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Idées - Point de vue

La reconstruction de Beyrouth ne se limite pas aux bâtiments

La reconstruction de Beyrouth ne se limite pas aux bâtiments

Un immeuble sévèrement endommagé dans le quartier de la Quarantaine, le 9 août 2020. Patrick Baz/AFP

L’explosion massive qui a ravagé le port de Beyrouth et fait près de 200 morts a dévasté 70 000 foyers, laissant ainsi plus de 300 000 personnes sans abri. La réponse en matière d’hébergement reste axée sur la mise en place d’abris temporaires pour les familles touchées, ainsi que le nettoyage et le tri des décombres, et la réparation des maisons avant l’hiver.

Cependant, la crise du logement au Liban remonte à bien avant l’explosion du port et résulte de plusieurs facteurs. Au cours de la dernière décennie, le marché foncier et immobilier de Beyrouth n’a pas été en mesure de répondre aux réels besoins des personnes concernées. La majorité de la population n’a pas accès au logement, et les quartiers défavorisés en font les frais, l’offre de logements abordables ne correspondant pas à la demande. Alors que le Liban compte le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde, la plupart des réfugiés syriens se retrouvent, du fait de la quasi-absence de véritables camps, à louer des abris parfois inadaptés (appartements, garages, hangars) chez des particuliers.

De nombreux quartiers fortement endommagés par l’explosion du port de Beyrouth se trouvent dans des quartiers historiques de Beyrouth, à forte valeur foncière. Toutefois, en raison des dispositions qui encadraient alors le marché locatif, ces quartiers accueillaient des résidents de toutes catégories de revenus et de toutes origines.

Litiges

De plus, une certaine partie des habitants de la ville vivaient déjà dans des conditions précaires avant les explosions, tant sur le plan du logement que sur le plan socio-économique. Des enquêtes de terrain ont démontré que le nombre de ménages dirigés par des femmes était élevé dans les zones les plus touchées par l’explosion. On y trouve également de nombreux travailleurs migrants ainsi que plusieurs organisations LGBTQI (lesbiennes, « gays », bisexuels, transgenres, en questionnement ou intersexués, NDLR), qui se retrouvent encore plus exposés aux violences liées au genre et à d’autres problèmes de sécurité.

Face à ces défis pluridimensionnels, les droits au logement, à la terre et à la propriété de la population de Beyrouth risquent de se détériorer. Parmi les problèmes rencontrés dans les zones sinistrées, on peut citer les litiges préexistants concernant la propriété foncière, les questions d’héritage non résolues, les détenteurs de droits absents et le manque de documents relatifs à la propriété foncière. Ces problèmes n’ont fait que s’aggraver après l’explosion. On compte parmi les résidents en question un grand nombre de bénéficiaires d’un « ancien loyer » détenant des contrats de location datant d’avant 1992. Ils risquent l’expulsion suite aux révisions apportées à la loi sur le contrôle des loyers en 2014 et 2017.

La fragilité des structures ayant souvent servi de prétexte à la démolition de vieux bâtiments, parfois à caractère patrimonial, afin de faire place à de nouveaux projets lucratifs, il pourrait en aller de même lors de la reconstruction de Beyrouth. La zone historique incluant les quartiers de Gemmayzé, Mar Mikhaël et Medawar, qui a été très sévèrement endommagée (sur 755 bâtiments à caractère patrimonial, 652 ont été touchés), compte également des litiges fonciers et immobiliers non résolus. Bien que les travaux de démolition aient été arrêtés, en l’absence d’un cadre juridique pour le processus de réhabilitation, il sera nécessaire d’élaborer un cadre d’orientation clair en matière de logement, foncière et de droits de propriété sur ces zones avant de procéder à toute intervention.

