
Un homme éteignant ce qui reste de l'énorme incendie au port de Beyrouth, le 11 septembre 2020, au lendemain du début du sinistre. Photo REUTERS/Aziz Taher
L'énorme incendie qui s'est déclaré jeudi à 13h25 dans un entrepôt du port de Beyrouth, touchant une aide humanitaire vitale et ravivant la colère des Libanais encore sous le choc de l'explosion qui a meurtri la capitale il y a cinq semaines, a enfin été éteint vendredi peu avant 8h30 par la Défense civile et l'armée libanaise.
Sur ses réseaux sociaux, la Défense civile a ainsi expliqué que ses équipes, épaulées par un hélicoptère militaire ainsi que par les pompiers de Beyrouth, continuaient à refroidir le site de l'incendie afin d'éviter que les flammes ne reprennent.
Au milieu des entrepôts soufflés par la gigantesque déflagration du 4 août mais encore remplis de cargaisons, des pompiers parfois juchés sur des grues projetaient de l'eau en contrebas pour empêcher une telle reprise du feu, selon un correspondant de l'AFP. Le sol était envahi par des marres d'eau, tandis qu'une épaisse fumée blanche flottait lourdement sur ce paysage de ruines. En début d'après-midi, un nouveau départ de feu a été enregistré, avant d'être vite maîtrisé par les pompiers, selon des images rapportées par le journaliste de SkyNews Arabia Salman Andary, sur son compte Twitter.
L'incendie initial avait pris jeudi dans un entrepôt utilisé par la Croix-Rouge internationale pour stocker des milliers de colis alimentaires et un demi-million de litres d'huile. Dans la nourriture se trouvaient notamment des pâtes, du sucre, du thé, des lentilles et des pois chiches, selon un communiqué de l'organisation. En conséquence, "l'explosion et l'incendie auront indéniablement un impact sur l'aide humanitaire du CICR, que se soit au Liban ou en Syrie" voisine, a averti la Croix-Rouge.
Selon des informations préliminaires, des "réparations" étaient menées avec une scie électrique, dont les étincelles ont entraîné "le déclenchement d'un incendie", avait affirmé de son côté dans un communiqué le ministre des Travaux publics et des Transports, Michel Najjar.
Pour suivre cette affaire, le chef de l'État a reçu au palais présidentiel vendredi matin une délégation militaire présidée par le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, "afin d'être informé en détail de la situation actuelle au port et des parcelles environnantes qui ont été endommagées, ainsi que des opérations d'aides et du travail des ONG", a indiqué la présidence sur Twitter.
Il s'agissait du deuxième incendie en quelques jours dans le port. Mercredi, des monticules de déchets, de bois et de pneus avaient déjà pris feu. Dans ce même port, le 4 août, un incendie qui s'était déclaré dans le hangar 12 où étaient stockées 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, "sans mesures de précaution", de l'aveu même des autorités, avait provoqué une immense explosion, qui a fait au moins 192 victimes, 6.500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la capitale. Les principaux dirigeants de l'État, en premier lieu le président Michel Aoun et le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, avaient été avertis des dangers que représentait cette cargaison. Face à l'indignation populaire, les responsables se sont rejeté la responsabilité.
"Injustifiable"
Dans un premier commentaire sur le sinistre de jeudi, le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, a estimé sur son compte Twitter que l'incendie de jeudi "est injustifiable". "La reddition des comptes est une condition sine qua non pour éviter que de tels événements douloureux ne se reproduisent", a-t-il prévenu.
"L'incendie d'aujourd'hui (jeudi) peut être un acte de sabotage ou le résultat d'une erreur technique, d'une ignorance ou d'une négligence, et dans tous les cas, la cause doit être connue le plus tôt possible et les auteurs doivent rendre des comptes", avait déclaré hier le président de la République, Michel Aoun, lors d'une réunion urgente du Conseil supérieur de défense. A l'issue de cette réunion, le Conseil a demandé aux "services concernés et à l'administration portuaire de contrôler et d'inspecter le contenu des hangars et conteneurs qui se trouvent actuellement au port".
Une enquête est actuellement diligentée par le procureur de la République Ghassan Oueidate, à la demande de la ministre sortante de la Justice Marie-Claude Najm. Elle est menée par la police militaire et devrait permettre d’identifier les causes exactes du sinistre, qui a provoqué un vent de panique dans la ville, notamment dans les quartiers alentour qui n’ont pas encore eu le temps de panser leurs blessures après la catastrophe du 4 août.
Dans ce contexte, la police militaire libanaise interrogeait vendredi une vingtaine de personnes suspectées d'être impliquées dans les travaux qui auraient provoqué l'énorme incendie. Parmi elles, un responsable de l'entreprise BCC Logistics. La compagnie avait en effet loué le hangar de la zone franche où avait lieu l'opération de soudure à l'origine du sinistre d'hier. Elle a toutefois rejeté toute responsabilité dans le nouveau drame, appelant dans un communiqué à "déterminer les causes de l'incendie", et disant se réserver "le droit de porter plainte".
commentaires (6)
Des milliers de COLIS ALIMENTAIRE de la Croix-Rouge internationale brûlés. Puisque ni le Président de la république ni le Premier Ministre ne sont capables de condamner (ou de soutenir ouvertement) les criminels, il faut une intervention militaire internationale pour protéger les libanais face à ces CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ à répétition.
Georges Lebon
15 h 02, le 11 septembre 2020