Le directeur de l’Aéroport international de Beyrouth a assuré hier qu’il n’y avait « aucun risque d’explosion » à l’AIB, à la suite d’informations concernant des fuites dans les installations de stockage de kérosène ainsi que d’autres dysfonctionnements à l’aéroport.
« Il n’y a pas d’explosion qui nous attend à l’aéroport (…) Il n’y aura pas de seconde catastrophe menaçant la sécurité publique », a tenté de rassurer Fadi el-Hassan lors d’une conférence de presse au siège du ministère des Travaux publics et des Transports, en référence à la double explosion dans le port de la capitale. « Il n’y a pas de fuite de carburant. Nous faisons tout pour éviter l’émergence d’un problème. Nous agissons avec un ensemble de sociétés gérant tout ce qui se passe au port, dont la livraison de kérosène aux avions de manière sûre. Notre responsabilité est d’être sans cesse sur le qui-vive pour protéger les voyageurs », a-t-il déclaré, ajoutant que la maintenance relevait de leur responsabilité, mais pas les infrastructures. « Nous ne pouvons attendre la survenue d’un accident pour nous assurer de l’absence de problèmes », a assuré Fadi el-Hassan.
Les craintes d’un accident sont pourtant réelles. L’affaire de la sécurité publique à l’aéroport rappelle celle du port et du nitrate d’ammonium stocké pendant des années sans que le danger qu’il représente n’interpelle les autorités ou ne les pousse à réagir sérieusement pour le neutraliser. Cette négligence, qui a coûté la vie à 190 personnes selon un bilan non définitif, fait plus de 6 500 blessés, des dizaines de milliers de sans-abri et dévasté plusieurs quartiers, fait toujours l’objet d’investigations. Dans ce cadre, le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a été entendu hier au Sérail par le juge d’instruction près la Cour de justice Fadi Sawan, qui doit également recueillir les dépositions d’anciens ministres des Travaux publics.
Fuite de 84 000 litres de carburant
Les risques potentiels à l’aéroport, liés principalement à la fuite de 84 000 litres de carburant en raison d’une rupture d’un tuyau principal, sont connus depuis au moins six mois, comme le révèle le journaliste Salem Zahran, qui a révélé l’affaire. Sur son compte Twitter, il a publié dans la matinée une lettre du ministère des Travaux publics adressée à la Cour des comptes datée du 24 février, dans laquelle un entrepreneur chargé des installations de ravitaillement des avions et des réparations à l’aéroport dresse une liste des « risques opérationnels » qui ont été observés à l’AIB, dont la fuite de 84 000 litres de carburant, un dysfonctionnement dans la chambre de distribution souterraine ayant provoqué l’arrêt de l’aéroport pendant quatre heures, l’obstruction d’un robinet d’alimentation en carburant, un arrêt du centre de gestion électronique pouvant causer une perte de contrôle de la navigation aérienne. M. Zahran évoque une dispersion des responsabilités entre différents acteurs publics.
Le danger que représentent ces fuites a poussé le président Michel Aoun à demander au ministre des Travaux publics, Michel Najjar, de donner sans tarder l’ordre de réparer ces installations, et aux départements compétents des ministères des Travaux publics et de la Justice de suivre cette affaire.
Il a en outre chargé le procureur de la République, Ghassan Oueidate, d’enquêter autour d’une éventuelle dilapidation de fonds publics liée au contrat entre l’entrepreneur en question à la direction de l’AIB et le déblocage des fonds nécessaires pour effectuer les travaux de maintenance.
Encore des matières explosives au port
Parce que, outre le volet sécuritaire, une polémique concernant ce contrat et le déblocage des fonds a éclaté à la suite des révélations de Salem Zahran qui a rendu publique une correspondance de la Cour des comptes à ce sujet. Lors d’une conférence de presse, M. Najjar a affirmé qu’il avait demandé au ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, de débloquer les crédits nécessaires pour la maintenance des installations à l’aéroport. « Aucune réponse n’a été obtenue et aucun crédit n’a été débloqué à ce jour », a-t-il dit. Le ministre sortant s’est étonné du fait que la Cour des comptes parle de gaspillage et de refus d’effectuer les opérations de maintenance. « Nous avons suivi ce sujet avec le chef de l’État,qui a publié une décision prolongeant de quatre ans le contrat liant l’aéroport à la société chargée de la maintenance », a-t-il précisé. En soirée, le ministre Ghazi Wazni devait débloquer l’argent nécessaire pour les travaux de réparation.
Pendant ce temps, au port de Beyrouth, l’armée saisissait quatre conteneurs renfermant quatre tonnes et 350 kilos de nitrate d’ammonium, et le député Nazih Najm, président de la commission parlementaire des Travaux publics et des Transports, révélait l’existence de 43 conteneurs bourrés de matières explosives. M. Najm, qui a effectué hier une tournée au port de Beyrouth, a annoncé au cours d’une conférence de presse que c’est le directeur général de la gestion et de l’exploitation du port par intérim, Bassem Kaïssi, qui lui a fait part de la présence de ces conteneurs et de sa volonté d’intenter un procès contre les compagnies de fret responsables de ces cargaisons. MM. Najm et Kaïssi avaient tenu une réunion à ce sujet en présence du président du Conseil supérieur des douanes, Assaad Toufayli. Durant cette réunion, ils ont pris contact avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, qui a promis d’intervenir sans tarder.
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"Nous avons suivi ce sujet avec le chef de l’État,qui a publié une décision prolongeant de quatre ans le contrat liant l’aéroport à la société chargée de la maintenance », a-t-il précisé. En soirée, le ministre Ghazi Wazni devait débloquer l’argent nécessaire pour les travaux de réparation." Et voila, c'est comme cela que l'on perpetue l'adjudication des contracts de l'aeroport sans "appels d'offres"!!! Une piece de theatre destinee probablement a garder la corruption bien presente. Tres Triste...
Hanna Philipe
13 h 12, le 04 septembre 2020