Joumblatt : Hariri veut un gouvernement d’experts mais n’est-il pas un politicien ?

Le leader druze Walid Joumblatt a laissé entendre lundi soir lors d’une interview accordée à la chaîne al-Jadeed qu’il ne nommera personne à la présidence du Conseil et qu’il pourrait ne pas se rendre à Baabda jeudi lors des consultations parlementaires contraignantes pour désigner le prochain Premier ministre.

"L’ancien Premier ministre, Saad Hariri dit qu’il veut un gouvernement d’experts sans politiciens. Mais n’est-il pas un politicien ?", a demandé le chef du Parti socialiste progressiste (PSP). "Il s’est auto-désigné, a-t-il encore dit. Il est possible qu’il ait un accord de partage de parts avec Gebran (Bassil, le chef du Courant patriotique libre) et le duo chiite (le mouvement Amal et le Hezbollah)". "Nous n’avons alors pas besoin de monter à Baabda. Pour quoi faire ? Perdre notre temps ?", a-t-il lancé.

"Cheikh Saad, demain, tu vas nommer des anges (à la tête des ministères) ? Et le mouvement Amal et le Hezbollah nommeront des astronautes aux Finances?", a déclaré M. Joumblatt en s'adressant au chef du Courant du Futur. 

"Est-ce que je peux avoir un ministre à la Santé ? Ou c’est interdit ? Pourquoi vais-je désigner quelqu’un si je n’ai pas de réponse ?", a encore interrogé le chef du PSP en révélant avoir refusé de recevoir la délégation du Courant du Futur qui doit effectuer une tournée auprès des principaux responsables politiques. "Quand nous avons pris en charge le ministère de la Santé, avons-nous échoué? Et si je nomme pour ce ministère Bilal Abdallah (député du Chouf) ou Walid Ammar (l'ancien directeur général du ministère de la Santé), quel est le problème?".

Saad Hariri, qui a annoncé le 8 octobre sa candidature pour former un nouveau gouvernement après la récusation de Moustapha Adib, a prôné lundi la formation d'un cabinet sans la présence des forces politiques "pour quelques mois", conformément à l'initiative française. "Je suis convaincu que l'initiative du président français Emmanuel Macron est la seule et dernière opportunité pour enrayer l'effondrement du pays et reconstruire Beyrouth", a affirmé M. Hariri à l'issue d'un entretien avec le président de la République, Michel Aoun, en référence à la double explosion meurtrière du port de la capitale, le 4 août dernier, qui a fait plus de 200 morts et dévasté des pans entiers de la ville. Le leader sunnite a ainsi accéléré le rythme de ses contacts personnels dans le but d'assurer une couverture des principaux blocs parlementaires pour sa désignation jeudi et annoncé la formation d'une délégation pour s'entretenir avec tous les protagonistes.

Lors de son interview, M. Joumblatt est revenu sur les circonstances de la désignation de Moustapha Adib à la présidence du Conseil. “"Ils lui ont dit : ne parle à personne et puis ils l’ont retiré", a-t-il déclaré en référence aux quatre anciens Premiers ministres Saad Hariri, Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati qui avaient proposé le nom de M. Adib. Ce dernier s’était récusé après avoir échoué à former un gouvernement.

"J’avais conseillé au président Macron que le Premier ministre ne soit pas Saad Hariri mais Nawaf Salam", a encore révélé M. Joumblatt assurant que ce conseil était "dans l’intérêt de Saad Hariri" parce qu’il savait que son nom "pourrait enflammer la rue".

"J’ai proposé le nom de Nawaf Salam, avec l’accord de la France, à Nabih Berry (le chef du mouvement Amal) mais j’ai compris que le Hezbollah ne le veut pas, a-t-il ajouté. J’ai alors demandé à Tammam Salam s’il souhaitait être candidat, il m’a répondu qu’il ne voulait pas répéter cette expérience". Le leader du PSP a aussi révélé que l’ancien Premier ministre Nagib Mikati avait contacté l’ancien ministre druze Waël Bou Faour, pour l'informer que les druzes seront représentés au ministère de l’Education par Abbas Halabi.