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Environnement - Déchets ménagers

Décharge de Jdeidé : trois à quatre jours de sursis avant l’inconnu

Le site devait fermer ses portes aujourd’hui pour cause de saturation, mais le Premier ministre sortant a demandé un délai pour mettre en place une solution.


Décharge de Jdeidé : trois à quatre jours de sursis avant l’inconnu

Une série d’échecs, de reports et de mauvaises décisions placent le Liban une fois de plus face au risque d’une crise des déchets, à un moment où il se débat déjà avec maintes autres crises. Photo d’archives Nasser Traboulsi

Le feuilleton nauséabond des déchets ménagers au Liban se poursuit en toute impunité. Une nouvelle fois, le gouvernement semble désemparé face à la énième arrivée à saturation d’une décharge, pourtant annoncée et tout à fait prévisible. Le site côtier de Bourj Hammoud-Jdeidé, déjà source de nombreuses nuisances pour le voisinage, devait fermer ses portes aujourd’hui, comme le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) en avait notifié le ministère de l’Environnement le 17 août (voir L’OLJ du 8 septembre). Une fois de plus, le gouvernement a quémandé un ultime délai pour trouver une solution – qui devrait être, comme à chaque fois, provisoire et incomplète.

Une source proche du dossier a en effet confirmé à L’Orient-Le Jour que le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a demandé au CDR un délai de « trois à quatre jours » avant la fermeture, ce que le CDR a exigé à son tour de l’entrepreneur, Dany Khoury. La décharge restera donc ouverte… jusqu’à la fin de la semaine. Sur les solutions envisagées, aucune information n’a filtré pour le moment...

La décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé, au nord de Beyrouth, est l’un des deux sites qui composaient l’essentiel du plan d’urgence pour la gestion des déchets adopté par le gouvernement à la suite de la crise des déchets de 2015-2016. Elle dessert une partie de Beyrouth et du Mont-Liban nord, et s’étend sur le littoral de deux municipalités, Bourj Hammoud et Jdeidé. Elle était déjà arrivée à saturation en mai dernier, quand le gouvernement Diab a décidé d’en prolonger la durée de vie de trois mois en misant sur un stockage en hauteur, vite décrié par les députés de la région. Ce délai de trois mois a duré plus longtemps que prévu, étant donné la baisse de consommation en raison du confinement lié au coronavirus, et la décharge aurait pu accueillir les déchets jusqu’en novembre, selon les informations initiales. La double explosion du port le 4 août en a toutefois précipité la saturation, de par la brusque augmentation du volume des déchets dans les quartiers de Beyrouth desservis par la décharge, à laquelle s’est ajouté le problème de la destruction des usines de tri à la Quarantaine et de compostage à Coral, qui réduisaient quelque peu le volume des ordures à enfouir. Avec cette très brève énième prolongation, Beyrouth, le Metn et le Kesrouan échappent donc de peu, et pour très peu de temps, à une nouvelle crise des déchets certaine. C’est ce que confirme également à L’OLJ Walid Bou Saad, le directeur de Ramco, l’entreprise en charge de la collecte. « Nous n’avons pas reçu de directives officielles pour l’arrêt de la collecte dans les régions que nous desservons, affirme-t-il. Mais nous ne savons pas pour combien de temps. » Il assure que la fermeture des usines de tri et de compostage, totalement détruites selon lui (car installées dans le périmètre du port de Beyrouth), oblige l’entreprise à transporter la totalité des sacs-poubelle collectés directement sur le site de la décharge. « Dans les semaines qui ont directement suivi l’explosion, le volume des déchets avait nettement augmenté, atteignant les 1 100 tonnes par jour du fait des débris jetés, précise-t-il. Depuis que les choses sont quelque peu revenues à la normale, nous collectons entre 700 et 750 tonnes par jour, 400 le dimanche. »

« De mal en pis ! »

Sur les solutions provisoires envisagées par le gouvernement démissionnaire, aucune indication ne filtrait hier. Samar Khalil, experte en sécurité environnementale et chimique et membre de la Coalition civile pour la gestion des déchets, pourtant régulièrement impliquée dans les discussions avec les autorités autour des solutions, se demande cette fois ce qui peut bien régler cette nouvelle prorogation en urgence. « Nous n’avons pas reçu de réponses à nos questions, affirme-t-elle à L’OLJ. Les choix sont extrêmement limités : le gouvernement peut décider d’agrandir la décharge, ce qui nécessite du temps et de l’argent. Il peut rouvrir la décharge de Naamé (qui a desservi Beyrouth et le Mont-Liban de 1997 à 2016, NDLR), mais un obstacle politique de taille, représenté par les forces politiques de la région (notamment le Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt, NDLR), l’en empêche. Il peut aussi envisager d’autres sites de décharges, dont deux qui avaient été proposés lors d’un plan de gestion des déchets en 2017. Mais là aussi, il manque de temps et de ressources pour répondre à l’urgence. Quant à un nouveau stockage en hauteur dans la même décharge, je crois que c’est exclu car ce n’est pas faisable. »

