Le Liban aura-t-il un nouveau gouvernement en fin de semaine ? La question se pose de plus en plus au vu du climat d’optimisme distillé dans les milieux politiques, mais aussi et surtout du dynamisme dont fait preuve le Premier ministre désigné, Saad Hariri. Pour la cinquième fois depuis sa nomination pour former la prochaine équipe ministérielle (et la quatrième en cinq jours), Saad Hariri s’est entretenu hier soir avec le chef de l’État Michel Aoun. Selon notre correspondante à Baabda Hoda Chedid, une autre rencontre entre les deux hommes aurait eu lieu dans la matinée. Quoi qu’il en soit et à la faveur de la discrétion totale qu’observent aussi bien le président de la République que le Premier ministre désigné, le bureau de presse de Baabda a publié un bref communiqué dans lequel il s’est contenté de souligner que MM. Aoun et Hariri ont « poursuivi l’examen du dossier gouvernemental dans une atmosphère de progrès et de prudence ». Le président du Parlement Nabih Berry a, lui, évoqué une naissance du cabinet dans les « quatre ou cinq prochains jours ».
Vers un cabinet de 18 ministres
Sauf qu’en dépit de cette ambiance positive que l’on s’efforce de créer, dans une claire tentative d’adresser un message positif à la communauté internationale, rien ne semble avoir effectivement changé. En ce sens que les tractations continuent d’obéir à la logique de partage du gâteau. Preuve en est, les principaux protagonistes, notamment ceux qui ont appuyé la candidature de Saad Hariri à la présidence du Conseil, se disputent encore les portefeuilles ministériels, dont l’effectif serait en principe de 18 ministres. Il s’agirait ainsi d’une sorte de solution médiane entre le président Aoun, qui plaidait pour une mouture élargie allant à 20 ou 24 ministres, et le Premier ministre désigné, qui s’était montré favorable à une formule restreinte de 14 ministres. Toujours selon notre correspondante à Baabda, les 18 sièges gouvernementaux seraient répartis de la façon suivante : quatre sunnites, quatre chiites, un druze, quatre maronites, trois grecs-orthodoxes, un grec-catholique et un Arménien. Elle ajoute, citant des sources informées, que le cabinet pourrait ainsi voir le jour en fin de semaine ou, au plus tard, lundi.
Si cette mouture venait à être adoptée, cela signifierait que seul le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt représentera les druzes au sein de la future équipe. La demande du chef du Parti démocratique libanais, Talal Arslane, qui espérait prendre part au cabinet, ne serait donc pas satisfaite. Dans les milieux de Moukhtara, on assure à L’Orient-Le Jour que ce qui importe le plus au PSP est la bonne représentation de la communauté druze au sein du cabinet. Les sources joumlattistes laissaient ainsi entendre que Moukhtara ne désire pas prendre part au grand marchandage des portefeuilles. Une position qui intervient à l’heure où des informations circulaient dans certains médias selon lesquelles le Hezbollah et le PSP se disputaient le ministère de la Santé. Mais il reste que le parti chiite a fait savoir à plusieurs reprises qu’il n’entendait pas entraver le processus gouvernemental pour obtenir ce portefeuille.
Les chrétiens
Du côté chrétien, Michel Aoun et Saad Hariri ne semblent pas avoir tranché la répartition des portefeuilles entre les partis concernés. De sources politiques informées, on apprend que les Marada de Sleiman Frangié pourraient obtenir l’Éducation. Des informations non confirmées par les milieux de Bnechii que L’OLJ a tenté, en vain, de joindre hier. Sur un autre registre, on apprenait hier en soirée que pour ce qui est du reste des formations chrétiennes, il serait actuellement question de trouver pour le ministère de l’Énergie une personnalité qui serait le fruit d’une entente entre Michel Aoun et Saad Hariri.
Toutes ces informations, le bureau de presse du Premier ministre désigné les perçoit comme « des fuites médiatiques infondées », ainsi qu’on pouvait lire dans un communiqué publié hier. Le texte assure, en outre, que le chef de l’État et le Premier ministre sont engagés à ne refléter que l’atmosphère positive » entourant les tractations.
Le mufti Deriane appelle à s’opposer « sans violence » à « l’agression » des caricatures
À « l’agression » des caricatures du Prophète de l’islam, publiées en France, il faut s’opposer « fermement mais sans violence », a plaidé hier le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, dans un message délivré à l’occasion de la fête, aujourd’hui, du Maouled (naissance du Prophète). Cette réaction intervient une semaine après les propos du président français Emmanuel Macron qui a défendu la liberté de caricaturer Mahomet lors de la cérémonie d’hommage au professeur d’histoire Samuel Paty, décapité près de Paris le 16 octobre dans un attentat islamiste pour avoir montré à ses élèves des caricatures du Prophète. Ces propos ont enflammé le monde musulman. Dans cette position adoptée par le président français, le mufti Deriane a vu « une agression permanente contre tous les musulmans ». Toutefois, il a appelé à s’y opposer « sans violence ». « Nous sommes alarmés, nous musulmans de par le monde, par la campagne contre l’islam, d’un côté, et la persistance des offenses contre le Prophète au nom de la liberté d’opinion et d’expression et d’autres prétextes, de l’autre, ce qui constitue une agression permanente contre tous les musulmans dans le monde », a déclaré le mufti dans son message. « Il est indispensable de traiter ces agressions avec franchise et fermeté, mais sans violence », a-t-il ajouté, avant de rappeler que « le tiers des musulmans de la planète vivent dans des sociétés majoritairement non musulmanes ».
Le mufti a par ailleurs appelé la communauté politique à hâter la formation du nouveau gouvernement que met sur pied Saad Hariri. « L’effort actuel du Premier ministre désigné Saad Hariri pour former un gouvernement de salut capable et efficace est une occasion que chacun devrait saisir pour sortir le pays de ses crises, a affirmé le mufti. Personne ne viendra nous aider si nous ne nous aidons pas dans ces circonstances cruciales et sans précédent où nous nous trouvons. »