Reconstruire en mieux

Le processus de reconstruction après la catastrophe doit garantir une approche inclusive s’inspirant des principes de l’approche dite « reconstruire en mieux » (« Build Back Better » en anglais). Cette approche permettrait d’améliorer la protection des droits des résidents en matière de logement et de propriété, et de préserver le tissu social de la ville ainsi que son patrimoine urbain et culturel, pierre angulaire de l’identité et de l’économie de la ville. La communauté humanitaire au sens large, dont le programme ONU-Habitat, plaide pour que l’attention portée à ces problématiques complexes soit intégrée dans la réponse globale à la problématique de la reconstruction. Les mesures à prendre devront porter sur les litiges existants et émergents – en matière de logement, foncière et de droits de propriété –, tels qu’ils ont été observés dans des contextes similaires de rénovation urbaine à grande échelle. Il faut protéger l’ensemble des droits fonciers afin que les questions de logement, de terre et de propriété ne servent pas de prétexte pour expulser des résidents de manière illégale.

Pour ce faire, il est extrêmement urgent d’évaluer le risque d’effondrement de bâtiments et de prendre les mesures de prévention nécessaires. Cette évaluation nécessite une coordination proactive et un mécanisme d’orientation clair, basée sur la coopération entre les résidents et les organismes humanitaires.

Afin d’héberger de manière adéquate les personnes privées de logement jusqu’à ce qu’elles puissent retourner chez elles, des solutions d’hébergement transitoire doivent être mises en place de toute urgence, en mettant l’accent sur les personnes les plus marginalisées et les plus vulnérables, à savoir : les ménages dirigés par des femmes, les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées, les réfugiés, les travailleurs migrants et les personnes appartenant à la communauté LGBTQI.

Ces solutions doivent prévoir des subventions, des modalités d’occupation des logements libres, le soutien au marché locatif et l’atténuation de l’inflation potentielle des loyers dans certaines régions. En parallèle, des milliers d’unités de logement devront être réhabilitées en utilisant des matériaux, une fabrication et une main-d’œuvre locaux.

En fin de compte, il est nécessaire d’avoir une vision de reconstruction de la ville avec des objectifs clairs, afin de préserver la diversité socio-économique, l’égalité et le patrimoine culturel. Reconstruire en mieux et générer de nouveaux moyens de subsistance pour la communauté locale permettrait d’assurer une réhabilitation urbaine inclusive et durable. Cette vision, sous forme de stratégie nationale, devrait également aborder, entre autres, l’insécurité d’occupation sous-jacente qui caractérise les secteurs immobiliers et fonciers, ainsi que les inégalités préexistantes en matière d’accès au logement et aux moyens de subsistance.

Coordinatrice de la politique du logement à l’ONU-Habitat au Liban

L’explosion massive qui a ravagé le port de Beyrouth et fait près de 200 morts a dévasté 70 000 foyers, laissant ainsi plus de 300 000 personnes sans abri. La réponse en matière d’hébergement reste axée sur la mise en place d’abris temporaires pour les familles touchées, ainsi que le nettoyage et le tri des décombres, et la réparation des maisons avant l’hiver....

commentaires (3)

LA TACHE EST IMMENSE. IL FAUT CONSTRUIRE UN PAYS. LA VOIE QUE VOUS SEMBLEZ SUIVRE EN LACHANT DU LEST COMME TOUJOURS ET QU,ON S,ACHARNE A VOUS IMPOSER CPL ET MERCENAIRES EST LA VOIE DE LA DESTRUCTION TOTALE DU PAYS.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 40, le 25 octobre 2020

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Commentaires (3)

  • LA TACHE EST IMMENSE. IL FAUT CONSTRUIRE UN PAYS. LA VOIE QUE VOUS SEMBLEZ SUIVRE EN LACHANT DU LEST COMME TOUJOURS ET QU,ON S,ACHARNE A VOUS IMPOSER CPL ET MERCENAIRES EST LA VOIE DE LA DESTRUCTION TOTALE DU PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 40, le 25 octobre 2020

  • C'est le même phénomène dans toutes les grandes villes, qui repusse la population ordinaire en dehors des centres. Le seul remède est d'imposer des appartements pour les modestes revenus (comme les HLM en France). Les privés ne vont pas le faire que contraints par la loi. Or une telle loi prendrait des années à se mettre en place. Dans l'intervalle les faibles seront repoussés loin à la ronde.

    Shou fi

    10 h 05, le 25 octobre 2020

  • Une analyse lucide de la realité...

    Muller Bertrand

    06 h 42, le 25 octobre 2020

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