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Moyen-Orient - Commentaire

Jamal Khashoggi, l’impunité jusqu’à quand ?

Aujourd’hui marque le triste second anniversaire de l’assassinat du journaliste saoudien dans le consulat de son pays à Istanbul.

Jamal Khashoggi, l’impunité jusqu’à quand ?

Un manifestant tient un poster à l’effigie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, lors d’un rassemblement devant le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, le 25 octobre 2018. Yasin Akgul/AGP

Toutes les pistes menaient à lui. La justice saoudienne en a décidé autrement en blanchissant son nom. Ancien bras droit du dauphin saoudien Mohammad ben Salmane, Saoud el-Qahtani est considéré comme le cerveau derrière l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre 2018. Deux ans plus tard, certains le disent mort, d’autres qu’il est reclus dans le royaume à l’abri des regards. Deux ans plus tard et justice n’a toujours pas été rendue pour Jamal Khashoggi.

Seuls huit prévenus ont été condamnés par le parquet saoudien à des peines allant de sept à vingt ans de prison. Cinq d’entre eux ont vu leur peine de mort annulée le mois dernier après que les fils du journaliste saoudien eurent annoncé avoir « pardonné » aux accusés en mai. Leur identité n’a pas été rendue publique.

« Une farce », a dénoncé Hatice Cengiz, la fiancée turque de celui qui critiquait la dérive autoritaire du prince héritier Mohammad ben Salmane. « Une parodie de justice », pour la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard. Et pour cause : le procès s’est déroulé dans l’opacité totale, à huis clos et en l’absence de journalistes.

Aucune information supplémentaire n’aura filtré. Les dernières images de Jamal Khashoggi sont celles d’un homme aux cheveux grisonnants, vêtu d’un blazer noir, s’engouffrant d’un pas déterminé en cette journée d’automne dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Les mots semblent insuffisants pour décrire les minutes suivantes. Rendues publiques par Agnès Callamard, les retranscriptions des enregistrements audio des autorités turques à l’intérieur de la mission diplomatique saoudienne sont à glacer le sang.

D’abord mis sous sédatif puis étouffé, Jamal Khashoggi a été démembré par un médecin légiste, envoyé en Turquie spécialement pour l’occasion au sein d’une équipe de quinze Saoudiens. « C’est la première fois que je découpe sur place. Si nous prenons des sacs en plastique et découpons le corps en morceaux, ce sera terminé », dit-il. Les restes du corps n’ont jamais été retrouvés.

Pour mémoire

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L’affaire a eu un retentissement mondial et a sérieusement mis à mal l’image de réformateur minutieusement cultivée par MBS. Le spectre de Jamal Khashoggi, un résident américain, rappelle soudainement à l’Occident que le dauphin n’est qu’un autocrate comme un autre dans la région – prêt à ordonner l’impensable contre ses opposants.

Suite aux conclusions de la CIA, le Sénat américain, à majorité républicaine, met en cause l’homme fort du royaume dans une résolution en décembre 2018 et pose un ultimatum au locataire de la Maison-Blanche Donald Trump pour se prononcer sur son implication. Les conclusions de l’enquête menée par Agnès Callamard publiées en juin 2019 sont sans appel : elles pointent la responsabilité de Riyad, selon les termes du droit relatif aux droits humains. Le prince héritier saoudien, qui niait en bloc toute implication au début, a sensiblement modifié son discours, admettant à un reporter de PBS en décembre 2018 que l’assassinat « s’est déroulé sous son règne ».

