, le reconfinement pourrait être décrété à partir du 7 janvier, au lendemain du Noël arménien.
Dans ce contexte, le ministre sortant de l'Éducation, Tarek Majzoub, a annoncé qu'il n'y aura pas d'enseignement en présentiel les 7, 8 et 9 janvier. L'enseignement à distance sera adopté "pour protéger la santé des élèves et des enseignants (...)", a-t-il indiqué. "Si un reconfinement généralisé est adopté, les écoles n'en seront pas exemptées", a-t-il fait savoir.
Plusieurs confinements ont été décrétés dans le pays depuis février 2020, dont le dernier en date en novembre. Mais les restrictions ont ensuite été largement assouplies donnant lieu à une hausse sensible des infections durant la période des fêtes. Mercredi, plus de 3.500 nouveaux cas ont été enregistrés, un pic quotidien. Au total, 186.408 cas ont été recensés officiellement jusqu'à présent, dont 1.476 morts, sur une population de quelque six millions d'habitants, dont près de 1,5 million de réfugiés.
"Fêtes privées"
Samedi, le président du syndicat des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, a évoqué une situation "catastrophique. Les 50 hôpitaux privés du pays qui accueillent les patients atteints du Covid-19 sont "quasi saturés", a-t-il déclaré à l'AFP. Ces hôpitaux consacrent au total 850 lits aux patients contaminés, dont 300 aux soins intensifs, selon lui. "Les patients font la queue aux Urgences en attendant un lit", a-t-il ajouté.
D'après Petra Khoury, conseillère du Premier ministre sortant pour les affaires de santé, "les rassemblements et les fêtes privées organisées à domicile à Noël et au Nouvel An" ont largement contribué à l'accroissement des contaminations. "Ils représentent plus de 70% des cas positifs" ces derniers jours, a-t-elle confié à l'AFP. "Des travaux sont en cours pour augmenter le nombre de lits dans les hôpitaux. Le personnel médical est très fatigué, et beaucoup de soignants sont contaminés au Covid-19", a-t-elle indiqué, selon le site d'information El-Nachra. "Le problème c'est qu'une fois un patient aux soins intensifs, il y reste trois semaines, ce qui retarde l'admission de nouveaux malades. Et les unités des soins d'urgence dans les hôpitaux de Beyrouth sont saturés "à plus de 90%", a ajouté Mme Khoury à l'AFP.
Des propos auxquels ont fait écho ceux du député Araji. "Je m'attends à ce que le nombre de contaminations et le nombre de patients nécessitant des soins intensifs continuent d'augmenter dans les semaines à venir. Nous avons donc recommandé de boucler le pays pendant trois semaines", a affirmé le chef de la Commission parlementaire de la santé. "Le secteur de la santé est menacé, les citoyens doivent respecter les mesures nécessaires", a martelé M. Araji, dans des propos rapportés par la chaîne locale LBCI. "La situation est différente aujourd'hui. Il n'y a plus de lits vacants", a-t-il prévenu. "Plusieurs hôpitaux à Beyrouth nous ont demandé de ne pas transférer les patients chez eux. Nous les transportons donc vers des hôpitaux dans la Békaa (est) ou à Nabatiyé (sud)", a indiqué pour sa part à l'AFP le secrétaire général de la Croix-Rouge, Georges Kettaneh.
"La santé comme priorité"
"Le non-respect des procédures a accru le nombre de cas. En raison de l'insouciance générale, nous assisterons dans les prochains jours à une augmentation significative du nombre de contaminations à laquelle nous ne nous attendions pas", a prédit pour sa part le président de l'Ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, dans un entretien avec la LBCI. Selon lui, les tests PCR devraient être gratuits, dans un pays en crise économique comme le Liban. Hier, le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, a annoncé le passage de 150.000 à 100.000 livres libanaises pour les tests de dépistage PCR dans les hôpitaux publics. "Entre l'effondrement du système de santé et l'effondrement économique, je considère la santé comme la priorité, car l'effondrement économique peut être compensé plus tard", a-t-il encore affirmé, déplorant un "exode massif de médecins et de travailleurs qualifiés au moment où nous en avons besoin".
"Test sévère pour la résilience de notre système"
Des propos inquiétants auxquels ont fait écho ceux du directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri à Beyrouth, Firas Abiad. "La résilience de notre système de santé sera soumise à un test sévère dans les semaines à venir", a-t-il mis en garde. "Le plus important, ce sont les soignants. A cause de pressions accrues au travail, d'une diminution de leur pouvoir d'achat, du coronavirus, des incitations financières à partir travailler à l'étranger, les soignants sont épuisés. Sans soutien, ils s'effondreront", a averti M. Abiad. A la lumière de cette situation dramatique, il a réclamé l'accélération du paiement des frais d'hospitalisation, alors que les hôpitaux ont besoin d'équipements et de liquidités pour pouvoir faire face à la pandémie.
Pour sa part, le mohafez du Mont-Liban, Mohammad el-Makawi, a décidé de boucler les localités de Zaroun (Metn) et de Hammana (Baabda) pour une semaine. Le chef de la municipalité de Jezzine (Liban-Sud) a également fermé sa ville pour une semaine à partir de lundi.
Jeudi, le chef de l'État Michel Aoun avait signé le décret en vertu duquel l'état de mobilisation générale pour lutter contre le coronavirus est prolongé du 1er janvier 2021 au 31 mars de la même année. Dans le cadre de cette mobilisation, les autorités ont décidé, pendant les fêtes, d'alléger les mesures sanitaires. Le couvre-feu a été revu de 3h à 5h, au lieu de 23h30 à 5h. Les pubs et boîtes de nuit ont pu ainsi ouvrir leurs portes à certaines conditions. Bien que cet allégement ait pris fin hier, aucune nouvelle circulaire n'a encore été publiée par les autorités concernant les mesures qui devront être respectées. Outre la grave crise sanitaire, le Liban est plongé dans sa pire débâcle économique qui a provoqué un doublement du taux de pauvreté d'après l'ONU. Le pays doit recevoir en février sa première cargaison du vaccins.
commentaires (6)
Je remet la responsabilité a ce gouvernement incapable de prendre des mesures fermes, sachant que les hôpitaux n'ont plus de lits et que le corps medical est a bout de souffle. Non seulement cela mais nos bandits au pouvoir n'ont plus l'argent pour subventionner le système, il a été siphonné a l'etranger. Ils ont privilégié le commercial a la santé du pays, tout en sachant que le peuple, autant qu'eux, est indomptable et manque de responsabilité! En somme, bravo tout le monde!
CW
16 h 37, le 03 janvier 2021