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Ce que signifie vraiment la neutralité pour le Liban

Ce que signifie vraiment la neutralité pour le Liban

Pour ou contre la neutralité ? Avec ou contre le Hezbollah ? Pour ou contre les Arabes ? Beaucoup parlent de la neutralité mais malheureusement sans en comprendre ni le sens ni la portée mais veulent en revanche l’utiliser à des fins politiques et confessionnelles comme s’ils n’avaient pas déjà fait assez de dégâts pour le Liban... La neutralité positive et permanente du Liban, reconnue et garantie par l’Organisation des Nations unies (ONU), c’est le choix d’un pays ouvert au monde, indépendant et même acteur diplomatique.

Il y a aujourd’hui un débat autour de cette idée. Si l’idée de neutralité du Liban a été évoquée par différents partis et leaders tout au long de l’histoire récente du Liban, la neutralité positive et permanente du pays, reconnue et garantie internationalement, est, elle, une des recommandations en 1982 du Groupe Gamma et plus récemment, en 2007, elle a été reprise par le Front de la liberté. Cette garantie internationale avait été donnée à l’Autriche après la Seconde Guerre mondiale. Depuis, l’ONU a voté deux résolutions reconnaissant la neutralité de certains pays : la résolution 880 du 4 novembre 1993 pour le Cambodge et la résolution 50/80 du 12 décembre 1995 pour le Turkménistan.

D’autre part, le protocole d’Alexandrie du 7 octobre 1944, qui est le document fondateur de la Ligue arabe, reconnaît la déclaration gouvernementale libanaise du 7 octobre 1943 (de Riad el-Solh) : l’indépendance complète et véritable du Liban, l’indépendance de sa politique étrangère, sa souveraineté nationale exclusive et l’intégrité des frontières libanaises internationalement reconnues, sans le recours à une protection occidentale ni à une unité ou une union avec les Arabes. Ce protocole devrait être respecté par les Arabes ou alors le Liban devrait se retirer de la Ligue. Aucun parti (Hezbollah ou autre) ne devrait prêter allégeance à une puissance étrangère ou imposer aux Libanais ses amitiés ou inimitiés envers elle. La neutralité exige une allégeance exclusivement nationale. Elle ne doit pas être non plus un moyen pour imposer au Liban une politique ou même une allégeance étrangère hostile à l’Iran, à la Syrie de Bachar el-Assad et au Hezbollah. L’économie libanaise, déjà en crise, est secouée par de nouvelles sanctions américaines contre l’Iran, la Syrie de Bachar el-Assad et le Hezbollah.

Un Libanais sur deux vit désormais sous le seuil de pauvreté qui touche donc toutes les communautés et toutes les bases partisanes, sans exception. Le Liban ne peut donc se permettre d’être contre les États-Unis. Cela ne veut pas dire que le Liban doit être contre l’Iran et la Syrie de Bachar el-Assad. Le sultanat d’Oman a adopté la neutralité positive, c’est-à-dire une politique d’ouverture envers toutes les puissances régionales et internationales, y compris les États-Unis et l’Iran, et agit en médiateur entre elles. Pourquoi pas le Liban ?

Aucun parti ou leader libanais ne peut prétendre à un tel rôle diplomatique. En revanche, l’État libanais peut pleinement assumer ce rôle. Le Liban doit être ouvert au monde : les États-Unis, l’Europe, les pays arabes du Golfe, la Chine, la Russie, l’Iran, le Japon, l’Inde, le Brésil, l’Afrique, etc. Cette ouverture culturelle, religieuse, économique et diplomatique est le sens même d’une neutralité positive et permanente du Liban, garantie et reconnue par l’ONU. L’armée israélienne ne s’est pas complètement retirée du Liban en 2000 et continue d’occuper les hameaux de Chebaa, les collines de Kfarchouba et le nord du village de Ghajar. Les Israéliens disent qu’ils ont pris ces territoires aux Syriens durant la guerre de 1967 – dans laquelle le Liban n’était pas belligérant. De fait, les Syriens ont progressivement occupé ces territoires stratégiques au Liban entre 1943 et 1967, et n’ont jamais voulu s’en retirer. Depuis le retrait israélien en 2000 au sud de la ligne de démarcation (dite ligne bleue) conformément à la résolution 425 des Nations unies (1978), les Syriens n’ont jamais voulu fournir de documents attestant que ces territoires sont libanais bien que Bachar el-Assad l’ait confirmé, et que les titres légaux de propriété soient délivrés par les seules autorités libanaises.