« Business as usual »

L’assassinat de Jamal Khashoggi s’inscrit pleinement dans la continuité des purges du Ritz-Carlton en novembre 2017 et des arrestations des militantes saoudiennes œuvrant en faveur du droit de conduire durant l’été 2018. Trop dérangeant pour Riyad, il était l’une de ces voix dissidentes capables de traverser les continents. Loin d’être dupe, le journaliste, qui fut longtemps proche du pouvoir, avait conscience de la menace que représentaient ses prises de position pour sa sécurité et avait décidé de s’exiler en septembre 2017, d’abord en Turquie puis aux États-Unis. De l’autre côté de l’Atlantique, il reconstruisait sa vie et écrivait des articles au vitriol contre le royaume dans les colonnes du Washington Post. Ce 2 octobre 2018 à Istanbul, Jamal Khashoggi venait récupérer une attestation pour lui permettre de se marier avec Hatice Cengiz.

En Turquie, le dossier de l’assassinat de Khashoggi n’est pas encore clos. Vingt personnes ont été inculpées en juillet, dont Saoud el-Qahtani et le général saoudien Ahmad Assiri, considérés comme ayant commandité l’assassinat par le parquet turc qui réclame la prison à vie. Une seconde procédure a été ouverte lundi contre six autres personnes, dont des employés du consulat saoudien.

Mais en ce second triste anniversaire de la mort de Jamal Khashoggi, le constat est clair : la raison d’État aura fini par primer le droit. Les considérations géopolitiques et les alliances régionales semblent justifier le retour au « business as usual ». Quitte à donner lieu à des scènes qui frôlent la schizophrénie. Tandis que MBS était mis au ban du G20 à Buenos Aires en novembre 2018, Riyad s’apprête à présider ce même sommet le mois prochain.

Pour mémoire

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L’impunité dont bénéficient les responsables de l’assassinat de Jamal Khashoggi et l’inaction de la communauté internationale sont une claque infligée à celles et ceux qui se battent chaque jour pour la liberté d’expression et leurs droits en Arabie saoudite et plus largement dans la région. Quel espoir cela laisse-t-il aux activistes saoudiens détenus arbitrairement à l’instar de Loujain al-Hathloul, Raïf Badawi, le prédicateur Salmane al-Awdah, pour n’en citer que quelques-uns ?

Aujourd’hui, les collègues et amis du journaliste saoudien préservent son legs avec le lancement de l’organisation baptisée Démocratie pour le monde arabe maintenant (DAWN), qu’il avait créée en 2018 à Washington. Initiative inédite sous le règne du roi Salmane, un groupe de dissidents, pour la plupart en exil, ont créé le Parti de l’Assemblée nationale (NAAS) la semaine dernière.

La capacité de ces initiatives à renverser la donne reste toutefois incertaine. Une réélection de Donald Trump, qui s’est targué d’avoir « sauvé la peau » de MBS, n’augure aucun changement à l’horizon. Une victoire du démocrate Joe Biden, dont le camp est très critique du royaume, soulève toutefois plusieurs interrogations, dont celle-ci : tiendra-t-il le même discours vis-à-vis du plus vieil allié arabe de l’Oncle Sam une fois arrivé au pouvoir ?

Toutes les pistes menaient à lui. La justice saoudienne en a décidé autrement en blanchissant son nom. Ancien bras droit du dauphin saoudien Mohammad ben Salmane, Saoud el-Qahtani est considéré comme le cerveau derrière l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre 2018. Deux ans plus tard, certains le disent mort, d’autres...

commentaires (2)

Si l’Arabie n’a même pas été confronté avec le crime contre l’humanité du 11 septembre , croyez vous que Khashogi importe ? Ou plutôt la main mise sur le pétrole et donc la primauté de l’économie américaine sur le citoyen ?

Alors...

23 h 01, le 02 octobre 2020

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Commentaires (2)

  • Si l’Arabie n’a même pas été confronté avec le crime contre l’humanité du 11 septembre , croyez vous que Khashogi importe ? Ou plutôt la main mise sur le pétrole et donc la primauté de l’économie américaine sur le citoyen ?

    Alors...

    23 h 01, le 02 octobre 2020

  • Pas notre problème, mais alors pas du tout, a chacun sa croix...

    Christine KHALIL

    02 h 04, le 02 octobre 2020

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