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Lifestyle - Rencontre

Ayah Bdeir, meilleur espoir féminin

De sa start-up littleBits qui l’a intronisée reine de la tech’ à DaleelThawra, le guide ultime de la révolution qu’elle a cofondé avec deux amies, l’ingénieure et entrepreneure libanaise n’a cessé de mettre son savoir au service de ses rêves d’activiste chevronnée.

Ayah Bdeir, meilleur espoir féminin

Ayah Bdeir à New York, une entrepreneure avec du cœur. Photo Brian Finke

En consultant la presse internationale ou sa page Wikipedia où s’empilent diplômes et récompenses glanés en l’espace de quelques années, en la regardant caracoler aux faîtes des « BBC Most Influential Women » (2019), des « New York Times Groundbreaker » (2019), des « Inc Magazine Top 100 Female Founders » (2018), de la « CNBC Next List » (2015), de la « MIT Technology Review’s 35 Innovators Under 35 » (2014), ou des « Popular Mechanics 25 Makers Who Are Reinventing the American Dream » (2014), on pourrait hâtivement la cataloguer première de classe, geek en béton armé et à l’affect muselé. Ou dans le sillage de ces requins de la tech’, une calculatrice dans la tête, qui négocient des contrats à plusieurs zéros et mettre ainsi de l’eau dans le redoutable moulin du capitalisme. Erreur. Certes, Ayah Bdeir est l’une des plus brillantes entrepreneures de notre décennie ; certes, elle a levé des sommes astronomiques pour sa start-up littleBits, mais elle est surtout et avant tout une entrepreneure avec du cœur, qui, bien qu’avouant manier les rouages du milieu, déclare : « Afin d’être un agent de changement global, je fais usage de mon côté pragmatique dans un but émotionnel et souvent rêveur. » C’est d’ailleurs pourquoi, depuis octobre 2019, elle a mis sa matière grise, son temps et son expertise au service de la révolution libanaise, dans le cadre de la plate-forme DaleelThawra qu’elle a cofondée avec deux amies et qui est devenue le guide ultime des activités liées à la thaoura.

« Che GuevAya » place des Martyrs. Photo Dania Bdeir

Che GuevAya

Du plus loin qu’elle se souvienne, Ayah Bdeir a été féministe, « avant même de savoir ce que cela voulait dire », poussant à l’ombre de parents qui ont toujours encouragé leurs quatre filles à suivre les voies qu’elles souhaitaient. « J’ai eu la chance de grandir dans cet environnement où, très tôt, en découvrant mes appétences pour les maths et les sciences, mon père m’avait mis entre les mains des kits de chimie, des Lego, et m’a poussée à faire carrière dans ce domaine, chose qui n’était pas très commune dans notre société éminemment patriarcale, » se rappelle celle que l’on prénommait déjà Che GuevAya à l’adolescence, sans doute pour sa fibre révolutionnaire que venait titiller le moindre dysfonctionnement de l’État libanais et qui l’envoyait manifester en faveur des causes qui lui tiennent à cœur. Notamment celle des travailleuses migrantes domestiques, de la condition des femmes, « et surtout les inégalités sociales, et le fait qu’au Liban, et ailleurs, le pouvoir est entre les mains d’une poignée de gens qui abusent de leurs prérogatives, profitent du système pour mieux exploiter et écarter les classes les moins favorisées ».


On comprend mieux pourquoi, diplômes de Computer and Communications Engineering et sociologie à l’AUB en poche, puis master en sciences décroché du MIT Media Lab, la fille volubile, talent précoce et énergie féroce, préfère « embarquer dans la navette du changement, plutôt que de regarder le monde avec impuissance ». En 2011, installée à New York, elle crée et lance littleBits, une start-up dont l’objectif est « de démocratiser l’accès à la technologie, notamment en s’adressant aux enfants et en les initiant à ce domaine, afin de leur permettre de comprendre le monde d’aujourd’hui et de faire celui de demain ». À travers des kits composés de petits blocs colorés, dont 2 millions ont été écoulés à ce jour à travers une librairie open source, Bdeir invitait donc les plus jeunes à s’emparer, en s’amusant, d’un langage informatique souvent alambiqué et « malheureusement réservé à une certaine élite ». « L’idée était, poursuit-elle, de mobiliser les futurs adultes à prendre part dans la construction de nos sociétés en simplifiant la notion de technologie, en les aidant à monter des prototypes faciles, au lieu d’être de simples consommateurs. Car, ne nous leurrons pas, ne pas posséder cette langue aujourd’hui, c’est presque être illettré, et donc écarté par les groupes qui gouvernent ce domaine. » En l’espace de 10 ans, naviguant dans un milieu gouverné par les hommes et taillé sur mesure pour eux, bravant des commentaires du genre « tu es trop belle pour être ingénieure », Ayah Bdeir marque au fer rouge une réussite doublée d’une véritable révolution éducative. En plus d’avoir rejoint la prestigieuse famille des TED Talkers à la faveur d’une remarquable et très remarquée intervention en 2012, en plus de faire partie du board du Fund For Public Schooling, la savante libanaise intègre ses littleBits dans plusieurs programmes scolaires.

