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Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre ouverte à Macron : les causes de la fronde des Libanais

« Le navire sur lequel nous sommes embarqués est désormais à la dérive, sans cap, sans destination, sans visibilité, sans boussole, sur une mer houleuse, et qu’il faudrait un sursaut, d’urgence, pour éviter le naufrage.  »

Amin Maalouf

Monsieur le Président Emmanuel Macron,

Depuis des siècles, la France et le Liban entretiennent des liens puissants de confiance et d’amitié, des liens culturels et financiers, forgés tout au long de l’histoire. Bien avant la proclamation solennelle de l’État du Grand Liban, le 1er septembre 1920 au Palais des Pins par le général Gouraud, c’est à partir du XVIIe siècle que poètes, orientalistes, pèlerins, commerçants, sériciculteurs affluaient au Liban. Les uns, épris par la beauté du paysage et voyant la réalisation d’un rêve biblique familier, les autres, attirés par une impression spiritualiste, se trouvaient touchés dans leur sens et leur esprit ! Un Volney, un Nerval, un Lamartine, des Portalis témoignent de ce propos. Il y a cinquante ans, le général de Gaulle, recevant à l’Élysée le président Charles Hélou, disait : « Depuis toujours, le Liban apparaît aux Français comme la porte de l’Orient, et depuis plusieurs siècles, la voix de l’Occident est, pour les Libanais, avant tout celle de la France. »

Monsieur le Président,

Suite à la terrible hécatombe du 4 août, vous vous êtes dépêché de venir visiter, le 6 août, le port de Beyrouth, ainsi que les quartiers avoisinants dévastés. Le 1er septembre 2020, vous avez effectué au Liban une visite d’urgence. Il y a de quoi. « Le risque aujourd’hui, c’est la disparition du Liban ! » Ce cri d’alarme du ministre Le Drian est bien révélateur !

Corruption et pourriture, mensonges, nonchalance, injustice, humiliation, état sanitaire dégradant, environnement alarmant, établissements d’enseignement au bord de l’effondrement, dépréciation de la monnaie nationale et, par conséquent, la moitié de la population qui se trouve sous le seuil de la pauvreté. Mais aussi, et surtout, les jeunes Libanais sont abandonnés à leur sort! Depuis l’indépendance, le Liban n’avait pas connu une situation similaire.

Les Libanais, dans toutes leurs composantes religieuses, confessionnelles et sociales, se sentent humiliés dans leur amour-propre, leur dignité personnelle et, par conséquent, nationale, du fait de la déshonorante situation que traverse notre pays. Oui, le Liban est « sans boussole », il navigue « sur une mer houleuse ». Ainsi, la déflagration du port de Beyrouth, quoi qu’on dise d’elle, est aberrante. Accidentelle ? C’est un crime abominable dû à la nonchalance, à la négligence et l’irresponsabilité ! Préméditée ? Un crime contre l’humanité ! Les Libanais sont indignés de l’alimentation en courant électrique. Depuis 40 ans, le Liban souffre d’une pénurie de courant. Des milliards de dollars ont été dépensés du Trésor public et la situation, déjà si pitoyable, n’a fait qu’empirer. Pourtant, 20 % du déficit annuel est englouti par ce secteur et les résultats sont dégradants.

Les Libanais sont indignés aussi par le comportement de leurs dirigeants. En effet, quand l’autorité, les institutions, les personnalités ne peuvent se prévaloir d’une crédibilité morale, quand les politiciens, par leur comportement, arrivent à influencer les hommes pour les amener à croire que le monde est une jungle où règne la loi du plus fort et où tous les coups sont permis, ne contribuent-ils pas à dériver leur patrie vers la violence meurtrière et le chaos ? Oui, nous sommes indignés, parce qu’« on peut être irrité à tort, on n’est indigné que lorsqu’on a raison ».

Monsieur le Président,

Le Liban est aussi exposé à un autre genre de menace. Il est en quête d’une stratégie pour défendre ses droits pétroliers. La délimitation des frontières maritimes risque de pousser Israël à faire de la ZEE une zone de conflits. C’est pourquoi le Liban réclame l’adoption de mesures adéquates afin d’éviter tout conflit qui menacerait la paix et la sécurité internationales. Il s’agit là d’une zone frontalière maritime et des plus importantes richesses sous-marines en hydrocarbures découvertes dans le monde depuis dix ans. Et puis, selon Paris, « la Méditerranée orientale ne doit pas être un terrain de jeu pour les ambitions de certains ».

Faudra-t-il, Monsieur le Président, que le Liban demeure toujours sur ses gardes, avec des « voisins difficiles » ? Ne lui suffit-il pas le lourd fardeau de deux millions de réfugiés ? Par similitude, un pays européen de 60 millions d’habitants pourrait-il accueillir 30 millions de réfugiés ? Ou aussi, un million et demi de réfugiés sur une superficie de 10 452 km2, soit, par analogie, 100 millions de réfugiés pour l’Europe !