Cette situation permet aux Israéliens d’occuper ces terres indéfiniment. Le tracé de la ligne bleue en 1948 avait été accepté par les autorités libanaises de l’époque sous réserve des secteurs de Rmeich, Mtollé, Adaïssé et Chebaa. Il existe donc plusieurs points territoriaux litigieux entre le Liban et Israël. D’ailleurs, la frontière reconnue internationalement est la ligne Paulet Newcombe de 1923 (qui place quand même sept villages libanais de l’autre côté de la frontière). La ligne Paulet Newcombe n’a d’ailleurs pas été respectée par la France qui, alors qu’elle était la puissance mandataire, a cédé en 1932, contre la volonté des autorités libanaises de l’époque, la plaine de Houlé à la Palestine alors sous mandat britannique.

Le Hezbollah commence à manquer d’argent en raison des crises économiques, financières et monétaires au Liban, en Syrie et en Iran. La neutralité positive et permanente reconnue et garantie par l’ONU n’est pas une faiblesse. Fort de celle-ci qui lui assurerait la sympathie de tous les pays du monde, le Liban pourrait enfin voir clarifier la délimitation de ses frontières terrestres et maritimes et donc récupérer ses terres ainsi que l’arrêt des violations de son espace aérien par Israël. Ce serait donc une grande victoire. Les combattants du Hezbollah pourraient alors retourner à la vie civile ou intégrer les forces armées de l’État (voire une garde nationale qui serait créée) auxquelles les armes lourdes et les missiles seraient remis.

L’État libanais ne pourrait être que digne de confiance du Hezbollah puisqu’il aurait adopté la neutralité positive et permanente et que celle-ci serait reconnue et garantie par l’ONU. Il ne pourrait qu’être fort puisque neutre et disposant du monopole des armes libanaises. Toutes les crises et tous les conflits survenus au Liban étaient et sont le prolongement ou la cristallisation de crises et de conflits à l’échelle régionale et internationale. Le seul cadre pouvant immuniser le Liban et lui rendre pleinement sa souveraineté, sa liberté et son indépendance aujourd’hui hypothéquées auprès de puissances régionales et internationales est la neutralité. D’une part, cette neutralité empêcherait le Liban de plonger dans des conflits et des crises au niveau de la région et/ou du monde. D’autre part, elle éviterait que des conflits et des crises internes éclatent pour des motifs régionaux et/ou internationaux. Elle renforcerait ainsi la stabilité interne du Liban, nécessaire au développement et à la paix, en le protégeant des ingérences extérieures. Enfin, elle permettrait de vaincre la « Peur de l’autre » : l’autre partenaire libanais. La neutralité créerait un sentiment d’appartenance nationale et citoyenne sur lequel naîtrait un véritable État fort empêchant que son territoire soit le théâtre de conflits et de crises à répétition le paralysant.

La neutralité suisse est permanente et absolue. Au contraire, la neutralité positive et permanente du Liban reconnue et garantie par la communauté internationale ne remettrait en question ni le soutien du Liban à la cause arménienne pour la reconnaissance du génocide par les Ottomans ni son appui à la cause palestinienne en Palestine. La formule « le Liban est avec les Arabes lorsqu’ils sont d’accord et neutre lorsqu’ils ne le sont pas » signifie exclusivement l’appui du Liban à la cause palestinienne pourvu que les Palestiniens respectent sa souveraineté en se soumettant à la décision du Parlement libanais d’annuler l’accord du Caire, c’est-à-dire en se désarmant. Cette neutralité ne remettrait pas non plus en question la lutte du Liban, dans la limite de ses frontières, contre le terrorisme de quelque nature que ce soit, et toute possible coopération interétatique dans ce cadre.

Le système politique est confessionnel (confessionalisme politique), le statut personnel relève de la compétence de tribunaux communautaires (fédéralisme du statut personnel) et le pays est multiculturel (multiculturalisme) mais il n’y a pas de religion d’État, la loi n’est pas religieuse et la religion n’est pas la source de la loi. En fait, l’État repose sur une neutralité civile. La neutralité positive et permanente du Liban est une consécration logique non seulement politique, économique et diplomatique mais aussi culturelle, religieuse et civile. L’étape suivante pourrait être ainsi l’adoption d’un code civil unifié du statut personnel car grâce à la neutralité, plus aucune communauté et plus aucun citoyen de quelque confession que ce soit aurait peur de l’autre. C’est alors que la diversité religieuse et culturelle fera réellement la force et la richesse du Liban et non plus sa faiblesse.

Sur ces bases et par sa nature, cette neutralité positive et permanente serait à même de rassurer toutes les communautés et les factions libanaises, y compris le Hezbollah. Elle forgerait l’unité des Libanais et édifierait un État véritablement fort. Elle ne serait pas scellée par un pacte oral entre des leaders ou des partis, qui finirait comme celui conclu entre Béchara el-Khoury et Riad el-Solh, mais par une loi constitutionnelle et par une résolution de l’ONU. Alors débattons de manière démocratique, dépassionnée et intelligente !

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