La présidence de la République a interdit hier matin à l’équipe de la chaîne de télévision MTV d’entrer au palais de Baabda afin d’y couvrir le déroulement des consultations parlementaires contraignantes, en raison de ses « attaques » lancées ces dernières semaines contre le chef de l’État Michel Aoun. La chaîne a quant à elle fustigé cette décision qui relève, selon elle, d’une « guerre permanente contre les médias libres ».
« La chaîne a attaqué le président de la République, porté atteinte à sa réputation et l’a insulté », a indiqué le bureau de presse de la présidence, dans un communiqué où il justifie sa décision d’interdire à la MTV l’accès au palais présidentiel hier pour couvrir la désignation du nouveau Premier ministre. Le texte précise que la présidence a demandé à la chaîne à plusieurs reprises de revenir sur son « style inapproprié », mais sans parvenir à des résultats, soulignant que la MTV a commis « des violations qui sont passibles de poursuites judiciaires pouvant mener à sa fermeture ». Baabda se défend toutefois de toute atteinte à la liberté de la presse « à laquelle le président Aoun est attaché ».
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Ghayath Yazbeck, directeur des journaux télévisés et des programmes politiques à la MTV, a estimé qu’il s’agissait d’un acte « honteux ». « Ce genre de comportement date d’une autre époque. Il érige une barrière entre celui qui occupe le palais de Baabda et les gens qui ont faim et qui sont ruinés, estime M. Yazbeck. Au lieu que le président considère les médias comme des liens entre lui et la population, il estime que nous agressons le palais », ajoute-t-il. « Il y a une guerre permanente contre les médias libres. C’est regrettable, à l’heure où le président affirme être attaché à la liberté d’expression », souligne le journaliste.
C’est sur la MTV que le député de Baabda et ancien ministre Pierre Bou Assi avait traité Michel Aoun d’« ogre de la mort » et l’avait appelé à démissionner. Le Courant patriotique libre avait ensuite appelé ses partisans à boycotter la chaîne. De son côté, le président du Parlement, Nabih Berry, avait déposé une plainte contre plusieurs journalistes, dont Dima Sadek qui avait déclaré le 19 août dernier, lors de l’émission Au nom du peuple diffusée sur la MTV, que M. Berry était un milicien.
Réagissant au comportement de la présidence de la République, le député de Jbeil Ziad Hawat a dénoncé une atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d’expression. « Une fois de plus, le “mandat fort” chute de façon spectaculaire dans ses agissements avec les libertés médiatiques et la liberté d’expression, garanties par la Constitution. La liberté est une des composantes essentielles du Liban », a écrit M. Hawat sur son compte Twitter.
« Interdire à la MTV de couvrir les consultations parlementaires au palais présidentiel est une des preuves d’une faillite sans précédent », analyse pour sa part le collectif Journalistes pour la liberté, dans un communiqué publié hier. « Le palais présidentiel a contrevenu à un des principes de la Constitution qui garantit les libertés publiques et de la presse. La MTV a mis le doigt sur une plaie infligée au Liban par le système au pouvoir », ajoute le texte.
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C'est le sort des chaînes télévisées qui ne se respectent pas et qui ouvrent leurs antennes à des invités qui discréditent et décrient le président et tous ceux qui gravitent dans son orbite
Hitti arlette
21 h 54, le 01 septembre 2020