Dans cet amalgame, nous ne pouvons que saluer notre armée libanaise qui, tout au long de ces années difficiles, a su affronter vaillamment les actes de violence et les agressions. L’armée libanaise, colonne vertébrale de l’État, avec son potentiel modeste en armement, tient bon hardiment, consent des sacrifices pour la sauvegarde de l’honneur et de la patrie! Les Libanais, dans leurs composantes sociales et confessionnelles, sont fiers de leur armée et lui sont reconnaissants.

Monsieur le Président,

Notre pays connaît l’une des phases les plus difficiles et les plus sombres de son histoire. Cependant, il mène un combat de défense de son territoire, de ses richesses, de son identité et de son fondement. La collaboration des chrétiens et des musulmans, pierre angulaire du fonctionnement institutionnel du Liban, se trouve menacée. La mission du Liban ne réside-t-elle pas à apprendre aux autres à vivre ensemble, en dépit de leurs différences ? Ce mode ne présente-t-il pas le principal défi de ce siècle ? « Et s’il y a un défi que les Libanais comprennent mieux que d’autres et où ils pourraient apporter une expérience historique précieuse, c’est celui-là. » Alors, le « vivre-ensemble », ou la convivialité, à laquelle le Liban tient, ne fait-elle pas face à la violence et à l’intégrisme ? Mieux encore, le Liban ne forme-t-il pas un phare de culture francophone sur les côtes orientales de la Méditerranée? C’est avec raison que M. Le Drian a affirmé que « le Liban est la première puissance éducative dans la région ». Et puisque le Liban a excellé dans la diffusion du français et des langues partenaires, dans la maîtrise des nouvelles technologies de l’information, dans le développement de la promotion de l’État de droit, ne devrait-il pas continuer à jouer son rôle dans ce coin du monde afin de bâtir la paix dans les esprits ?

Merci Monsieur le Président pour la feuille de route que vous avez proposée. « Il faut qu’un gouvernement se reconstitue parce qu’il y a urgence, une urgence à la fois humanitaire et sanitaire, et une urgence politique. » Après tout, n’appartenons-nous pas, tous, à la même planète, à la même communauté des hommes ? Simone Veil disait : « Nous devons être vigilants et la défendre non seulement contre les forces de la nature qui la menacent, mais encore davantage contre la folie des hommes ! »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« Le navire sur lequel nous sommes embarqués est désormais à la dérive, sans cap, sans destination, sans visibilité, sans boussole, sur une mer houleuse, et qu’il faudrait un sursaut, d’urgence, pour éviter le naufrage.  » Amin Maalouf Monsieur le Président Emmanuel Macron, Depuis des siècles, la France et le Liban entretiennent des liens puissants de confiance et...

commentaires (1)

CE VIVRE ENSEMBLE N'EST QU'ILLUSOIRE AVOUEZ -LE. DEPUIS SON INDEPENDANCE LE LIBAN N'A FAIT QUE FAIRE FACE A DES CONFLITS INTERNES ENTRE SES COMPOSANTES- MAIS OUI MAIS OUI-PRETEXONS ENCORE QUE C'EST DES CONFLITS DES AUTRES SUR NOTRE TERRITOIRE- MAIS AYONS LA DECENCE D'AVOUER QUE NOUS EN SOMMES LES BRAS, QUE C'EST BIEN NOUS QUI LES VOULONS INDIRECTEMENT. ASSEZ DIRE LA FAUTE AUX ITALIENS... ASSEZ CHANTER, LOUER LE VIVRE ENSEMBLE QUI N'A ETE A CE JOUR QUE FANTASIE

Gaby SIOUFI

11 h 07, le 18 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • CE VIVRE ENSEMBLE N'EST QU'ILLUSOIRE AVOUEZ -LE. DEPUIS SON INDEPENDANCE LE LIBAN N'A FAIT QUE FAIRE FACE A DES CONFLITS INTERNES ENTRE SES COMPOSANTES- MAIS OUI MAIS OUI-PRETEXONS ENCORE QUE C'EST DES CONFLITS DES AUTRES SUR NOTRE TERRITOIRE- MAIS AYONS LA DECENCE D'AVOUER QUE NOUS EN SOMMES LES BRAS, QUE C'EST BIEN NOUS QUI LES VOULONS INDIRECTEMENT. ASSEZ DIRE LA FAUTE AUX ITALIENS... ASSEZ CHANTER, LOUER LE VIVRE ENSEMBLE QUI N'A ETE A CE JOUR QUE FANTASIE

    Gaby SIOUFI

    11 h 07, le 18 septembre 2020

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