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Moyen-Orient - Éclairage

Manifestations, répressions, arrestations : le triptyque de la vie quotidienne en Égypte

La reprise de la contestation dans de nombreuses villes et villages du pays a coïncidé avec une recrudescence des arrestations, dont celle de la journaliste Basma Mustafa samedi.

Manifestations, répressions, arrestations : le triptyque de la vie quotidienne en Égypte

Des manifestants égyptiens rassemblés autour de slogans appelant au départ du président Abdel Fattah al-Sissi, dans le centreville du Caire, le 20 septembre 2019. Photo AFP

« Où est Basma Mustafa ? » L’inquiétude envahissait les médias, hier matin, lorsque la journaliste égyptienne a disparu des radars après avoir été aperçue pour la dernière fois près de la gare ferroviaire de Louxor. D’après le site d’information égyptien al-Manassa, la jeune femme y aurait passé un dernier appel en fin de matinée samedi, déclarant qu’un policier l’avait interpellée afin de vérifier son identité, avant de la laisser repartir tout en la suivant.

Sur les réseaux sociaux, les activistes se mobilisent rapidement autour des mots d’ordre « Liberté pour Basma » ou encore « Le journalisme n’est pas un crime ». Car le climat général est celui d’une répression qui se durcit à l’encontre de la profession. La jeune femme, actuellement journaliste à al-Manassa, est également une ancienne contributrice du média Mada Masr. Les deux publications comptent parmi les derniers bastions du journalisme indépendant dans un paysage médiatique contrôlé par les instances publiques. Elles ont été elles-mêmes la cible d’attaques répétées de la part des autorités au cours de ces dernières années, visant les locaux des rédactions, la présence en ligne ou les journalistes.

L’année 2020 a été particulièrement douloureuse pour la liberté d’expression en Égypte, notamment du fait de l’adoption en avril d’un amendement à la loi « antiterroriste » permettant d’élargir les motifs d’arrestations. Ces dernières se sont multipliées à l’encontre des journalistes, mais également des universitaires, intellectuels ou opposants politiques.

Mais la disparition de Basma Mustafa arrive dans un contexte trouble plus précis de protestations et de regain de critiques à l’encontre du régime de Abdel Fattah al-Sissi. Le climat répressif avait rendu les manifestations extrêmement rares depuis son arrivée au pouvoir en 2013. La récente accélération de la dégradation des conditions de vie a toutefois poussé certains à faire fi des risques et à reprendre le chemin de la rue. « Quoi que disent les indicateurs économiques officiels, ils n’ont rien à voir avec le quotidien de la plupart des Égyptiens », estime Gasser Abdel Razek, directeur exécutif du centre égyptien pour les droits individuels.

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Les manifestations de taille moyenne se multiplient en effet en Égypte depuis plusieurs semaines. Le 20 septembre, la rue se mobilisait à l’occasion de l’anniversaire d’une manifestation qui avait eu lieu en septembre 2019, à l’appel notamment de l’entrepreneur et figure de l’opposition en exil, Mohammad Ali. Un an plus tard, le mouvement reprenait dans près de 16 villes autour de slogans francs qui ne cachent pas leurs objectifs : « Nuit de la chute » ; « Le peuple demande la chute du régime » ; « À bas Sissi ». Depuis, les mouvements de rue se poursuivent, moins massivement, mais de manière régulière et se diffusent au sein de villes à taille moyenne et des villages. Vendredi dernier, l’appel à manifester après la prière hebdomadaire pour « un deuxième vendredi de la colère » s’est traduit par des manifestations éparses. « L’ampleur n’est pas inédite, les manifestations ne sont pas plus larges que l’année dernière, mais la différence principale est probablement qu’elles ont lieu principalement à l’extérieur du Caire, dans de petites villes ou villages », explique Gasser Abdel Razek.

Aucune protestation tolérée

Ces manifestations sont ponctuées d’épisodes d’affrontements entre la population et les forces de l’ordre, qui sont largement redéployées à travers le pays depuis la mi-septembre. « Le niveau d’alerte est à son maximum et des arrestations arbitraires ont commencé à avoir lieu au moins une semaine avant l’anniversaire du 20 septembre », remarque Gasser Abdel Razek.

Les autorités n’hésitent pas non plus à faire usage de gaz lacrymogène, de bâtons ou de balles réelles afin de disperser les foules. Des centaines de manifestants ont été arrêtés au cours de ces deux dernières semaines, « depuis leurs maisons ou dans la rue », précise Gasser Abdel Razek. D’après Amnesty, 496 personnes seraient actuellement en détention.

