Critiques littéraires

Meurtre au Mississippi

Meurtre au Mississippi

D.R.

La Sentence de John Grisham, traduit de l'anglais (États-Unis) par Dominique Defert, JC Lattès, 2020, 512 p.

À soixante-cinq ans bien sonnés, John Grisham est l’un des écrivains américains les plus lus et les plus adulés. Ses écrits à succès sont les plus fervemment courtisés par le cinéma. Maître incontesté du roman policier, thriller englobant aussi bien l’histoire, dans sa diversité et ses paradoxes, du pays de l’Oncle Sam, que les entourloupes et les rouages d’un système judiciaire au pouvoir ténébreux et dictatorial.

Son œuvre considérable (plus de cent millions de livres vendus !) est un témoignage et analyse sans concessions sur le rêve et le way of life américains. Mais aussi les failles et les défaillances d’une terre d’accueil devenue une puissance mondiale leader contestée et controversée.

En témoigne son roman La Sentence traduit récemment de l’anglais par Dominique Defert. Le décor est vite planté : en 1946, Pete Banning revient en héros à sa bourgade au Mississipi, chargé de décorations de la Seconde Guerre mondiale. Il s’installe en fermier planteur de coton et en fidèle de l’Église méthodiste dans sa commune. Tous le considèrent comme un être exemplaire. Et soudain, un matin, terrible coup de théâtre : il se rend en ville et tue de sang-froid avec son colt le révérend pasteur Dexter Bell. Surprise, choc mais pas d’explication de la part du meurtrier. À tout le monde, sheriff, avocats et famille, non un silence muré mais une phrase inexplicable : « Je n’ai rien à dire. »

S’ouvre alors une grande fresque pour une trame policière et judiciaire aux multiples rebondissements. Trois parties comme de longs fleuves mugissants pour un meurtre mystérieux qu’on croit insensé. Et un procès intriguant pour un drame tout en points de suspension.

De fil en aiguille apparaissent des personnages secondaires qui jettent la lumière sur des comportements ahurissants. Liza, la femme de Pete internée, ses enfants privés de voix dans cet imbroglio éclaboussé de sang. En passant, comme dans l’opéra de Porgy and Bess, un cortège de malheur et d’injustice pour cette cruelle époque d’esclavage qui demeure gravée dans les mémoires de l’humanité.

Autre volet qui surgit pour ce soldat revenu de la guerre, c’est la dantesque et sordide réalité de la bataille des Philippines et l’insoutenable enfer des camps des prisonniers… Des mondes différents, des personnages de tout poil s’entrechoquent avec violence dans ces pages grouillantes de vie, de cris, de fureurs, de clameurs d’une humanité en proie à la mort, à l’arbitraire et souvent à l’absurde et l’injustice des lois.

Sans oublier de révéler le dénouement inattendu de ce roman touffu où le meurtrier a quand même une explication pour son agissement. Un mensonge, mot clé, de cet énigmatique coup de feu qu’on supposait un acte insensé.

Ce livre troublant tient constamment en éveil le lecteur, tout en le faisant voyager entre paysages de rêve et de cauchemar, en le mêlant à des personnages paradoxalement habités d’idéalisme et pétris de turpitude. En arrière-fond, il y a surtout les séquelles d’une guerre mondiale traumatisante pour tous ceux qui l’ont vécue, ainsi que l’image d’une Amérique entre ségrégation et illusoires élans de liberté.

Habilement construit (avec ce que l’on croit être des digressions mais à la fin tout se recoupe comme un puzzle subtilement reconstitué), n’épargnant aucune scène insoutenable au lecteur (peines de mort par chaises électriques aux États-Unis et tortures des Américains aux Japonais pendant la guerre), le livre, certes long, n’en est pas moins une tonitruante ode à la vie et à ses imprévus.


La Sentence de John Grisham, traduit de l'anglais (États-Unis) par Dominique Defert, JC Lattès, 2020, 512 p.À soixante-cinq ans bien sonnés, John Grisham est l’un des écrivains américains les plus lus et les plus adulés. Ses écrits à succès sont les plus fervemment courtisés par le cinéma. Maître incontesté du roman policier, thriller englobant aussi bien l’histoire, dans sa...

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