Démocratiser l’information

Et puisque le hasard fait souvent bien les choses, la révolution d’octobre a émergé pile au moment où elle vend sa compagnie et décide de s’accorder une retraite temporaire. Au lendemain du 17 octobre, à la vue des images qui lui arrivaient par flot sur son écran à New York, elle ne peut s’empêcher de grimper dans le premier avion en partance pour Beyrouth. « J’avais complètement perdu espoir en mon pays, mais dès que j’ai été dans la rue, que je suis allée à la rencontre de notre admirable société civile et de ces groupes qui se sont organisés impeccablement et qui n’ont rien à envier avec les activistes du reste du monde, quelque chose s’est déclenché en moi. J’avais le cœur rempli de bonheur et j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose, », confie celle dont la bouche en cœur n’hésite pas à se muer en mitraillette pour dénoncer les abus de notre classe dirigeante. En l’espace de quatre jours, rejointe par deux de ses amies, Bana Abouricheh Kadi (productrice dans le domaine de l’art et la technologie) et Nina Ghais (chercheuse et femme de sciences), Ayah Bdeir donne naissance à un site internet et une page Instagram baptisés DaleelThawra. « Une plate-forme créée pour le peuple et par le peuple, pour mettre de l’ordre, maximiser l’efficacité des projets et démocratiser l’accès à l’information à la diaspora et ceux qui désirent s’engager. » Très vite, et comme son nom le dit si bien, cette plate-forme, portée par les trois femmes et une équipe de volontaires éparpillés aux quatre coins du monde, devient la référence mais aussi le guide ultime de la révolution avec, tous les matins, un calendrier en arabe et anglais qui condense des informations pratiques, manifestations, conférences, marches, opérations des ONG et autres événements prévus pour la journée, ainsi qu’une section rassemblant des appels aux aides urgentes. Faisant jongler son activisme entre New York où elle réfléchit déjà à « un projet de flux et d’échanges entre les révolutionnaires de ce monde qui se soulève » et Beyrouth qui l’appelle sans cesse, Ayah Bdeir devient l’une des femmes orchestres de la révolution libanaise, faisant affluer sur DaleelThawra des activistes par milliers, mais aussi sur son compte personnel où elle a lancé après la double explosion du 4 août son régalant Skinny. Soit un récapitulatif condensé de l’actualité libanaise qu’elle commente et desquame avec brio et humour. Et de conclure : « Cette révolution est une révolution d’éveil qui a prouvé au monde que nous sommes un peuple extraordinaire et capable de se gouverner lui-même. Je ne suis qu’un pont au milieu de l’inestimable réseau de communication qui s’est tissé, avec juste l’envie d’informer et mobiliser les gens, de les introduire à un monde duquel ils se sentaient exclus, la diaspora en premier. » Cette diaspora qu’elle souhaite voir un jour, une fois cette bataille remportée, rentrer au bercail, et elle avec eux. Se poser sur l’une de ces plages libanaises qu’elle affectionne, avec une bière à la main, et retrouver le sentiment du soleil qui caresse sa peau, « ce soleil libanais, différent de tous les autres ».

DaleelThawra : @daleelthawra et https://www.daleelthawra.com

Comptes Twitter et Instagram : @ayahbdeir

En consultant la presse internationale ou sa page Wikipedia où s’empilent diplômes et récompenses glanés en l’espace de quelques années, en la regardant caracoler aux faîtes des « BBC Most Influential Women » (2019), des « New York Times Groundbreaker » (2019), des « Inc Magazine Top 100 Female Founders » (2018), de la « CNBC Next List »...

commentaires (1)

oui ,le soleil libanais est différent de tous les autres ,comme elle! J.P

Petmezakis Jacqueline

08 h 28, le 22 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • oui ,le soleil libanais est différent de tous les autres ,comme elle! J.P

    Petmezakis Jacqueline

    08 h 28, le 22 septembre 2020

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