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Moyen-Orient - Diplomatie

G20 : la revanche contrariée de MBS

Alors que le sommet doit se tenir le week-end prochain sous la houlette de Riyad, de nombreuses voix ont appelé à son boycott en raison des violations des droits humains par le royaume.

G20 : la revanche contrariée de MBS

Les dirigeants du G20 lors du sommet à Osaka, en juin 2019. Photo AFP

Pour les militants et défenseurs des droits de l’homme, l’événement est un affront. Pour l’Arabie saoudite, il marque l’occasion de redorer son blason sur la scène internationale. Deux ans après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, Riyad s’apprête à présider par visioconférence le sommet du G20 le week-end prochain. Un statut inédit pour le royaume et un rendez-vous avec les dirigeants des économies les plus importantes du monde aux airs de revanche pour le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane. En 2018, l’homme fort du royaume avait fait figure de paria lors du sommet de Buenos Aires, mis au ban de la communauté internationale dans le sillage de l’affaire Khashoggi.

Aujourd’hui, le contexte semble bien différent. « Le fait que le sommet du G20 soit présidé par l’Arabie saoudite envoie le message que les gens poursuivent leurs vies comme si rien ne s’était passé », a dénoncé lundi la fiancée turque de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz, dans un message vidéo diffusé lors de l’ouverture en ligne de la biennale du CIJ Logan Symposium.

Dans les médias saoudiens, une pléthore d’articles et de tribunes ont été publiés au cours de ces derniers jours pour vanter les mérites de la présidence saoudienne du G20 et valoriser l’importance de Riyad sur la scène internationale. « Le royaume (…) a prouvé l’efficacité de ses décisions, de ses positions inébranlables, la force de sa volonté politique et sa capacité à se repositionner dans l’environnement mondial », a souligné hier l’écrivain Fahim al-Hamid dans les colonnes du quotidien saoudien Okaz. « Un sommet historique », pour le ministre saoudien des Ressources humaines et du Développement social, Ahmad al-Rajhi, cité par le site Arab News.

Si l’événement marque effectivement une avancée importante aux yeux de l’Arabie saoudite, seul participant issu du monde arabe, le bilan de sa présidence reste pourtant mitigé.

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Choisissant le thème « Réaliser les opportunités du XXIe siècle pour tous », le royaume avait pour objectifs de mettre en lumière son programme de réformes économiques et sociales Vision 2030 et, dans la foulée, réchauffer ses relations avec l’Occident et attirer les investisseurs. Bouleversant l’économie mondiale et présentant des défis sans précédent, la pandémie de Covid-19 en aura voulu autrement. « Les Saoudiens considèrent le G20 comme un moyen de se remettre en avant sur la scène internationale et ce n’est tout simplement pas le format (de cette année, NDLR) », fait remarquer Michael Stephens, expert du Moyen-Orient au Royal United Services Institute (RUSI), contacté par L’Orient-Le Jour. « Ils ont fait de petits progrès en matière d’allégement de la dette dans les pays en développement, mais même dans ce cas, ce n’est qu’une petite réussite », observe-t-il. Monopolisant l’attention internationale, le coronavirus et ses répercussions économiques ont finalement été les principaux points à l’ordre du jour des réunions entre ministres et sherpas au cours de ces douze derniers mois.

La réunion du week-end qui vient doit s’articuler autour de trois domaines principaux : social, environnemental et technologique. Sans poignée de main, d’accolades publiques ou de traditionnelle photo de famille, le caractère virtuel de la rencontre va toutefois priver Riyad d’une large opération de communication sur la scène internationale. « Nous espérions que les gens pourraient assister physiquement au G20, afin que l’on puisse leur présenter l’Arabie saoudite. Espérons que cela arrivera dans les années à venir », a déclaré lundi Majed al-Qasabi, ministre saoudien du Commerce et de l’Investissement.

Légitimer l’impunité

L’ombre des violations des droits de l’homme assombrit toutefois au tableau que l’Arabie saoudite tente de brosser. Alors que Riyad souhaite mettre en avant ses réformes et sa modernité pendant le G20, la répression s’est intensifiée au cours des dernières années et de nombreux activistes sont toujours derrière les barreaux pour avoir critiqué le royaume ou plaidé pour des réformes, à l’instar de Loujain al-Hathloul, Israa al-Ghomgham ou encore du blogueur Raïf Badaoui. Au début du mois, une campagne a été lancée par Human Rights Watch sur les réseaux sociaux sous le hashtag #G20SaudiArabia afin de presser les dirigeants de demander des comptes à l’Arabie saoudite au sujet des abus infligés aux droits de l’homme à l’encontre des activistes et des civils au Yémen, où le royaume mène une coalition avec les Émirats arabes unis.

Pour mémoire

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Emprisonnées depuis mai 2018, Loujain al-Hathloul et d’autres militantes des droits des femmes auraient fait l’objet de harcèlement sexuel, de tortures physiques et psychologiques. « Lors de la dernière visite de mes parents le 26 octobre, Loujain avait vraiment l’air fatiguée, épuisée », rapporte à L’OLJ sa sœur, Lina al-Hathloul. « Elle leur a dit qu’elle ne voyait plus d’intérêt à essayer de survivre dans cette prison si elle ne pouvait plus avoir de contacts réguliers avec nos parents, donc elle leur a annoncé qu’elle entamait une grève de la faim », poursuit-elle. Depuis, la famille de Loujain al-Hathloul n’a plus de nouvelles de l’activiste et se heurte au silence des services saoudiens.

Interrogé la semaine dernière par le quotidien britannique The Guardian sur la possibilité d’accorder la clémence aux activistes détenus avant la tenue du G20, l’ambassadeur d’Arabie au Royaume-Uni Khaled ben Bandar al-Saoud avait répondu : « Peut-être. » « Les gens se demandent : est-ce que cela vaut les dégâts que cela vous cause quoi qu’ils aient fait ? C’est un argument juste à faire valoir et c’est une discussion que nous avons chez nous dans notre système politique et au sein de notre ministère », avait-il ajouté sans donner plus de détails.

En octobre dernier, 45 députés américains avaient déjà demandé à l’administration de Donald Trump de boycotter le sommet du G20 en raison des violations des droits humains par le royaume saoudien. Quelques semaines plus tôt, le Parlement européen avait adopté une résolution exhortant l’Union européenne et ses membres à ne pas envoyer de représentants de haut niveau afin de ne pas « légitimer l’impunité pour les violations des droits humains (…) en Arabie saoudite ». En septembre dernier, le maire de Paris Anne Hidalgo et son homologue à New York Bill de Blasio avaient choisi de ne pas participer au sommet des grandes villes du G20, présidé en ligne par Riyad.

Pour les militants et défenseurs des droits de l’homme, l’événement est un affront. Pour l’Arabie saoudite, il marque l’occasion de redorer son blason sur la scène internationale. Deux ans après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, Riyad s’apprête à présider par visioconférence le sommet du G20 le week-end prochain. Un...

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