Un plan était en discussions au ministère de l’Environnement avant l’explosion, auquel Samar Khalil a participé, mais « il est exclu qu’il puisse servir dans l’urgence, la moindre de ses mesures nécessitant un an pour être appliquée ».

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Dans ce contexte, l’environnementaliste fustige ce qu’elle considère être « une série d’échecs, de mauvaise gestion, de négligence ». « Avec les deux usines détruites, nous avons perdu le peu de capacités de tri et de compostage que l’on avait dans cette région, dit-elle. La logique aurait voulu que nous utilisions les facilités de l’autre décharge, celle de Costa Brava (sud de Beyrouth), mais son centre de tri à Amaroussieh n’a pas été développé comme il aurait fallu, et l’usine de compostage n’est pas encore opérationnelle. Quant à celle de Saïda, elle tourne déjà à plein régime. » « Bref, nous allons de mal en pis ! déplore Samar Khalil. Nous avons perdu le peu que nous avions et nous payons le prix des multiples retards, que ce soit dans l’application des mesures de tri à la source ou du développement de nos capacités à réduire le volume des déchets enfouis. »

En matière de retards, il faut signaler que le volume des déchets se retrouvant à Bourj Hammoud-Jdeidé aurait pu être réduit de 200 tonnes par jour, qui auraient été traités par une usine à Ghosta, au Kesrouan. Les pourparlers entre le CDR et cette usine durent depuis des mois, mais n’ont abouti à aucun accord. Rabih Osta, directeur général de l’entreprise Phoenix qui gère l’usine, a confirmé à L’OLJ que l’accord n’a pas été conclu et que, par conséquent, le site ne traite aucune tonne provenant de Beyrouth. « Le principal obstacle est le suivant : le CDR nous impose un taux maximal de 5 % d’enfouissement, ce que nous ne pouvons réaliser à moins de produire du RDF (combustible issu des déchets) qui est traditionnellement utilisé dans les cimenteries, explique-t-il. Or nous attendons toujours l’approbation du ministère de l’Environnement pour cela. » La technique du RDF est décriée par de nombreux écologistes.

Que se passera-t-il en fin de semaine ? Faut-il s’attendre à une nouvelle crise des déchets, pire que les précédentes vu les circonstances, ou à une nouvelle solution d’urgence, nécessairement mauvaise ?


Le feuilleton nauséabond des déchets ménagers au Liban se poursuit en toute impunité. Une nouvelle fois, le gouvernement semble désemparé face à la énième arrivée à saturation d’une décharge, pourtant annoncée et tout à fait prévisible. Le site côtier de Bourj Hammoud-Jdeidé, déjà source de nombreuses nuisances pour le voisinage, devait fermer ses portes aujourd’hui, comme...

commentaires (4)

On tourne en rond. Il faut expliquer à nos chers écologistes que les RDF est une partie de la solution. Une opposition idéologique ne mène à rien. Le problème n’est pas le RDF, le problème, c’est le manque de gouvernance.

PPZZ58

20 h 57, le 16 septembre 2020

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Commentaires (4)

  • On tourne en rond. Il faut expliquer à nos chers écologistes que les RDF est une partie de la solution. Une opposition idéologique ne mène à rien. Le problème n’est pas le RDF, le problème, c’est le manque de gouvernance.

    PPZZ58

    20 h 57, le 16 septembre 2020

  • Si jamais, il y a beaucoup de place au parlement, au sérail, et à Baabda. Juste une idée pour faire avancer le schmilblick...

    Gros Gnon

    19 h 20, le 15 septembre 2020

  • BEN OUI, VCE DEPOTOIRE NE SERA UTILE ET COMPLET QU'APRES Y AVOIR DEVERSE QQS 120+++ & TOUTE CETTE RACAILLE

    Gaby SIOUFI

    10 h 43, le 15 septembre 2020

  • DE GRACE ! DECHARGEZ Y LE DEPOTOIR ETOILE DE LA GROTTE ALIBABIENNE ET SES SALES DECHETS AVANT SA FERMETURE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 01, le 15 septembre 2020

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