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Nos Lecteurs ont la Parole

La théorie du bonheur de Dr Brickman

La théorie du bonheur prit son essor il y a plus de 40 ans grâce à une étude fondatrice s’intitulant « Lottery winners and accident victims : is happiness relative ? » ou en français : « Gagnants de loterie et victimes d’accidents : le bonheur est-il relatif ? » L’auteur principal de l’article était Dr Philip Brickman de l’Université de Northwestern.

Dans cette recherche, des personnes ayant affronté des épreuves différentes dans la vie furent interrogées. Les sujets de cette expérience furent classés en trois groupes distincts : (1) les gagnants de loterie ayant traversé une période d’euphorie ; (2) les victimes d’accidents paraplégiques ou tétraplégiques ayant traversé une période de traumatisme; et (3) les personnes neutres ayant traversé une période relativement stable sans chocs majeurs (ce qu’on appelle le groupe témoin). L’objectif était de savoir si des chocs externes et extrêmes pouvaient altérer durablement et inexorablement la sensation de bonheur chez l’être humain. Les conclusions empiriques de l’investigation furent stupéfiantes : après l’écoulement d’une certaine période, la sensation de bonheur n’était pas différente chez les trois groupes, du moins dans un sens statistiquement significatif. Il s’avère que les gagnants à une loterie verront leur ardeur éventuellement se refroidir après un certain laps de temps. De même, les victimes d’accidents graves verront leur souffrance s’atténuer par un processus d’adaptation et de résilience instinctive. En d’autres termes, les sujets ayant affronté des périodes turbulentes retrouveront éventuellement leur équilibre émotionnel naturel qui prévalait avant l’épreuve, fut-elle positive ou négative. Ce n’était donc qu’une question de temps. Ce mécanisme autorégulateur qui réduit l’impact affectif des événements émotionnels, connu sous le nom scientifique « d’adaptation hédonique », bouleversa profondément le domaine psychologique de l’épanouissement humain.

Nous pouvons déduire de cette recherche que notre société a tendance à surestimer l’influence des facteurs exogènes sur le bonheur comme, par exemple, l’opulence, le statut social ou la notoriété. De même, notre société a tendance à sous-estimer l’influence des facteurs intrinsèques sur le bonheur comme la prédisposition mentale d’une personne d’être heureuse ou malheureuse. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que certains individus semblent être relativement plus sereins et résilients que d’autres face aux difficultés. C’est pourquoi on entend souvent l’expression « le bonheur est dans la tête ».

De toute évidence, le bonheur est un phénomène éminemment complexe car ses caractéristiques se dissimulent dans les méandres profonds des structures nébuleuses et mystérieuses du tissu cérébral. Certaines molécules interviennent dans les réseaux de neurones et interagissent dans une cascade d’événements avec d’autres substances (comme les électrolytes, les acides aminés, les peptides, les hormones etc.) dans l’élaboration des états émotionnels. Dans certains cas extrêmes, certains sujets souffrent d’un malaise chronique que l’on pourrait décrire le mal de vivre. Quelles que soient les circonstances de leur vie, bonnes ou mauvaises, ces personnes sont prédestinées à être malheureuses.

C’est sous cet angle précis qu’il serait fascinant de se pencher sur la vie privée du Dr Philip Brickman, le fondateur de la théorie du bonheur. Ses collègues le décrivaient comme une éminence grise avec, de surcroît, une personnalité profondément humaine et chaleureuse. Peu après avoir publié son fameux article sur la théorie du bonheur, Dr Brickman quittait l’Université de Northwestern pour briguer le prestigieux poste de directeur de l’Institut de recherche sociale à l’Université du Michigan, un honneur exclusivement réservé aux académiciens hors pairs au sommet de leur notoriété. Était-il destiné à d’autres gloires dans cette entame de carrière fulgurante? Hélas, nous ne le saurons jamais. Le 13 mai 1982, à l’âge de 38 ans, il se hissa sur le toit d’un bâtiment élevé et se jeta fatalement dans le vide. C’était une chute spectaculaire de 26 étages, c’est-à-dire de plus de 80 mètres. L’ironie voulut que celui qui fut considéré par ses pairs comme la référence suprême de la psychologie du bonheur se donne tragiquement la mort pour cause de désespoir. Peut-être voulait-il exprimer crûment son profond désarroi de manière fracassante ? Peut-être voulait-il suggérer, de façon vivide, que même le psychologue le plus averti serait incapable de remédier à son propre mal de vivre ?

Des questions pertinentes qui marqueront les esprits durant des décennies à venir. Il reste à espérer que la neuroscience puisse un jour révéler les mystères de l’univers nébuleux qui caractérise le réseau neuronal. Cela prendra du temps. Nous sommes encore au stade de l’alchimie.

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La théorie du bonheur prit son essor il y a plus de 40 ans grâce à une étude fondatrice s’intitulant « Lottery winners and accident victims : is happiness relative ? » ou en français : « Gagnants de loterie et victimes d’accidents : le bonheur est-il relatif ? » L’auteur principal de l’article était Dr Philip Brickman de l’Université de...

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