Si les arrestations se sont accélérées, elles ne sont pas toujours en lien avec l’appel du 20 septembre. Ceux qui ont été arrêtés, majoritairement pour des charges de « terrorisme », n’ont pas systématiquement pris part aux manifestations. S’ils l’ont fait, ce n’est pas nécessairement en lien avec l’appel du 20 septembre, ni avec le leader Mohamad Ali, pourtant largement associé aux mouvements de rue. « Beaucoup de ceux qui ont été arrêtés l’ont été lors de manifestations qui n’ont rien à voir avec l’anniversaire du 20 septembre, mais en lien avec la récente législation autorisant la démolition de certaines habitations à moins de payer une certaine somme », témoigne Gasser Abdel Razek. La méthode, qui allie répression et arrestations, viserait « à envoyer un message clair : aucune forme de protestation ne sera tolérée », estime Amnesty International dans un communiqué publié vendredi.

Mais, au-delà des arrestations, le mouvement a également déjà fait deux victimes directes. Selon des témoignages rapportés par Amnesty, deux personnes auraient été tuées par les forces de l’ordre. Ewais Abdel Hamid al-Rawy, originaire du village d’Awamiyah et employé au Luxor International Hospital, est l’un d’entre eux. Selon plusieurs témoins, le jeune homme serait décédé mercredi sous les balles de la police devant sa maison. C’est précisément dans le cadre de son enquête afin d’élucider les conditions de sa mort que Basma Mustafa s’était rendue à Louxor, où elle a été portée disparue.

Depuis plusieurs jours, Awamiyah est assiégé par les forces de l’ordre, dans une tentative de reprendre le contrôle de la rue. Les tensions étaient montées d’un cran et le mouvement de rue avait pris un second souffle suite à la mort du jeune homme de 38 ans. Une indignation qui vient s’ajouter à une opinion générale de plus en plus critique et de moins en moins effrayée de le montrer. « Il y a un mouvement certain, mais il est difficile de prédire quel sera le cours futur des événements. Une seule chose est certaine : la colère est très importante », résume Gasser Abdel Razek.

« Où est Basma Mustafa ? » L’inquiétude envahissait les médias, hier matin, lorsque la journaliste égyptienne a disparu des radars après avoir été aperçue pour la dernière fois près de la gare ferroviaire de Louxor. D’après le site d’information égyptien al-Manassa, la jeune femme y aurait passé un dernier appel en fin de matinée samedi, déclarant qu’un policier...

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De loin critiquer l'egypte c'est facile. Le pouvoir en place doit faire face aussi bien aux perturbateurs islamistes (les frères musulmans) qu'aux intégristes gauchistes (pro palestiniens, fouteurs de bordel comme d'hab, ces palestiniens) qui essaient à tout prix de destabiliser le pays parce qu'ils n'ont jamais aimé que le pays fasse la paix avec Israel. Donc oui. Si l'egypte n'est pas gouvernée "à la botte" : Dans quelques temps, vous verrez les barbus reprendre le pouvoir : Malheureusement dans les pays arabes , il suffit de dire "Allah Akbar" pour que les gens suivent aveuglément le parti qui le dit. Nous passons de très bons moments là bas avec nos amis. Nos amis Egyptiens, pourtant pas très proches du pouvoir mais ils vivent en paix, sereins. Du moment qu'ils ne demandent pas à faire la révolution? Tout va bien. A partir du moment où la personne veut faire SA révolution? Il n'a qu'à assurer. Là bas, l'armée est bienveillante , le pouvoir aussi envers les gens pacifistes et non belliqueux. Fait arrêter de critiquer et stigmatiser "au nom de la liberté". La liberté d'expression ca s'apprend. Ca ne se donne pas.

LE FRANCOPHONE

11 h 32, le 05 octobre 2020

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Commentaires (1)

  • De loin critiquer l'egypte c'est facile. Le pouvoir en place doit faire face aussi bien aux perturbateurs islamistes (les frères musulmans) qu'aux intégristes gauchistes (pro palestiniens, fouteurs de bordel comme d'hab, ces palestiniens) qui essaient à tout prix de destabiliser le pays parce qu'ils n'ont jamais aimé que le pays fasse la paix avec Israel. Donc oui. Si l'egypte n'est pas gouvernée "à la botte" : Dans quelques temps, vous verrez les barbus reprendre le pouvoir : Malheureusement dans les pays arabes , il suffit de dire "Allah Akbar" pour que les gens suivent aveuglément le parti qui le dit. Nous passons de très bons moments là bas avec nos amis. Nos amis Egyptiens, pourtant pas très proches du pouvoir mais ils vivent en paix, sereins. Du moment qu'ils ne demandent pas à faire la révolution? Tout va bien. A partir du moment où la personne veut faire SA révolution? Il n'a qu'à assurer. Là bas, l'armée est bienveillante , le pouvoir aussi envers les gens pacifistes et non belliqueux. Fait arrêter de critiquer et stigmatiser "au nom de la liberté". La liberté d'expression ca s'apprend. Ca ne se donne pas.

    LE FRANCOPHONE

    11 h 32, le 05 octobre 2020

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