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Société - Distinction / Dans nos archives

Hayat Mirshad, jeune féministe battante, fait la chasse aux stéréotypes et aux comportements machistes

La cofondatrice libanaise du collectif Fe-Male figure sur la liste BBC des 100 femmes les plus inspirantes et influentes du monde pour l’année 2020.
Hayat Mirshad, jeune féministe battante, fait la chasse aux stéréotypes et aux comportements machistes

Hayat Mirshad, mère et épouse. Photo fournie par Hayat Mirshad

(Suite à une convocation de la journaliste Hayat Mirshad devant les services de sécurité, une manifestation de soutien avait lieu le jeudi 1er juin devant le Palais de Justice. Nous vous proposons de relire son portrait, écrit en date du 25 novembre 2020.) 

Elle est féministe jusqu’au bout des ongles. Et le revendique fièrement dans sa vie quotidienne, ses tenues vestimentaires, ses discours enflammés et sans compromis pour la protection des femmes et des filles, son engagement acharné pour le changement et contre le machisme de la classe au pouvoir. Depuis hier, elle figure sur la liste BBC des 100 femmes les plus inspirantes et influentes du monde pour l’année 2020, auprès de l’icône de Hollywood Jane Fonda, de la musicienne béninoise Angélique Kidjo, de la femme politique finlandaise Sanna Marin, notamment. Une liste diffusée à l’occasion de la Journée mondiale pour l’élimination de la violence envers les femmes et les filles, ce 25 novembre, qui voit une recrudescence de la pauvreté et de la vulnérabilité féminine pour cause de Covid-19.

Hayat Mirshad, 32 ans, épouse et mère de deux enfants, milite depuis l’adolescence. Depuis qu’elle a pris conscience des injustices commises envers les femmes au Liban, dans leurs familles ou dans la société au nom d’une tradition patriarcale. Depuis qu’elle a réalisé avec impuissance que « les filles et les garçons ne sont pas éduqués sur un pied d’égalité ». Cette réalité attise d’abord sa curiosité. « Je n’avais que 12 ans », se souvient-elle. Elle commence par s’informer, suivre le parcours de grandes militantes, « comme celui de l’écrivaine égyptienne Nawal el-Saadawi ». Et puis elle se lance, pour réclamer dans un premier temps le droit de la Libanaise de transmettre sa nationalité à ses enfants nés de père étranger, via la campagne « Ma nationalité, un droit pour moi et pour ma famille ».

Contre les violences faites aux femmes

La jeune femme prend alors son envol. Enrôlée comme bénévole puis comme directrice de la communication auprès du Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL), elle fait rapidement siennes les luttes contre la violence faite aux femmes et pour la participation de la Libanaise à la vie politique. Avec en poche une licence en lettres anglaises, un diplôme en assistance humanitaire et liée au genre, et un don particulier pour l’écriture et la communication. Jusqu’au jour où l’association, qui milite depuis 42 ans déjà pour la cause féminine, prend à bras-le-corps le combat contre le mariage des mineures qui prenait entre-temps de l’ampleur avec la crise syrienne. La militante est « au cœur de ce combat » qui se heurte à la sacro-sainte emprise des communautés religieuses sur le statut personnel. Son acharnement encouragera des dizaines d’associations féministes « à se coaliser contre le mariage des fillettes ». Peine perdue. Quatre propositions de loi plus tard, le Parlement libanais continue d’ignorer superbement le dossier. Hayat Mirshad, elle, ne baisse pas les bras. Bien au contraire.

À partir du 17 octobre 2019, date du début du soulèvement populaire contre un régime corrompu et machiste, elle reprend du poil de la bête. Non seulement elle se mobilise sur les places « pour sensibiliser la jeunesse aux discriminations frappant les femmes au Liban », mais elle part en guerre « contre le harcèlement en ligne qui touche particulièrement les adolescentes en temps de pandémie et de crise économique ». Elle ne manque pas de dénoncer au passage les discriminations de l’État envers les femmes les plus pauvres. « 66 % des filles du Liban n’ont pas de quoi se procurer des serviettes périodiques », révèle-t-elle, en référence au refus des autorités de subventionner ce produit indispensable aux femmes. Ces mêmes autorités « qui ont pourtant subventionné les rasoirs pour les hommes ». Désormais, c’est au sein du collectif Fe-Male que Hayat Mirshad milite exclusivement. Un collectif qu’elle a cofondé en 2012 avec Alia Awad, dont elle est à présent la directrice exécutive. Avec pour objectif « d’encourager la jeunesse à s’engager activement dans le travail féministe ». « La voix des jeunes n’était pas entendue », explique-t-elle, insistant sur « la nécessité de travailler autrement, d’informer, de sensibiliser, d’œuvrer à changer l’image de la femme dans les médias notamment. Même pour ce faire, il faut parfois hausser le ton ».

La campagne contre le mariage des mineures reprend

La militante est connue dans les milieux féministes pour son courage et sa détermination légendaires, doublés de ce sourire qui ne la quitte jamais. « Hayat Mirshad ne craint pas de dénoncer les violations des droits des femmes et fait preuve d’un jusqu’au-boutisme courageux », observe Nada Anid, fondatrice de l’ONG Madanyat. Des qualités, poursuit-elle, qui font de la jeune activiste « une féministe nouvelle génération, qui fait la chasse aux stéréotypes et aux comportements machistes, avec en ligne de mire l’égalité des droits ». Pour Myriam Sfeir Murad, directrice de l’Institut arabe pour les femmes à l’Université libano-américaine de Beyrouth (LAU), la récompense attribuée à Hayat Mirshad est d’autant plus « méritée que la féministe est jeune, qu’elle a gagné en maturité et qu’elle sait mobiliser la jeunesse ». « Militante de terrain et d’action, elle vit pleinement son engagement, souligne Mme Sfeir. Non seulement elle est partout, mais elle manie habilement l’intransigeance et la souplesse, en fonction des circonstances. » « Il faut dire aussi que depuis le 17 octobre 2019, la scène libanaise a évolué, ajoute la chercheuse. Le droit des femmes est désormais une cause populaire, même auprès de leurs concitoyens masculins. » « C’est une icône, résume de son côté son ancienne collaboratrice, Zahraa Dirani.

Une icône, parce qu’elle porte en elle et bien haut la cause féminine, non seulement sur le plan professionnel, mais dans sa pensée et sa vie familiale. »

Alors cette distinction, Hayat Mirshad la reçoit comme « une marque de reconnaissance ». Non seulement pour elle-même et pour le collectif Fe-Male, « mais aussi pour le Liban » dont elle est l’unique représentante sur la liste du média britannique. « Malgré les défis et les revers, les femmes à travers l’histoire ont défié et combattu le patriarcat. Par la solidarité, la fraternité et l’amour, nous continuerons le combat et amplifierons nos voix et nos revendications pour un avenir juste et égalitaire », promet-elle aux femmes du Liban, qu’elles soient libanaises ou étrangères. La liste est à peine publiée que déjà, la militante met sa promesse à exécution.

Dès aujourd’hui, « la campagne contre le mariage des mineures hausse de nouveau le ton », dans une volonté de se libérer de la double emprise de la classe politique et des hommes de religion.

(Suite à une convocation de la journaliste Hayat Mirshad devant les services de sécurité, une manifestation de soutien avait lieu le jeudi 1er juin devant le Palais de Justice. Nous vous proposons de relire son portrait, écrit en date du 25 novembre 2020.) Elle est féministe jusqu’au bout des ongles. Et le revendique fièrement dans sa vie quotidienne, ses tenues vestimentaires, ses...

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